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damnoit à une mort civile, qu’on appelloit legitimum exilium. Tite-Liv.

INTERDIT, s. m. (Jurisprud.) chez les Romains étoit une ordonnance du préteur, qui enjoignoit, ou défendoit de faire quelque chose en matiere de possession, afin de rétablir par provision ce qui y avoit été interverti par quelque voie de fait, & d’empêcher les deux contendans d’en venir aux mains, en attendant que l’on statuât définitivement sur leurs prétentions respectives.

Il y avoit plusieurs divisions des interdits ; la premiere, des interdits prohibitoires, restitutoires & exhibitoires.

Les prohibitoires étoient ceux par lesquels le préteur défendoit de faire quelque chose ; tels étoient les interdits appellés quod vi, aut clam, aut precario, c’est-à dire ceux qui étoient donnés contre toute usurpation violente, toute possession clandestine ou précaire : tel étoit aussi l’interdit, ne in sacro vel publico loco ædificetur ; & celui ne quid fiat in flumine publico quo pejus navigetur.

Les interdits restitutoires sont ceux par lesquels le préteur ordonnoit de rendre ou retablir quelque chose, comme la possession enlevée.

Par les interdits exhibitoires, il ordonnoit d’exhiber quelque chose, comme de représenter un fils de famille, ou un esclave à celui qui le reclamoit, de communiquer le testament à tous ceux qui y étoient intéressés.

On divisoit encore les interdits en trois classes ; les uns adipiscendæ possessiones, les autres retinendæ, les autres recuperandæ.

Les premiers s’accordoient à ceux qui n’avoient pas encore eu la possession, & il y en avoit trois de cette espece ; savoir, l’interdit quorum bonorum, l’interdit quod legatorum & l’interdit appellé salvianum.

L’interdit quorum bonorum, étoit celui qu’on accordoit à l’héritier ou successeur, pour prendre la possession corporelle des choses héréditaires au lieu & place de celui qui les possédoit, comme héritier ou successeur, quoiqu’il ne le fût pas.

L’interdit quod legatorum, se donnoit à l’héritier ou successeur, contre les légataires qui s’étoient emparés prématurément des choses à eux léguées, afin que cet héritier ou possesseur les ayant répétées, fût en état d’exercer la falcidie par rétention, plutôt que par vindication.

On appelloit interdictum salvianum celui que le préteur accordoit au propriétaire d’un fond, pour se mettre en possession des choses que le fermier lui avoit obligées pour les fermages

Les interdits retinendæ possessionis étoient ceux où chacun des contendans prétendoit avoir la possession de la chose, & vouloit la garder pendant la contestation sur la propriété : ceux ci étoient de deux sortes ; savoir, l’interdit uti possidetur qui avoit lieu pour les meubles, & qui s’accordoit à celui qui avoit la possession au tems que l’interdit étoit demandé, & l’interdit uti ubi pour les immeubles, à l’égard desquels on donnoit la possession à celui qui avoit possédé pendant la plus grande partie de l’année. Il y en avoit un troisieme conçu en ces termes, quod ne vis fiat ei qui in possessionem missus est.

Il n’y avoit qu’un seul interdit recuperandæ possessionis, qu’on appelloit undè vi, par lequel celui qui avoit été dépouillé de la possession d’un fonds, demandoit d’y être réintégré.

La derniere division des interdits étoit en simples & doubles ; les simples étoient ceux où l’un des deux contendans étoit demandeur, & l’autre défendeur, tels que les interdits restitutoires & exhibitoires. Les interdits doubles étoient ceux où chacun étoit demandeur & défendeur ; comme quand tous

deux se disoient avoir la possession.

Chaque interdit avoit sa dénomination particuliere, selon la matiere dont il s’agissoit. Voyez le titre des interdits au code, au digeste, & aux institutes, & la Jurisprudence de M. Terrasson, pag. 326 & 327.

Dans notre usage on a supprimé toutes les formules des interdits, & nous n’en connoissons que deux ; savoir, celui retinendæ possessionis, & celui recuperandæ possessionis. Le premier est connu sous le nom de complainte, l’autre sous le nom de réintégrande, l’une & l’autre n’ont lieu que pour les immeubles. Voyez Complainte & Réintégrande. (A)

Interdit, (Jurisprud.) est aussi une censure ecclésiastique ; & une excommunication générale que le pape prononce contre tout un état, ou contre un diocese, une ville ou autre lieu, & quelquefois contre une seule église ou chapelle ; chaque évêque peut aussi en prononcer dans son diocèse.

L’effet de l’interdit est d’empêcher que le service divin ne soit célébré dans le lieu qui est interdit ; qu’on n’y administre les sacremens, & qu’on accorde aux défunts la sépulture ecclésiastique.

Ces sortes d’interdits sont appellés réels ou locaux, pour les distinguer des interdits personnels, qui ne lient qu’une seule personne, soit ecclésiastique ou laïque.

L’objet de ces sortes d’interdits n’étoit, dans son origine, que de punir ceux qui avoient causé quelque scandale public, & de les ramener à leur devoir en les obligeant de demander la levée de l’interdit ; mais dans la suite ces interdits furent aussi quelquefois employés abusivement pour des affaires temporelles, & ordinairement pour des intérêts personnels à celui qui prononçoit l’interdit.

Les dix premiers siecles de l’église nous offrent peu d’exemples d’interdits généraux.

On trouve néanmoins dans les lettres de saint Basile quelques exemples de censures générales dès le iv. siecle. Une de ces lettres est contre un ravisseur ; le saint prélat y ordonne de faire rendre la fille à ses parens, d’exclure le ravisseur des prieres, & le déclarer excommunié avec ses complices, & toute sa maison pendant trois ans ; il ordonne aussi d’exclure des prieres tout le peuple de la bourgade qui a reçu la personne ravie.

Auxilius jeune évêque excommunia la famille entiere de Clacicien ; mais saint Augustin desapprouve cette conduite, & saint Léon a établi les mêmes maximes que saint Augustin dans une de ses lettres aux évêques de la province de Vienne.

Ces interdits généraux étoient toujours en quelque sorte personnels, parce qu’on supposoit que tous ceux contre lesquels ils étoient prononcés étoient complices du crime.

Les premiers interdits locaux se trouvent dans l’église de France. Prétextat évêque de Rouen ayant été assassiné dans sa propre église en 586, Leudovalde évêque de Bayeux, alors la premiere église de cette province, mit toutes les églises de Rouen en interdit, défendant d’y célébrer le service divin jusqu’à ce que l’on eût trouvé l’auteur du crime.

Le concile de Tolede tenu en 683, défendit de mettre les églises en interdit pour des ressentimens particuliers, celui de Nicée tenu en 787, défendit pareillement aux évêques d’interdire quelqu’un par passion, ou de fermer une église & interdire l’office, exerçant sa colere sur des choses insensibles. Le concile fixe même deux cas seulement où l’interdit local peut être prononcé ; encore n’est-ce qu’autant que toute la ville ou communauté est coupable ou complice du crime. La pragmatique-sanction tit. 20, & le concordat tit. 15, portent la même chose.