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tres sous le ventre ; la dépouille de plusieurs especes d’insectes garde la forme exacte de toutes les parties de leur corps.

Les chrysalides ont différentes formes ; il y en a de coniques, d’autres sont angulaires ; il s’en trouve de ressemblans à des dattes ; on leur donne le nom de feves. D’autres ressemblent en quelque façon à un enfant au maillot, à la tête d’un chien, d’un chat, d’une souris, d’un oiseau, &c. On se doute bien que ces ressemblances sont très-imparfaites. On reconnoît plus aisément dans la forme de la chrysalide celles des principales parties de l’insecte qui en doit sortir ; tous ses membres sont rangés, appliqués, pliés ou étendus contre le corps ; on les voit à-travers la coque de quelques chrysalides, ou au moins on distingue leur figure. Les chrysalides ont différentes couleurs quelquefois très-belles ; il y en a de dorées, de brunes, de jaunes, de rouges, de vertes, de blanches, de violettes ; on en voit qui ont différentes teintes de ces couleurs. Souvent les plus beaux insectes sortent des chrysalides les moins belles, & les insectes les plus laids viennent des plus belles chrysalides.

Quelques insectes sont immobiles dans l’état de chrysalides ; d’autres font quelques petits mouvemens lorsqu’on les touche ; mais aucun ne prend de nourriture durant cet état. Comme ils ne peuvent pas veiller à leur sureté, ils se placent à l’abri d’une pierre ou d’une racine ; & ils rendent le côté de leur coque qui est exposé plus ferme pour résister à la dent des vers ; d’autres se suspendent à des fils, ou font au-tour d’eux une sorte de filet à larges mailles ; d’autres enfin se revêtent de laine ou de coques de soie. Il y a des coques ovales ; il y en a de sphéroïdes, de coniques, de cylindriques, d’angulaires ; d’autres ont la forme d’un bateau, d’une navette ou d’une larme de verre, dont le corps seroit renflé & la pointe recourbée, &c.

Chaque espece d’insecte a son tems pour se transformer en nymphe ou en chrysalide ; les uns au mois de Mai, d’autres en Juin, en Juillet, en Août, en Septembre. Il y en a qui ne demeurent dans cet état que douze jours, tandis que d’autres y en restent quinze, seize ou vingt ; quelques uns ne sortent pas même si tôt de leur prison ; ils y sont enfermés les uns trois semaines & les autres un mois ; on en voit qui y restent deux mois, d’autres six, neuf ou dix ; d’autres enfin une année & même plus ; par conséquent on les voit paroître successivement dans différent tems de l’année, depuis le mois de Février jusqu’au mois de Décembre ; il y en a même qui ont deux générations en un an.

S’il y a des insectes dont la génération soit spontanée, comme l’ont cru les anciens, au moins la plûpart des insectes que nous connoissons le mieux sont les uns mâles & les autres femelles ; ils s’accouplent & produisent des œufs d’où il sort un ver. Les éphemeres ne s’accouplent pas, le mâle fraie seulement comme les poissons sur les œufs de la femelle ; dans quelques especes, comme celles des limaces, des escargots, des vers de terre, chaque individu a les deux sexes qui se joignent réciproquement de part & d’autre dans l’accouplement ; dans certaines especes, tels que celles des abeilles, des guêpes, des fourmis, il y a grand nombre d’individus qui ne sont ni mâles ni femelles ; c’est pourquoi on les appelle mulets. On a observé dans ce siecle qu’un puceron produit d’autres pucerons lui seul sans accouplement ; enfin, différentes parties d’un polype coupées & séparées les unes des autres, deviennent chacune des polypes entiers, comme le rameau d’un arbre devient par bouture un arbre complet.

Dans les especes d’insectes qui s’accouplent, les femelles sont ordinairement plus grosses que les mâ-

les ; cette différence est évidente parmi les puces,

les grillons, &c. dans plusieurs especes les antennes des mâles ont des nœuds, des barbes ou des bouquets de poils qui ne sont pas sur les antennes des femelles ; les mâles de quelques especes d’insectes ont des aîles, & les femelles en manquent, ou n’en ont que d’imparfaites ; elles sont pourvûes dans d’autres especes d’un tuyau qui sert à conduire leurs œufs entre l’écorce des arbres, dans la terre, dans le parenchyme des feuilles, & dans d’autres endroits où ils ne pourroient pas parvenir sans cet organe. Quelquefois les couleurs du mâle sont différentes de celles de la femelle.

Il se trouve autant de variétés entre les œufs des insectes qu’entre leurs différentes especes, tant par la grandeur & la forme de ces œufs, que par les couleurs. On en voit de ronds, d’ovales, de coniques, &c. de bruns, de verds, de rougeâtres, de jaunâtres, de couleur d’or & de perles, &c. la ponte de quelques insectes, tels que le grand scarabé pillulaire, n’est que d’un œuf ; d’autres en sont six ou sept, trente, soixante, &c. il en sort plusieurs centaines, & même plusieurs milliers d’une seule femelle, telle par exemple qu’une mere abeille. Il y a des insectes qui ne prennent d’autre soin de leurs œufs que de les déposer dans des lieux où les vers trouvent au sortir de l’œuf une nourriture convenable ; plusieurs les enveloppent de soie, les couvrent de poils qu’ils tirent de leur corps, les enduisent d’une matiere visqueuse, les mettent sous des arbres, les cachent en terre, &c. la plûpart des meres meurent dès qu’elles ont pondu ; d’autres au contraire, n’abandonnent jamais leurs œufs ; quelques especes d’araignées les portent toûjours avec elles renfermés dans une enveloppe ; les abeilles, les guêpes, les frelons, les fourmis ont un soin continuel de leurs œufs & de leurs nymphes.

Plusieurs insectes font des nids avec une singuliere industrie ; ils y emploient différentes matieres. La teigne qui vit au fond de l’eau se fait un fourreau avec des brins d’herbe, de petites pierres, des fragmens de bois, d’écorces, de feuilles, &c. elles collent ces différentes matieres les unes contre les autres avec une sorte de glu, qui rend le fourreau lisse à l’intérieur tandis qu’il est raboteux à l’extérieur. D’autres insectes, tels que les scarabés pillulaires, font des petits nids ronds semblables à ceux des hirondelles. Il y a des abeilles qui roulent des feuilles pour en faire un étui où elles déposent leurs œufs ; cet étui a la forme d’un dé à coudre : « elles soudent de leur bouche, par le moyen d’une humeur visqueuse, les côtes d’une feuille fort soigneusement ; elles ferment le fond de leur nid par trois ou quatre morceaux de feuilles circulaires, appliquées les unes sur les autres pour rendre l’ouvrage plus solide ; & comme ces pieces circulaires ont un peu plus de circonférence que n’en a l’ouverture qu’elles doivent fermer, cela fait que quand le bourdon les y colle, elles prennent une figure convexe. Le dessus du nid est fermé par un couvercle qui a la forme d’une assiete. Le bourdon le leve quand il veut sortir, après quoi il se referme de lui-même ». Elles se servent des feuilles de différentes autres manieres aussi industrieuses, & font d’autres manœuvres très-singulieres, pour se loger & pour renfermer leurs provisions, leurs œufs, leur nymphes, &c. comme on peut le voir dans cet ouvrage aux articles de plusieurs insectes, par exemple, voyez Abeille, Ruche, Guepe, Guépier, &c. Extrait de la Théolog. des insectes.

On divise les insectes en sept classes.

La premiere classe comprend les insectes coléopteres ; ils ont des fourreaux sur les aîles, & leurs mâchoires sont posées l’une à côté de l’autre, & non-