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ces aspects combinés on peut attendre des crises bien complettes dans les fievres ardentes, inflammatoires, &c. Aucune observation moderne n’est venue à l’appui de ces anciennes ; mais aucune aussi ne les a détruites. On pourroit cependant regarder comme une confirmation du système des anciens, les observations faites par les célebres Goad & Kook sur les variations de l’atmosphere, relativement aux aspects & aux positions des planetes. Frédéric Hoffman les a répétées avec soin, & il assure qu’une expérience fréquente lui en a attesté la vérité, & crebra nos experientia hâc in re confirmavit ; voici ce qu’il en dit lui-même.

Toutes les fois que Saturne regarde, adspicit, une planete dans quelque position que ce soit, il comprime l’air, excite des vents froids qu’il fait venir du septentrion. L’association de Saturne & de Vénus donne lieu d’attendre des pluies froides ; le vent souffle alors du septentrion & de l’occident. Jupiter est ordinairement venteux avec quelque planete qu’il concoure, sur-tout en autonne & au printems, de façon qu’il est rare qu’il y ait des tempêtes & des orages, sans que Jupiter soit en aspect avec quelqu’autre planete. Parmi les planetes pluvieuses, Vénus tient le premier rang, sur-tout si elle est en conjonction avec Mercure, Saturne & Jupiter. Le soleil & Mars annoncent & operent les jours séreins & chauds, sur-tout dans l’été lorsqu’ils se trouvent en conjonction ; les effets sont les mêmes, quoique plus foibles, s’ils agissent de concert avec Mercure & Jupiter. Mercure est d’une nature très-inconstante, & produit beaucoup de variations dans l’air ; le même jour est sous son aspect serein, pluvieux, venteux, orageux, &c. Avec Jupiter il donne naissance aux vents ; avec Vénus, à la pluie. L’action de ces planetes varie beaucoup, suivant la distance & la situation du soleil. La lune même rapporte des changemens, en accélere ou en retarde les effets suivant son influence particuliere. La situation du lieu, la nature du climat, peuvent aussi faire naître bien des variétés ; & cette même action appliquée au corps, ne sçauroit être uniforme dans tous les tempéramens, tous les âges, tous les sexes, tous les états, & tous les individus. Voyez Kook, Météorolog. S. Astronom. Goad, Tractatus meteorol. & la Dissertation d’Hoffman, qui se trouve dans le IV. vol. tome V. pag. 70.

Ces observations qu’il est bien difficile de contester, paroissent mettre hors de doute l’influence de ces planetes sur l’air, & en conséquence sur le corps humain. Personne n’ignore les effets de ce fluide, dans lequel nous vivons, que nous avalons avec les alimens, que nous respirons continuellement, & qui s’insinue par tous les pores absorbans qui sont ouverts sur notre peau ; il est certain que la plûpart des maladies épidémiques méritent de lui être attribuées. J’ai prouvé dans un mémoire lu à la société royale des Sciences en 1749, que l’air étoit la principale cause des fievres intermittentes. Il y a certaines personnes qui ont des signes assurés, qui leur marquent exactement les variations de l’atmosphere, des douleurs de tête, des rhumatismes, des suites de blessures ou de luxation, qui se réveillent dans les changemens de tems, & les instruisent plus surement que les meilleurs barometres. Voyez Air, Atmosphere. J’ai vu il y a peu de jours un malade attaqué d’une fievre putride, portant à la poitrine ; il resta pendant sept à huit heures que dura un orage violent, dans un état affreux ; il avoit peine à respirer, se sentoit foible & abattu ; avoit des inquiétudes. Après un coup de tonnerre, qui fit un fracas épouventable, l’orage cessa ; en même tems il se trouva debarrassé d’un espece de poids qui l’affaissoit ; la levre supérieure se couvrit de boutons, il fut extrèmement soulagé, & entra en convalescence.

On peut déduire de toutes ces observations examinées de bonne foi, & approfondies sans partialité, combien cette partie de l’Astronomie qui traite de l’influence des astres, peut être avantageuse aux medecins, & combien par conséquent elle mériteroit d’être plus cultivée & mieux étudiée. Tout ce qui est de l’intérêt public, & d’un intérêt aussi pressant & aussi prochain que celui qui résulte de la Medecine, doit être un motif suffisant pour nous engager à des recherches ultérieures ; mais ne sera-t-il pas à craindre que l’esprit humain enflammé de nouveau par quelque réussite, ne donne aussi-tôt dans l’excès, ne porte cette science à un extrême toujours vicieux ; & il est sûr que le mal qui en proviendroit seroit infiniment au-dessus des avantages qu’on pourroit tirer de cette connoissance retenue dans un juste milieu. Mais dans cet état même, les matieres aux recherches, aux observations, ne sont-elles pas trop vastes pour détourner un medecin de l’application des choses plus sérieuses & plus intéressantes ? Si l’intérêt public l’emportoit davantage sur le particulier, il faudroit que des medecins s’appliquassent uniquement aux observations météorologiques, qui pour être bien faites demanderoient beaucoup de tems & de connoissances, voyez ce mot ; aux découvertes anatomiques, physiques, chimiques, &c. en un mot aux sciences accessoires de la Médecine, & le praticien puiseroit dans les arsenaux des matériaux tous digérés, pour être le fondement & l’appui d’une pratique beaucoup plus solide & brillante. Car il est impossible que le même medecin puisse suivre tous ces différens objets ; ils devroient être renvoyés à tant de gens qui ne sont point nés medecins, que la curiosité porte à cette étude, mais que l’intérêt fait praticiens. On naît medecin comme on naît poëte ; la nature fait l’un & l’autre. Art. de M. Menuret.

INFORMATION, s. f. (Jurisp.) est un acte judiciaire contenant les dépositions des témoins que l’on fait entendre sur un crime ou délit dont la partie civile ou publique a rendu plainte.

Anciennement les informations étoient quelquefois qualifiées d’enquêtes ; mais pour les distinguer des enquêtes qui se font en matiere civile, on les appelloit enquêtes de sang, ce qui convenoit principalement à celles que l’on faisoit en cas de meurtres, homicides, assassinats.

Les informations se font ordinairement en conséquence d’une permission accordée par le juge sur la requête à lui présentée par celui qui a rendu plainte ; cependant lorsqu’un accusé est pris en flagrant délit, & qu’il s’agit d’un crime qui intéresse le public, le juge peut informer d’office.

Cette enquête d’office se nommoit autrefois apprise, comme qui diroit ce que le juge a appris ; il en est parlé dans les coutumes de Beauvoisis ch. iv. & dans les registres du Parlement. Il y avoit une grande différence entre apprise & enquête ou information. L’enquête portoit fin de querelle ; l’apprise n’en portoit point, c’est-à-dire qu’on pouvoit condamner un accusé sur une enquête ou information ; au lieu qu’on ne pouvoit pas juger sur une simple apprise. Celle-ci, dit Beaumanoir, servoit seulement à rendre le juge plus savant.

Ces sortes d’apprises se faisoient tant en matiere civile que criminelle, comme il paroît par une ordonnance de Louis Hutin, du mois de Mai 1315, faite à la supplication des nobles de Champagne, où le roi ordonne que chacun pris pour crime, soit oui en ses bonnes raisons, & que si aucune apprise se faisoit contre lui, que par cette seule apprise il ne fût condamné ni jugé.

Les enquêtes ou informations étoient publiques en matiere criminelle aussi bien qu’en matiere civile, & l’on en donnoit copie à l’accusé lorsqu’il le deman-