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& les maladies chroniques qui tombent dans ce tems éprouvent des changemens subits qui les terminent ordinairement par la mort ou par la santé ; & il est rare que les troubles qui s’excitent alors, ne soient pas funestes aux malades. Frider. Hoffman, dissert. citat. Sanctorius a observé que dans le tems du solstice d’hiver, notre transpiration étoit moindre d’une livre que dans tout autre tems. Medicin. static. Hippocrate, comme nous l’avons déjà remarqué plus haut, veut que pendant les dix jours du solstice d’été, on s’abstienne de tout grand remede, qu’on ne coupe ni ne brûle, &c. & assure que ce défaut de précaution n’est pas sans inconvénient.

Influence méchanique de la lune. L’action méchanique de la lune sur la terre, est incontestablement prouvée par le flux & reflux de la mer ; & c’est surtout de la correspondance exacte du flux & reflux avec les périodes lunaires, qu’on est parti pour établir que la lune est la cause principale de ce phénomene ; ainsi des observations qui démontreroient la même réciprocité entre les phénomenes de l’économie animale & les phases & mouvemens de la lune, seroient une preuve évidente de l’influence méchanique de la lune sur le corps. Je passe sous silence les preuves physiques qu’on pourroit tirer du reflux de l’air, des changemens qui y arrivent alors, & de l’action de l’air sur le corps humain (Voyez Air), les raisons d’analogie qui seroient d’ailleurs suffisantes ; car qui est-ce qui niera que notre machine soit attirable ou compressible ? Toute la classe des végétaux pourroit encore fournir des traits d’analogie convainquans ; le laboureur & le botaniste ont également observé que la lune avoit un empire très-étendu sur la fécondité des plantes ; c’est aussi une regle invariable chez les paysans, soutenue par une tradition constante, & par-là même respectable, d’avoir égard pour semer les grains aux phases de la lune ; ils ont remarqué que les arbres plantés en pleine lune portoient assez promptement des fruits, mais petits & graveleux ; & qu’au contraire, ceux qui étoient mis en terre pendant la pleine lune, portoient des fruits beaucoup plus tardifs, mais aussi bien supérieurs en beauté & en délicatesse ; la transplantation même des arbres ne se fait jamais avec plus de succès que pendant les premiers quartiers de la lune : on s’est aussi apperçu que les plantes semées dans le déclin de la lune poussoient des racines très longues & très-multipliées, & celles qu’on semoit en pleine lune, étoient chargées de très belles fleurs : ces précautions ne sont point indifférentes à l’égard de plusieurs plantes, le fleuriste pourroit sur-tout en tirer bien des avantages ; il n’est personne qui ne sache que la coupe des bois demande les mêmes attentions ; que ceux qui sont coupés dans la pleine lune pourrissent bien-tôt, & sont moins propres à servir aux bâtimens que ceux qui ont été coupés dans la vieille lune.

Joignons à toutes ces preuves les observations propres qui établiront la même influence sur le corps humain, & qui sont d’autant plus convainquantes qu’elles ont été faites la plûpart par des medecins qui ajoûtoient peu de foi à l’influence des astres, ou qui la négligeoient entierement.

1°. Le retour périodique des regles dans les femmes, est si exactement d’accord avec le mois lunaire, qu’il y a eu presqu’une voix sur ce point dans tous les siecles, chez tous les medecins & chez les femmes même ; les maladies qui dépendent de quelque vice dans cette excrétion (classe fort étendue à laquelle on peut rapporter la plûpart des maladies des femmes), suivent souvent avec une extrème régularité les mêmes périodes. Charles Pison raconte qu’une fille fut pendant tous le printems tourmentée de symptômes d’hystéricité qui commençoient

aux approches de la pleine lune, & ne cessoient que vers la fin du dernier quartier. On a observé que les hémorrhoides avoient aussi ces périodes communs avec l’évacuation menstruelle.

2°. Maurice Hoffman dit avoir vu une jeune fille âgée de quatorze ans, née d’une mere épileptique, à qui le ventre enfloit tous les mois à mesure que la lune croissoit, & diminuoit en même tems que la lune alloit en décroissant. (miscell. nat. curios. ann. 6. observ. 161.) On assure que les huitres sont beaucoup plus grosses & les coquillages plus remplis pendant la nouvelle & la pleine lune, que pendant les derniers quartiers au déclin. Gelle, témoin oculaire de ce fait, prétend l’avoir vu s’opérer de même dans bien d’autres animaux, qui engraissoient & maigrissoient successivement selon que la lune étoit nouvelle ou vieille. Hippocrate pense que les femmes conçoivent principalement dans la pleine lune. Voyez Hoffman, dissertation citée.

3°. Les maladies nerveuses sont très-souvent conformes aux périodes lunaires. Il y a une foule d’observations qui justifient le nom de lunatiques, qu’on a donné aux épileptiques & aux maniaques ; Galien, Cælius Aurelianus, Pitcarn, ont principalement observé cette uniformité. Méad rapporte l’histoire d’un jeune enfant attaqué de convulsions, qui étant revenues à la pleine lune, suivirent si exactement les périodes de la lune, qu’elles répondoient tous les jours au flux & reflux de la mer ; de façon que lorsque les eaux venoient couvrir le rivage, l’enfant perdoit l’usage de la voix & de tous ses sens, & lorsque les eaux s’en retournoient, l’enfant revenoit entierement à lui ; il resta pendant quatorze jours dans cet état jusqu’à la nouvelle lune. (de imper. solis & lun. pag. 169.) Pitcarn a observé un chorea sancti Viti aussi régulierement périodique. Charles Pison parle d’une paralysie, que la nouvelle lune ramenoit tous les mois. Tulpius a vu un tremblement, dont les accès étoient correspondans au flux & reflux de la mer, à la lune, & quelquefois au soleil. Un medecin de Paris m’a communiqué depuis quelques jours un mémoire à consulter pour un épileptique, dont les accès reviennent pendant la vieille lune.

4°. On trouve dans les éphémerides des curieux de la nature, une quantité d’exemples de maux de tête, de vertiges, de blessures à la tête, d’affections épidémiques, de fievres malignes, de diabetes, de maladies exhantématiques, &c. qui démontrent l’influence méchanique de la lune sur le corps. Synops. ad litter. lunæ. Voyez Sauvages de influx. syder. Il y est aussi fait mention de deux somnambules, dont l’un tomboit dans ses accès dans le tems de la pleine lune, & les paroxysmes de l’autre étoient correspondans aux phases de la lune.

5°. Il arrive aussi quelquefois que les redoublemens dans les maladies aiguës suivent les alternatives du flux & reflux ; & cela s’observe principalement dans les villes maritimes. Charles Pison dit que les malades se trouvoient très-mal lorsque le flux de la mer se rencontroit dans la pleine lune ; c’est un fait connu, dit-il, que plusieurs sont morts pendant le tems du reflux ; mais pour l’ordinaire, les douleurs, suivant le rapport des malades, & les symptomes redoubloient pendant six heures que dure le flux, & le reflux amenoit une intermission plus ou moins parfaite. Dans la fievre pétéchiale, épidémique, qui régnoit à Thuringe en 1698 & 1699, on apperçut beaucoup d’altération dans les maladies correspondantes aux lunaisons pendant l’hiver & l’autonne ; & au printems, presque tous les fébricitans mouroient très-promptement pendant les derniers quartiers de la lune, tandis que ceux qui étoient malades pendant la nouvelle lune & les pre-