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ner du mouvement au corps, car en ce cas elle augmentera la quantité des forces vives, ou de la force absolue ; & la troisieme ne sera pas moins renversée, si l’ame a le pouvoir de changer la direction de son corps, & par son moyen celle des autres. Voyez Vattel, Déffense du syst. Leibn. 894. 134. Les Carthésiens ont déja senti ces difficultés qui leur ont fait rejetter l’influence physique, quoiqu’ils se soient trompés en disant qu’il se conserve toujours la même quantité de mouvement.

La cause occasionnelle n’est que l’occasion seulement, & non pas la cause directe de l’effet qui s’ensuit.

L’influence rejettée a conduit les Philosophes à deux autres systèmes sur l’union de l’ame & du corps. L’un est celui des causes occasionnelles du P. Mallebranche, & l’autre celui de l’harmonie préétablie de M. Leibnitz. Voyez son article.

Ceux qui admettent les causes occasionnelles, conçoivent que Dieu est lui-même l’auteur immédiat de l’union que nous remarquons entre l’ame & le corps. Mon ame veut mouvoir mon bras, & Dieu le meut. Je veux jetter une boule, Dieu étend mon bras, applique ma main sur la boule, me la fait empoigner, &c. Tous ces mouvemens se font exactement pendant que je le veux, & c’est pour cette raison que je me crois la cause de ces différens mouvemens. Les mouvemens de l’ame & du corps ne sont donc que l’occasion de ce qui se passe dans l’un & dans l’autre. Pareillement lorsque des corps étrangers agissent sur nos nerfs, Dieu est l’auteur immédiat des perceptions qui naissent de leur action : pendant que ma main s’applique à la boule, je ne sens point la boule, mais Dieu me donne la perception de cet attouchement.

Ceux dont nous rapportons le sentiment, étendent même cette action immédiate de Dieu jusqu’à la communication du mouvement, lorsqu’un corps en choque un autre.

Cette opinion est fondée 1°. sur ce que posé ce commerce réciproque & occasionnel, on comprend aisément que le corps & l’ame font une seule personne ; car, puisque l’ame est gouvernée à l’occasion du corps, & le corps à l’occasion de l’ame, aucune de ces deux substances n’est totale & complette, aucune par conséquent n’est personne. 2°. En ce qu’il est vraissemblable que Dieu est la seule cause efficiente de ce commerce ; car l’influence mutuelle de l’ame sur le corps, & du corps sur l’ame, ne sauroit jamais se comprendre.

Mais il y a des philosophes auxquels les conséquences de ce systême paroissent ridicules ; par exemple ce n’est point un boulet de canon qui tue un homme, c’est Dieu qui le fait. Le mouvement du canonnier, dont le bras remué par la puissance de Dieu a porté du feu sur la poudre d’un canon, a déterminé Dieu à enflammer la poudre ; la poudre enflammée a déterminé Dieu à pousser le boulet, & le boulet poussé jusqu’à la superficie extérieure du corps de l’homme, a déterminé Dieu à briser les os de cet homme. Un poltron qui s’enfuit, ne s’enfuit pas ; mais le mouvement de sa glande pinéale agitée par l’impression d’un bataillon ennemi, qui vient à lui hérissé de bayonnetes au bout du fusil, détermine Dieu à remuer les jambes de ce poltron, & à le porter du côté opposé à celui d’où vient ce bataillon.

On a souvent dit dans un sens moral que le monde est un théâtre où chacun joue son rôle, mais on pourroit dire ici dans un sens physique que l’univers est un théâtre de marionettes, & que chaque homme est un polichinelle, qui fait beaucoup de bruit sans parler, & qui s’agite beaucoup sans se remuer.

Influence, s. f. (Phys.) on appelle ainsi l’effet réel ou prétendu que les astres produisent sur la terre & sur les corps qu’elles renferment, ou qui la cou-

vrent. Nous disons réel ou prétendu ; car d’une part

il ne paroît pas que les étoiles & les planetes fort éloignées, puissent produire sur nos corps & sur notre tête aucun effet sensible, eu égard à leur petitesse ; de l’autre on ne peut douter de l’influence très-sensible du soleil, & même de la lune sur notre atmosphere. L’action de ces deux astres, de l’aveu de tous les philosophes, produit le flux & reflux de la mer ; or cette action ne peut agiter la mer sans passer auparavant par l’atmosphere, & sans y produire par conséquent des effets très-sensibles ; or on sait à quel point les changemens de l’atmosphere agissent sur les corps terrestres. L’influence du solell & de la lune sur ces corps, est donc très-réel & très-sensible ; il est vrai pourtant que celle du soleil l’est encore plus que celle de la lune, à cause de la chaleur de cet astre. Voyez Soleil, Lune, & Vent ; voyez aussi Astrologie.

Influence ou Influx des Astres, s. m. (Med. Physique générale, partie thérapeut.) Ce mot pris dans le sens le plus étendu, signifie une action quelconque des astres sur la terre & sur toutes ses productions ; la connoissance des effets qui sont censés résulter de cette action, ne nous regarde qu’autant qu’elle peut être de quelqu’utilité en Medecine, par le rapport de ces effets avec les plantes, les animaux, & surtout l’homme, objet noble & précieux de cette science. Nous ne considérons que sous ce point de vûe cette partie de l’Astronomie, qui est appellée plus particulierement Astrologie ; voyez ce mot. Nous ne pouvons nous empêcher d’être un peu longs, & d’entrer dans bien des détails sur une matiere célebre chez les anciens, regardée par eux comme très-importante, & fort discréditée chez la plûpart des medecins modernes.

L’influence des astres étoit un dogme fameux dans l’antiquité la plus reculée, dont on étoit persuadé même avant qu’on pensât à en connoître ou à en déterminer le cours. L’application de l’Astrologie à la Medecine est aussi très-ancienne ; elle eut lieu dans ces temps d’ignorance, où cette science encore dans son berceau, exercée par des dieux, n’étoit qu’un mêlange indigeste & bisarre d’un aveugle empyrisme & d’une obscure superstition. On voit dans quelques livres qui nous restent d’Hermès ou de Mercure, que toute sa medecine étoit principalement fondée sur l’Astrologie & sur la Magie. Quelques phénomenes trop évidens, & trop constamment attachés à la marche du soleil, pour qu’on pût en méconnoître la source, firent d’abord appercevoir une influence générale de cet astre sur notre globe, & ses phénomenes principaux & les plus apparens sont la lumiere, la chaleur, & la sécheresse. On vit en même tems combien les hommes, les animaux, & sur-tout les végétaux, étoient affectés par ces qualités, effets immédiats du soleil, par les variations qui y arrivoient, par leur diminution, ou par une privation sensible ; savoir l’obscurité, & sur-tout le froid & l’humidité. Cette influence assurément incontestable ne fixa pas beaucoup l’attention, peut-être le peu de sensation qu’elle fit, pouvoit être attribué à son trop d’évidence ; on ne tarda pas à la généraliser, on l’étendit d’abord à la lune, aux planetes, & enfin à toutes les étoiles fixes. On tourna bientôt en certitude les premiers soupçons que l’analogie, & peut-être quelques faits observés, firent naître sur l’influx lunaire. On fut beaucoup plus frappé de cette influence obscure, mal-constatée, peu fréquente, que de celle du soleil qui tomboit tous les jours sous les sens, & dont on ressentoit à tout moment les effets ; sans doute parce qu’elle fournissoit à l’esprit humain jaloux des découvertes, plus flatté de celles qui sont difficiles, d’ailleurs avide de dispute, des matieres abondantes de recherche & de discus-