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vacité des symptomes, le faire précéder d’une ou de deux saignées, pour en prévenir les mauvais effets & en faciliter même l’opération ; lorsqu’on le donne avec ces précautions, & au commencement de la maladie sur-tout, il n’y a rien à craindre, mais tout à espérer de son administration. Le cas où il sembleroit le plus contre-indiqué, sont les maladies inflammatoires de la poitrine ; ce sont pourtant celles où il réussit le mieux ; il n’y a que des medecins inexpérimentés qui puissent s’effrayer d’un point de côté ou d’un crachement de sang ; on voit au contraire ces accidens diminuer après l’opération de l’émétique ; on peut après, si l’indication est bien marquée, & si le cas l’exige, donner un ou deux cathartiques pris dans la classe des médiocres ou des minoratifs ; mais rarement on est obligé de recourir à ces remedes ; je serois d’avis que dans leur exhibition on eût un peu plus d’égard au jour de la maladie. Hippocrate, exact observateur, a remarqué que les purgatifs étoient plus utiles les jours pairs, & que leur usage étoit souvent dangereux les jours impairs : cette remarque mérite quelque attention. Si après qu’on a fait précéder ces remedes, la fievre inflammatoire est modérée, qu’on n’observe rien de dangereux, d’anomale dans le cours des symptomes, le medecin doit rester oisif spectateur, jusqu’à ce que la coction faite il se prépare quelque effort critique à seconder, ou, pour s’accommoder aux préjugés reçus, & satisfaire l’envie singuliere qu’ont quelques malades d’être médicamentés, on peut les amuser par des riens, par des remedes indifférens dont la médecine abonde, par des petits laits, des ptisanes, des loochs, des lavemens ; encore doit-on être plus circonspect pour ces derniers remedes dans les fievres exanthématiques, dans celles qui portent à la poitrine ; ils sont souvent mauvais : j’en ai vû de très-pernicieux effets dans la petite vérole. Si la fievre étoit trop forte, ce qui est assez rare, on pourroit avoir recours aux saignées, aux lavages, aux délayans, &c. Si elle est trop foible, qu’on apperçoive une langueur, un affaissement dans la machine, il faut recourir de bonne heure aux remedes qui animent, stimulent les vaisseaux, aux cordiaux, plus ou moins actifs, aux élixirs spiritueux, aromatiques, aux huiles essentielles, à l’éther. Ces remedes employés à propos peuvent sauver quelquefois la vie aux malades, dans le cas où le dépôt inflammatoire ne peut être formé, & qu’il va se faire un repompement dangereux de cette matiere dans le sang ; lorsqu’il est à craindre qu’un malade succombe dans le froid d’un redoublement, on peut lui faire passer ce détroit, & le mettre en état de supporter des efforts critiques, & de résister aux évacuations qui doivent terminer la maladie ; mais pour donner ces remedes, il ne faut pas attendre que le malade soit à l’agonie, hors d’état d’en profiter. Il est si ordinaire aux Medecins de différer l’usage des cordiaux jusqu’à ces derniers momens, dans la crainte mal entendue d’augmenter la fievre & d’échauffer, qu’il semble qu’on porte un arrêt de mort à un malade quand on veut lui prescrire une potion cordiale. De tous les cordiaux, ceux qui agissent le plus vîte & le plus sûrement, & qui sont les plus propres à tirer le sang & les vaisseaux de l’engourdissement, sont sans contredit les vésicatoires ; leur application releve le pouls, augmente sa force & sa tension, fait cesser les assoupissemens, calme souvent les délires opiniâtres. On a vû des pleurétiques tirés comme par enchantement des portes de la mort par l’application des vésicatoires sur le côté affecté ; les efforts critiques sont aidés, & même déterminés par leur moyen ; il n’y a pas de remede plus assuré pour favoriser une crise languissante ; mais

comme ils produisent de grands biens quand ils sont appliqués à-propos, ils font beaucoup de mal quand ils sont employés à contre-tems ; c’est pourquoi ils exigent dans leur usage beaucoup de circonspection.

Lorsque la crise est prête à se faire, la nature nous en instruit par divers signes ; elle nous fait même connoître le couloir qu’elle destine à l’excrétion critique ; on peut lui aider dans cet ouvrage, & déterminer les humeurs aux tuyaux excrétoires qu’elle doit choisir, dit Hippocrate, ἅ δεῖ ἄγειν ὅκου ἂν μάλιστα ῥέπῃ ἡ φύσις, ταύτῃ ἄγειν, διὰ τῶν ξυμφερόντων χωρίων. Voyez Crise. « Il faut pousser aux couloirs que la nature affecte, les humeurs qui doivent être évacuées par les endroits les plus convenables ». Aphor. 21. libr. I. Il est très-important de bien examiner les différens signes critiques ; on n’en doit négliger aucun pour connoître sûrement par quel endroit se fera l’évacuation critique ; si la maladie doit se juger par l’expectoration, on ne peut seconder cette excrétion véritablement que par le kermès minéral ; tous les autres béchiques sous forme de loock, de ptisanes, ne font que peu ou point d’effet ; si la crise se prépare par les sueurs, on doit donner les sudorifiques plus ou moins forts, suivant la longueur des efforts critiques : les légers purgatifs facilitent la crise qui doit se faire par le dévoiement, ainsi des autres.

Si la maladie se termine par la suppuration, il faut entierement laisser tout l’ouvrage à la nature, sans l’affoiblir par les laitages affadissans, &c. on pourra tout au plus lui aider lorsque les caracteres du pouls indiqueront qu’elle ménage l’évacuation du pus par quelque couloir. Le méchanisme des métastases nous est totalement inconnu, & nous ne sommes pas plus instruits de ce qu’il faudroit faire pour les déterminer. Je crois cependant, dans les suppurations de la poitrine, qu’il seroit à-propos de tenter l’application des cauteres du feu aux jambes : dans ces maladies la nature affecte souvent cette voie. On pourroit aussi dans certains cas de suppuration interne, procurer, par des opérations chirurgicales, une issue au pus renfermé dans quelque cavité, par l’empyème dans les pleurésies, par le trépan dans les phrenésies, &c. Si la suppuration est extérieure, le traitement est tout simple, il n’exige aucune considération particuliere. Article de M. Menuret.

INFLEXIBILITÉ, INFLEXIBLE, (Grammaire.) qu’on ne peut fléchir. Il se dit au physique & au moral. Il y a des bois inflexibles. La plûpart des corps fossiles sont inflexibles, ou ne peuvent être pliés sans être rompus. On dit un homme inflexible, un caractere inflexible. Il s’applique donc aux personnes & aux choses. L’inflexibilité n’est ni une bonne ni une mauvaise qualité ; c’est la circonstance qui en fait un vice ou une vertu.

INFLEXION, s. f. terme de Gramm. On confond assez communément les mots inflexion & terminaison, qui me paroissent pourtant exprimer des choses très-différentes, quoiqu’il y ait quelque chose de commun dans leur signification. Ces deux mots expriment également ce qui est ajoûté à la partie radicale d’un mot ; mais la terminaison n’est que le dernier son du mot modifié, si l’on veut, par quelques articulations subséquentes, mais détaché de toute articulation antécédente. L’inflexion est ce qui peut se trouver dans un mot entre la partie radicale & la terminaison. Par exemple am est la partie radicale de tous les mots qui constituent la conjugaison du verbe amo ; dans amabam, amabas, amabat, il y a à remarquer inflexion & terminaison. Dans chacun de ces mots la terminaison est différente, pour caractériser les différentes personnes ; am pour la premiere, as pour la seconde, at pour la troisieme : mais l’inflexion est la même