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Colbert, que la France révere,
Dont le nom ne mourra jamais,
Hé bien, Messieurs, c’est mon compere.

L’impromptu suivant est de Mademoiselle Scudery, sur des fleurs que M. le Prince cultivoit.

En voyant ces œillets qu’un illustre guerrier
Arrose d’une main qui gagne des batailles,
Souviens-toi qu’Apollon élevoit des murailles,
Et ne t’étonne pas que Mars soit jardinier.

Mais entre plusieurs jolis impromptu de nos poëtes, qu’on ne peut oublier, je ne dois pas taire celui que M. de S. Aulaire fit à l’âge de plus de quatre-vingt-dix ans, chez madame la duchesse du Maine, qui l’appelloit son Apollon. Cette princesse ayant proposé un jeu, où l’on devoit dire un secret à quelqu’un de la compagnie, elle s’adressa à M. de S. Aulaire, & lui demanda le sien ; il lui répondit :

La divinité qui s’amuse
A me demander mon secret,
Si j’étois Apollon ne seroit pas ma muse,
Elle seroit Thétis & le jour finiroit.

C’est une chose très-singuliere, dit M. de Voltaire, que les plus jolis vers qu’on ait de lui, ayent été faits lorsqu’il étoit plus que nonagénaire. (D. J.)

IMPROPRE, adj. Les Grammairiens usent de ce mot, comme d’un terme technique, en trois occasions différentes.

1°. Ils ont coutume de distinguer deux sortes de diphthongues, des propres & des impropres. Voyez Diphthongue. Ils appellent diphthongues propres celles qui font effectivement entendre deux sons consécutifs dans une même syllabe, comme ieu dans Dieu ; & ils appellent diphthongues impropres, celles qui n’en ont aux yeux que l’apparence, parce que ce sont des assemblages de voyelles qui ne représentent pourtant qu’un son unique & simple, comme ai dans mais.

La réunion de plusieurs voyelles représente une diphthongue ou un son simple ; dans le premier cas, c’est proprement une diphthongue ; mais dans le second, ce n’est point une diphthongue, & il y a une véritable antilogie à dire que c’est une diphthongue impropre. J’avoue cependant qu’il y a pour les yeux une apparence réelle de diphthongue, puisqu’il y a les signes de plusieurs sons individuels ; c’est pourquoi je pense que l’on peut donner à ces assemblages de voyelles le nom de diphthongues oculaires, & alors la dénomination de diphthongues auriculaires convient très bien par opposition aux diphthongues propres. Ces dénominations semblent présenter à l’esprit des notions plus précises, plus exactes, & même plus lumineuses, que celles de propres & d’impropres.

2°. M. Restaut établit sept sortes de pronoms, & ceux de la septieme espece sont les indéfinis, qu’on appelle encore, dit-il, (VII. Ed. pag. 154.) pronoms impropres, parce qu’il y en a plusieurs qu’on pourroit aussi bien regarder comme des adjectifs que comme des pronoms.

Je ne dis rien ici de la division des pronoms, adoptée par cet auteur & par tant d’autres qui n’ont pas plus approfondi que lui la nature de cette partie d’oraison. Voyez Pronom. Je ne veux que remarquer combien leur langage même est propre à les rendre suspects de peu d’exactitude dans leurs idées & dans leurs principes. Comment se peut-il faire en effet que des mots soient tout-à-la-fois pronoms & adjectifs, c’est-à-dire, selon les notions qu’ils établissent eux-mêmes, qu’ils tiennent la place des noms, & qu’ils soient en même tems inséparables d’un substantif ? De quels noms tiennent-ils donc la place, ces prétendus pronoms qui n’osent paroître sans être accompagnés par des noms ? La dénomination de

pronoms impropres que leur donnent ces Grammairiens, est un aveu réel de leur déplacement dans la classe des pronoms, & tous leurs efforts pour les y établir ne peuvent leur ôter cet air étranger qu’ils y conservent, & qui certifie l’inconséquence des auteurs dans la distribution des especes. Enfin, ces mots sont pronoms ou ne le sont pas ; dans le premier cas, ils sont des pronoms propres, c’est-à-dire vraiment pronoms ; dans le second cas, il faut les tirer de cette classe & les placer dans une autre, où ils ne seront plus rangés improprement.

3°. On appelle encore terme impropre tout mot qui n’exprime pas exactement le sens qu’on a prétendu lui faire signifier ; ce qui fait, comme on voit, un véritable vice dans l’élocution. Par exemple, il faut choisir entre élection & choix : « ces deux mots, dit le P. Bouhours (Rem. nouv. tome I, pag. 170.), ne doivent pas se confondre. Election se dit d’ordinaire dans une signification passive, & choix dans une signification active. L’élection d’un tel marque celui qui a été élu ; le choix d’un tel marque celui qui choisit. L’élection du doge a été approuvée de tout le peuple de Venise ; le choix du sénat a été approuvé généralement ». Dans ces exemples les mots élection & choix sont pris dans une acception propre ; mais ils deviendroient des termes impropres, si l’on disoit au contraire le choix du doge ou l’élection du sénat. Le purisme du P. Bouhours lui-même ne l’a pas toûjours sauvé d’une pareille méprise. En expliquant (ibid. pag. 228.) la différence des mots ancien & vieux, voici comme il s’énonce : « on dit, il est mon ancien dans le parlement, c’est-à-dire qu’il est reçu devant moi, quoiqu’il soit peut-être plus jeune que moi ». Devant est ici un terme impropre ; il falloit dire avant. T. Corneille montre bien clairement la raison de cette différence, dans sa note sur la remarque 274 de Vaugelas ; & M. l’abbé Girard la développe encore davantage dans ses synonymes françois. Voyez Propriété.

Ce n’est que dans ce troisieme sens que je trouverois convenable que le mot impropre fût regardé comme un terme technique de grammaire. Une idée ne laisse pas d’être exprimée par un terme impropre, quoiqu’il manque quelque chose à la justesse ou à la vérité de l’expression ; mais une diphthongue impropre n’est point une diphthongue, & un pronom impropre n’est point un pronom.

IMPROPRIATION, s. f. terme de Jurisprudence canonique, se dit des revenus d’un bénéfice ecclésiastique qui sont entre les mains d’un laïque.

Elle differe de l’appropriation par laquelle les profits d’un bénéfice sont entre les mains d’un évêque, d’un collége, &c. On emploie aujourd’hui ces deux termes indifféremment l’un pour l’autre. On prétend qu’il y a 3845 impropriations en Angleterre. Voyez Appropriation.

IMPROPRIÉTÉ, s. f. (Gramm.) qualité de ce qui n’est pas propre. Voyez Propre & Propriété.

Les Grammairiens distinguent trois sortes de fautes dans le langage, savoir le solécisme, le barbarisme, & l’impropriété. Celle-ci se commet quand on ne se sert pas d’un mot propre, & qui ait une signification convenable ; comme si on disoit un grand ouvrage, en parlant d’un livre prolixe & diffus ; le mot grand seroit impropre, ou parce qu’il seroit équivoque, grand ouvrage pouvant se dire d’un livre long, mais bien fait & utile ; & il ne seroit pas aussi net, aussi expressif que diffus, qui caractérise un défaut. Voyez Solécisme & Barbarisme.

* IMPROVISTER, IMPROVISTEUR, (Gram.) il se dit du talent de parler en vers, sur le champ & sur un sujet donné. Quelques italiens le possedent à un degré surprenant : on a d’eux des pieces qui ont été enfantées de cette maniere miraculeuse, & qui