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eux de raser ou de couper sa barbe, quelque peu que ce soit. Ils ont certaines coutumes qui semblent montrer qu’ils descendent de quelque secte de Chrétiens ; par exemple, dans leurs festins l’un d’eux présente une tasse pleine de vin à un autre, & lui dit : prenez le calice du sang de J. C. celui-ci baise la main de celui qui lui présente la tasse, & la boit. Diction. de Trévoux.

I F

IF, s. m. taxus, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur composée de sommets, qui, pour la plûpart, ont la forme d’un champignon, cette fleur est stérile, l’embryon devient dans la suite une baie concave faite en forme de cloche & pleine de suc ; elle renferme une semence. Il y a de ces fruits qui ressemblent à un gland, car ils ont une calotte qui embrasse la semence. Tournefort, Instit. rei herb. Voyez Plante.

If, taxus, arbre toûjours verd, qui vient naturellement dans quelques contrées méridionales de l’Europe ; mais par l’usage que l’on en fait, & la contrainte où on l’assujettit, il ne paroît nulle part que sous la forme d’un arbrisseau. Si cependant on le laisse croître de lui-même, il prend une tige droite, qui s’éleve, grossit, & devient un moyen arbre. Son écorce est mince, rougeâtre, & sans gersures à tout âge ; ses feuilles sont petites, étroites, assez ressemblantes à celles du sapin, mais d’un verd obscur & triste. L’arbre donne au printems, aux extrémités de ses jeunes rameaux, des fleurs mâles ou chatons écailleux qui servent à féconder ses fruits ; ce sont des baies molles, visqueuses, & d’un rouge vif, dont chacune contient une semence.

Cet arbre est très-robuste ; & quoiqu’il habite les pays tempérés, on l’y trouve plus volontiers sur le sommet des montagnes les plus froides, dans les gorges serrées & exposées au nord, dans des côteaux à l’ombre, dans les lieux secs & pierreux, dans les terres légeres & stériles. Il peut venir sous les autres arbres, & il est si traitable, qu’on le voit réussir dans tous les terreins où on l’emploie pour la décoration des jardins, & où il n’y a que l’humidité qui puisse le faire échouer.

L’if se multiplie aisément de semences, de boutures ou de branches couchées. Le premier moyen est le plus lent, mais le meilleur qu’on puisse employer pour avoir des arbres forts & bien enracinés. Les deux autres méthodes seroient préférables par leur célérité, si elles n’avoient l’inconvénient de donner des plants défectueux, soit parce qu’ils sont courbes, ou qu’ils n’ont point de tige déterminée. La graine de l’if est mûre au mois de Septembre, elle reste ordinairement sur les arbres jusqu’en Décembre ; mais comme les oiseaux en sont fort avides, on court risque de n’en plus trouver en différant plus long-tems de la faire cueillir : il vaut donc mieux faire cette récolte dans le mois d’Octobre. On peut la semer sur-le-champ, ou attendre le printems, ou bien l’autonne suivante, ou même différer jusqu’à l’autre printems. En prenant le premier parti, il en pourra lever quelques-unes au printems suivant ; mais le plus grand nombre ne levera qu’au second printems, & il en sera de même des graines que l’on aura semées dans les trois autres tems ; ensorte qu’il faut que cette graine soit surannée pour être assuré de la voir lever au bout de six semaines. Comme il n’y a presque rien à gagner en la semant immédiatement après qu’elle a été recueillie, il vaut encore mieux la garder pendant la premiere année, dans de la terre ou du sable, en un lieu sec ; on épargnera l’occupation du terrein, & la peine de le tenir en culture. Si cependant on avoit intérêt d’accélérer, il y a différens moyens d’en venir à bout que

l’on pourra employer ; il faudra où laisser suer les graines, ou les mettre en fermentation : voyez ce qui a été dit à ce sujet à l’article Houx.

Il faut semer la graine d’if dans un terrein frais & léger, contre un mur exposé au nord. Bien des gens la sement en plein champ ; mais il vaut mieux la mettre en rayons, que l’on recouvrira d’un de mi pouce de terreau fort léger ; cela donnera plus de facilité pour la culture. La premiere année les plants s’éleveront à un pouce ; la seconde, à environ trois ou quatre pouces ; & la troisieme année, ils auront communément un pié ; c’est alors qu’ils seront en état d’être mis en pepiniere. Mais comme les racines de cet arbre sont courtes, menues, en petite quantité, & à fleur de terre, il faut avoir la précaution de transplanter les jeunes plants tous les deux ans, afin de les empêcher d’étendre leurs racines, & les disposer à pouvoir être enlevés avec la motte lorsqu’on voudra les placer à demeure : pendant le séjour qu’ils font à la pepiniere on les taille tous les ans, pour les faire brancher & épaissir, & on les prépare ainsi à prendre les figures auxquelles on les destine.

Si on veut multiplier l’if de branches couchées, on doit faire cette opération au printems ; on se sert pour cela des branches qui se trouvent au pié des vieux arbres, & pour en assurer le succès il faut marcotter les branches en les couchant ; elles auront de bonnes racines au bout de deux ans, & alors on pourra les mettre en pepiniere. Si on prend le parti de propager cet arbre de boutures, il faut les faire au mois d’Avril, par un tems humide, dans un terrein frais & bien meuble, contre un mur, à l’exposition du nord. Les plus jeunes branches sont les meilleures pour cet œuvre ; le plus grand nombre de ces boutures poussera la premiere année, & annoncera du succès ; mais la plûpart malgré cela n’ayant point encore fait racine, ou n’en ayant que de bien foibles, on les verra se dessécher & périr par le hâle du printems suivant, si on n’a grand soin de les couvrir & de les arroser : il ne faut s’attendre à les trouver bien enracinés qu’après la troisieme année, qui sera le tems de les transplanter en pepiniere.

Par les précautions que l’on a conseillé de prendre pour l’éducation de ces arbres durant le tems qu’ils sont en pepiniere, on doit juger qu’il ne faut pas moins d’attention pour les transplanter à demeure, & c’est sur-tout aux choix de la saison qu’il faut s’attacher. Le fort de l’hiver & le grand été n’y sont nullement propres ; tous autres tems sont convenables, à l’exception toutes-fois des commencemens du printems, & particulierement de ce tems sec, vif & brûlant, que l’on nomme le hâle de Mars. Ce hâle est le fléau des arbres toûjours verds ; c’est l’intempérie la plus à craindre pour les plants de ces arbres, qui sont jeunes ou languissans, ou nouvellement plantés. Les mois que l’on doit préférer pour la transplantation de l’if sont ceux d’Avril & de Septembre, encore faut-il profiter pour cela d’un tems doux, nébuleux & humide ; garantir les plants du soleil en les couvrant de paille, & les arroser souvent, mais modérément. Si cependant les ifs que l’on prend le parti de transplanter sont trop forts, il sera bien difficile de les faire reprendre avec toutes les précautions possibles, & les plants jeunes ou moyens que l’on sera dans le cas d’envoyer au loin, doivent être enlevés avec la motte de terre, & mis en manequin pour en assurer le succès. L’if est un arbre agreste, sauvage, robuste ; dès qu’il est repris, il n’exige plus aucune culture.

Le bois de l’if est rougeâtre, veineux & fléxible, très-dur, très-fort, & presque incorruptible ; sa solidité le rend propre à différens ouvrages de Menui-