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articles particuliers Lin, Navette, Olive. Ce moyen de retirer les huiles grasses, a fait donner à l’espece, dont nous avons seulement parlé jusqu’à présent, le nom d’huiles par expression, en latin olea pressa ou expressa, & c’est-là leur dénomination spécifique & la plus ordinaire.

Il y a une autre espece d’huile grasse, caractérisée par la circonstance de se séparer des corps qui la renferment, par le moyen de l’eau bouillante, ou de la décoction de ces corps. Le cacao, le macis, la muscade, les baies de laurier, contiennent une pareille huile. Voyez ces articles particuliers. Le beurre de cacao est la plus connue de ces huiles, parce qu’elle est la plus employée en Medecine. Les huiles par expression n’abandonnent pas leurs loges, par l’action de l’eau bouillante ; on n’en retire point des semences émulsives par la décoction.

Propriétés chimiques des huiles grasses. Elles sont insolubles par l’esprit-de-vin ; elles contractent une espece d’union, quoique fort imparfaite, avec le vinaigre, & même avec l’eau (ce qui fait soupçonner que l’acide du vinaigre n’entre pour rien dans cette union), si on les bat long-tems ensemble. Elles rancissent facilement, si on les expose à un air chaud, & même quelques-unes, comme celle d’amandes douces, quelque précaution qu’on prenne. Voyez Rancir. Elles sont toutes plus légeres que l’eau ; elles sont fixes, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent être élevées par le feu, sans être considérablement altérées, sans passer à l’état d’huile empyreumatique. Il y a apparence que le caractere spécifique de ces huiles dépend d’une matiere de nature gommeuse ou mucilagineuse, avec laquelle est combiné le principe huileux.

Vertus médicinales, & usages diététiques des huiles grasses. Ce n’est presque que l’huile d’amandes douces qu’on emploie en Medecine pour l’usage intérieur. La bonne huile d’olives vaudroit bien pour le moins autant, & elle a, au-dessus de l’huile d’amandes douces, la faculté d’être peu sujette à rancir. Le beurre de cacao n’est pas employé pour des qualités assez génériques, pour devoir être rangé avec ces huiles par expression ; & d’ailleurs, ce remede est plus magnifique qu’utile, du moins que nécessaire.

Les huiles par expression, représentées dans l’usage ordinaire par l’huile d’amandes douces, sont le souverain adoucissant, relâchant, lubréfiant, émollient, béchique, sédatif, le plus benin des purgatifs, en un mot, la suprême ressource, le grand cheval de bataille, comme on s’exprime vulgairement, de cette pratique de Medecine, appellée dans l’art, & par les gens du monde, anodine, tempérante, calmante, qui voit partout des spasmes, des éréthysmes, des incendies, &c. Cette drogue remplit quelquefois très-utilement, il est vrai, les indications d’adoucir, de relâcher, d’appaiser les douleurs des entrailles, de lâcher très-doucement le ventre ; mais plus souvent encore, c’est un remede inutile, infidele, & même pernicieux.

Les huiles par expression, prises à très-haute dose sans mesure, fournissent une des ressources les plus assurées pour défendre l’estomac & les intestins contre l’action des poisons corrosifs.

L’huile d’olive est la seule huile par expression, que nous mêlons à nos alimens à titre d’assaisonnement. Voyez Olive.

L’usage extérieur des huiles grasses pures est fort rare. On emploie communément à leur place des huiles composées, dont nous parlerons à la fin de cet article. Ces huiles entrent dans la composition de plusieurs onguens, linimens, &c.

Les huiles par expression, unies à l’un & l’autre alkali fixe, forment des savons employés en Mede-

cine & dans divers arts. Voyez Savon.

Huiles empyreumatiques. Le principe huileux est un des matériaux universels de la composition de tout végétal ou animal, de tout corps organisé, du tissu des Sthaliens. L’huile est aussi un des principes généraux de l’ancienne analyse, de celle qui s’exécute par la violence du feu sur tous ces corps ; un des principes de Paracelse, ou plûtôt de Basile Valentin, ou d’Isaac le Hollandois, (Voyez dans l’historique du mot Chimie, les morceaux qui regardent ces auteurs) ; le soufre de ces Chimistes, de Willis, de Boyle, & de ceux de leurs sectateurs qui n’ont pas désigné par ce mot le phlogistique pur.

Toute huile qui ayant été réellement combinée dans un corps quelconque, en est extraite, dégagée par la violence du feu, est une huile empyreumatique. Nous avons excepté d’avance les huiles retirées par ce moyen des baumes, des résines & des bitumes. On l’appelle aussi fœtide, parce que le corps à la décomposition duquel elle est dûe, a fourni en même-tems un principe salin, le plus souvent alkali volatil, d’une odeur forte & desagréable, dont cette huile est empreinte, & auquel elle doit vraisemblablement sa mauvaise odeur. Les huiles empyreumatiques sont communément aussi noires & épaisses : elles doivent ces deux qualités, sur-tout la premiere, à une quantité considérable de matiere charbonneuse qu’elles ont entraînée avec elles. Voyez Végétale analyse & Substances animales.

Non seulement les tissus, c’est-à-dire les végétaux & les animaux entiers, ou leurs parties entieres, mais encore les huiles grasses, les graisses, tous les sucs animaux, & toutes les substances végétales solubles par l’eau, excepté les sels purs, telles que la matiere extractive, le corps muqueux, le tartre, &c. tous ces sujets, dis-je, donnent dans la distillation analytique de l’huile empyreumatique, & une huile empyreumatique chargée d’alkali-volatil, excepté celle qui provient de la distillation du lait & du corps muqueux. Voyez Lait & Muqueux.

La théorie du dégagement de l’huile empyreumatique, celle de sa composition chimique, & celle des produits & des phénomenes de son analyse, appartiennent au traité général de l’analyse des corps, dont elle est un principe si essentiel. Voyez Substances animales & Végétale Analyse, surtout ce dernier article.

Les huiles empyreumatiques sont considérablement atténuées, deviennent limpides, volatiles, perdent en très-grande partie, & même absolument leur odeur étrangere & desagréable, par des rectifications répetées, qu’on exécute communément à feu nud & sans intermede : les premieres distillations demandent en effet un degré de feu assez fort, mais les huilles empyreumatiques parviennent enfin par ces opérations répetées, à un état de volatilité qui les rend capables de s’élever, du moins en grande partie, avec l’eau bouillante, & même par la chaleur du bain-marie. Dans cet état, elles ont toutes les propriétés chimiques des huiles essentielles. La rectification des huilles empyreumatiques est considérablement hâtée par l’addition de la chaux-vive ou de l’alkali-fixe ; mais ces intermedes, sur-tout le premier, en détruisent une partie très-considérable. Voyez Chaux (Chymie.)

Usages médicinaux des huiles empyreumatiques ; huiles animale de Dippelius, huile de cade ; huile de tartre ; huile des philosophes ; huile de papier. Ce sont à peu près toutes les huiles empyreumatiques employées, ou du moins le plus employées en Medecine ; la premiere, destinée à l’usage intérieur, est une huile empyreumatique animale, communément celle de corne de cerf, rectifiée par quarante ou cinquante distillations successives, & vantée comme un