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donna le nom de Pendérachi, lequel même, suivant la prononciation, paroît un nom corrompu d’Héraclée du Pont. Théodore Lascaris l’enleva à David Commene empereur de Trébizonde. Les Génois se saisirent de Pendérachi dans leurs conquêtes d’orient, & la garderent jusqu’à ce que Mahomet II. les en chassa. Depuis elle est restée aux Turcs ; ils l’appellent Eregri : un seul cadi y exerce la justice. Un waivode y exige la taille & la capitation des Grecs. Les Turcs y payent seulement les droits du prince, trop heureux de fumer tranquillement parmi ces belles masures, sans s’embarrasser de ce qui s’y est passé autrefois.

L’ancienne Héraclée, ou, si l’on aime mieux, Eregri, est située près de la mer à vingt lieues S. O. de Constantinople, 22 N. O. de Gallipoli, & 26 S. E. de Trajanopoli. Long. 45. 23. latit. 40. 57. (D. J.)

HÉRACLÉES, s. f. pl. (Antiq. greq.) fêtes qu’on célébroit en plusieurs lieux de la Grece, comme sur le mont Œta, à Athènes & ailleurs, en l’honneur d’Hercule que les Grecs nommoient Héraclès, nom par lequel ils ont voulu signifier la gloire dont il s’est couvert en exécutant les travaux que Junon lui fit entreprendre ; car ce mot est composé de Ἥρα, Junon, & de κλέος, gloire. Vous trouverez la description des fêtes nommées Héraclées dans Potter, Archæol. Græc. liv. II. ch. xx. t. I. (D. J.)

HÉRACLÉONITES, s. m. pl. (Théolog.) hérétiques anciens de la secte des Gnostiques & appellés ainsi de leur chef Héracléon. Voyez Gnostique.

S. Epiphane, hæres. 36. s’étend beaucoup sur cet article. Il représente Héracléon comme un homme qui avoit réformé la théologie des Gnostiques en plusieurs articles, mais qui dans le fond en avoit conservé les principaux. Il raffinoit sur les interprétations superflues des textes de l’Ecriture, & même il altéroit les paroles de quelques-uns pour les concilier avec ses notions particulieres. Il soutenoit, par exemple, que par ces paroles de S. Jean, toutes choses furent faites par lui, on ne devoit point entendre l’univers & tout ce qu’il contient : il prétendoit que l’univers qu’il appelloit Æon, n’avoit point été fait par le Verbe ; mais qu’il avoit été fait avant le Verbe. Et pour appuyer cette construction, il ajoûtoit à ces paroles de S. Jean, sans lui rien ne fut fait, ces autres paroles, des choses qui sont dans le monde.

Il distinguoit deux sortes de mondes, l’un divin & l’autre corruptible ; & il restraignoit le mot panta, toutes choses, au dernier monde. Il soûtenoit aussi que le Verbe n’avoit pas créé le monde immédiatement & par lui-même, mais qu’il avoit été seulement cause que le Demiurge l’avoit formé.

Les Héracléonites, à l’exemple de leur maître, détruisoient toute l’ancienne prophétie, & disoient que S. Jean étoit véritablement la voix qui avoit annoncé le Sauveur ; mais que les prophéties n’étoient que des sons en l’air qui ne signifioient rien. Ils se croyoient supérieurs aux apôtres dans la connoissance de la religion ; & sur ce fondement, ils avançoient d’étranges paradoxes, sous prétexte d’expliquer l’Ecriture d’une maniere sublime & relevée. Ils aimoient les interprétations mystiques, au point qu’Origène, qui étoit lui-même un grand mystique, fut obligé de reprocher à Héracleon qu’il abusoit de ces sortes d’explications. Voyez Prophétie, Allégorie, &c. Voyez le Dictionn. de Trév. (G)

HÉRACLIDES, s. m. pl. (Hist. anc.) ce sont les descendans d’Hercule, qui régnerent dans le Péloponnèse, après plusieurs tentatives inutiles depuis leur expulsion par Eurysthée.

Les uns, avec le P. Pétau, ne parlent que de deux tentatives des Héraclides pour rentrer dans leurs an-

ciennes possessions : d’autres, avec Scaliger, en distinguent trois : d’autres en reconnoissent un plus grand nombre. Mais comme ils ne sont point d’accord ensemble sur les époques de ces tentatives, nous allons tâcher de les fixer.

L’an 1323 avant J. C. & quarante-un ans avant la prise de Troie, les Héraclides chassés de la Grece par Eurysthée, l’implacable ennemi d’Hercule & de toute sa race, se réfugierent à Athènes où Thésée les prit sous sa protection & marcha contre ce prince. Hyllus fils d’Hercule & de Déjanire, qui étoit à la tête de l’armée, vainquit Eurysthée, le tua, & passa dans le Péloponnèse avec ses troupes. Mais il fut obligé de se retirer promptement, à cause de la contagion qui desoloit le pays : alors Atrée fils de Pélops régnoit à Argos & à Mycènes.

Hyllus étant revenu dans le Péloponnèse, la troisieme année après sa retraite, fut tué en combat singulier, par Echémus roi de Tégée, & les Héraclides se retirerent.

L’an 1257 avant J. C. & trente-cinq ans après la prise de Troie, ils firent une nouvelle entreprise sur le Péloponnèse sous la banniere de Cléodæus fils d’Hyllus. Cette entreprise ne réussit pas mieux que les deux précédentes ; Cléodæus fut repoussé par Oreste, établi sur le trône de son pere Agamemnon.

L’an 1222 avant J. C. & soixante ans après la prise de Troie, les descendans d’Hercule formerent sans se décourager une quatrieme tentative sur le Péloponnèse, ayant à leur tête Aristomachus fils de Cléodæus ; mais ils échouerent encore, & leur chef périt au passage de l’isthme.

Enfin 1202 ans avant J. C. & quatre-vingts ans après la prise de Troie, les Héraclides, sous la conduite des trois fils d’Aristomachus, firent une cinquieme entreprise, dans laquelle ils eurent la fortune aussi favorable qu’ils l’avoient jusqu’alors éprouvé contraire.

Ce ne fut néanmoins qu’au bout de plusieurs années qu’ils parvinrent à déposséder de divers royaumes les descendans de Pélops ; ils s’emparerent premierement de Lacédémone & y formerent deux branches de rois régnans conjointement. Ensuite ils se rendirent maîtres d’Argos, de Mycènes, de l’Elide & de Corinthe.

Leur droit sur les royaumes de Mycènes & d’Argos étoit incontestable. Amphytrion, pere d’Hercule & petit-fils de Persée roi de ces deux pays, ayant eu le malheur de tuer par mégarde Electrion son oncle & pere de sa femme Alcmène, fut obligé de s’enfuir à Thèbes. Sthénélus, maître des états de son neveu fugitif, les transmit à son fils Eurysthée : celui-ci n’eut point d’enfans & institua pour héritier son oncle maternel Atrée fils de Pélops & pere d’Agamemnon. C’est de cette maniere que la couronne étoit passée aux Pélopides, qui donnerent leur nom au Péloponnèse, appellé auparavant Apie.

La révolution produite par le succès des Héraclides, changea presque toute la face de la Grece. Jusques-là, dit M. Tourreil, les habitans du Péloponnèse se divisoient proprement en Achéens & en Ioniens ; les premiers possédoient les terres que les Héraclides assignerent aux Doriens & aux autres peuples qui les avoient accompagnés ; les derniers habitoient la partie du Péloponnèse nommée depuis l’Achaïe ; ceux des Achéens qui descendoient d’Æolus, & que l’on chassa de Lacédémone, se retirerent d’abord en Thrace, & allerent ensuite s’établir dans le canton de l’Asie mineure qu’ils appellerent Æolide, où ils fonderent Smyrne & onze autres colonies.

Les Achéens de Mycènes & d’Argos étant contraints d’abandonner leur pays, s’emparerent de celui des Ioniens. Ceux-ci, après s’être réfugiés à