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fois : ensuite on fiche les pointes ; on les habille tantôt en passant la pierre sur les pointes & la tirant de gauche à droite & de droite à gauche, afin de les renverser toutes également & du même côté, tantôt en poussant la pierre droit devant soi, & la retirant dans la même direction, pour abattre le tranchant des pointes, tantôt en les redressant avec l’instrument appellé le dresseur, les refendant, &c. ces manœuvres se réiterent jusqu’à ce que la carde soit distribuée en allées bien compassées, les pointes également renversées, & le tranchant parfaitement usé. Pour en venir à l’habillage, tout étant préparé, c’est-à-dire la matiere des pointes coupée & pliée au premier doublet, mise en petits paquets ou tas contigus sur le plateau, & pliée au second doublet arrêté sur le milieu du plateau par un support de bois élevé d’environ un pouce ; le plateau est fixé sur un bloc ; l’habilleur est devant un autre bloc couvert d’un patron de la longueur du feuillet qui sert de contrepoids, quand on passe la pierre. On finit par monter le feuillet sur un bois ou fust à manche & à rebord du même côté. C’est la derniere main de la carde.

Habiller, en Jardinage, c’est avant que de planter les jeunes arbres, les couper de huit ou neuf piés de haut, & visiter leurs racines pour les raccourcir modérément ; il faut ôter toutes celles qui sont brisées, & couper les autres en pié de biche par-dessous, eû égard à la situation où doit être planté l’arbre. N’habillez pas si court, ou n’étronçonnez point, & n’ôtez point le chevelu à-moins qu’il ne soit rompu. C’est une erreur de croire qu’il soit inutile ; il sert beaucoup à la reprise des jeunes plants.

On laissera aux arbres sauvages une tige de six à sept pieds hors de terre. Les arbres fruitiers de haute tige seront rafraîchis dans leur tête, à laquelle on laissera trois ou quatre branches chacune de la longueur de dix à douze pouces ; ce qui forme sa rondeur dès la premiere année.

Les buissons ou nains seront coupés à sept à huit pouces au-dessus de la greffe qu’il faut laisser découverte, c’est-à-dire sans y mettre de terre, mais qu’on enduira de cire ou de mastic.

On prétend qu’il ne faut laisser qu’un seul étage de racines à un arbre, & choisir toujours les plus jeunes & les plus rougeâtres ; les autres étant inutiles. Voyez Racines.

Les arbres levés en motte sont exemts d’être ravalés ; ils conservent leur tête & une partie de leur ramage. Voyez Lever.

Habiller une peau, terme de Marchand Pelletier, c’est la préparer à être employée aux différens ouvrages de Pelleterie. Voyez Pelletier.

Habiller un cuir. terme de Tannerie, c’est lui donner la premiere préparation pour le mettre au tan. Voyez Tanner.

Celui qui habille les peaux s’appelle l’habilleur. Ce terme est fort en usage chez les Pelletiers ; en général il signifie dans les atteliers la personne qui prépare les différentes matieres, denrées, ou marchandises où le terme habiller peut avoir lieu.

Habiller, en terme de Potier, c’est l’action d’ajoûter une oreille, un manche, un pié, au corps d’une piece ; ce qui se fait en déchiquetant la piece de plusieurs coups, pour y insérer l’une des parties que nous venons de nommer.

On habille encore du chanvre, en le passant par le seran. Voyez l’article Chanvre.

* HABILLOT, s. m. (Commerce de bois.) espece de morceau de bois qui sert sur les trains à accoupler les coupons ; il fait le même effet que le garot. Voyez l’article Train.

HABIT, s. m. (Modes.) j’entends ici par habit tout ce qui sert à couvrir le corps.

Il n’est pas possible de donner au lecteur la connoissance de tant d’habits différens dont les hommes ont fait usage, pour couvrir leur nudité & pour se mettre à l’abri de la rigueur des hivers : notre curiosité seroit même peu satisfaite, si nous pouvions pénétrer dans les tems reculés des premiers siecles ; nous y verrions sans doute les hommes tout nuds, ou couverts les uns de feuillages, d’écorce d’arbres, & les autres de la peau de quelques bêtes féroces.

Je voudrois seulement connoître la forme des habits des Grecs, lorsqu’ils étoient les peuples les plus polis de la terre ; mais à-peine savons-nous les noms de quelques-uns. Nous sommes beaucoup mieux instruits des habits des Romains ; & comme tout ce qui concerne ce peuple nous intéresse, nous en ferons un article séparé. Ceux des hommes qui ont été consacrés par la religion méritent aussi par ce motif quelques-uns de nos regards, outre qu’ils ont moins changé de mode : c’est pourquoi nous en dirons un mot. Ainsi voyez Habit ecclésiastique, & Habit religieux.

Pour ce qui concerne les vêtemens de ce grand nombre de peuples qui changerent la face du monde, en chassant les Romains des pays dont ils s’étoient rendus maîtres, nous n’en avons aucune idée, & nous ne devons pas le regretter.

Quant à ce qui nous regarde en particulier, l’inconstance naturelle à notre nation a produit tant de variété dans la forme de ses habits, qu’il seroit impossible d’en suivre le fil. Nous remarquerons seulement en général, que l’habit long étoit autrefois celui des nobles, & qu’ils ne portoient l’habit court qu’à l’armée & à la campagne : l’ornement principal de l’un & de l’autre consistoit à être bordé de martre zibeline, d’hermine, ou de vair. On s’avisa sous Charles V. d’armoirier les habits, je veux dire de les chamarrer depuis le haut jusqu’en bas de toutes les pieces de son écu ; cette mascarade dura cent ans. Louis XI. bannit l’habit long ; Louis XII. le reprit ; on le quitta sous François I. Un des goûts de ce prince fut de taillader son pourpoint, & tous les gentilshommes suivirent son exemple. Henri II. portoit un jupon pour haut-de-chausses, & un petit manteau qui n’alloit qu’à la ceinture. Les fils s’habillerent comme le pere. Enfin depuis Henri IV. nos habits ont si souvent changé de face, qu’il seroit ridicule d’entrer dans ce détail ennuyeux. Mais on ne pensera pas de même des réflexions qu’a fait sur cette matiere l’illustre écrivain de l’Histoire naturelle de l’homme, & je me flate qu’on sera bien aise de les retrouver ici.

« La variété dans la maniere de se vêtir, dit M. de Buffon, est aussi grande que la diversité des nations ; & ce qu’il y a de singulier, c’est que de toutes les especes de vêtemens nous avons choisi l’une des plus incommodes, & que notre maniere, quoique généralement imitée par tous les peuples de l’Europe, est en même tems de toutes les manieres de se vêtir, celle qui demande le plus de tems, & celle qui paroît être le moins assortie à la nature.

» Quoique les modes semblent n’avoir d’autre origine que le caprice & la fantaisie, les caprices adoptés & les fantaisies générales méritent d’être examinées. Les hommes ont toujours fait & feront toujours cas de ce qui peut fixer les yeux des autres hommes, & leur donner en même tems des idées avantageuses de richesses, de puissance, de grandeur, &c.

» La valeur de ces pierres brillantes qui ont toûjours été regardées comme des ornemens précieux, n’est fondée que sur leur rareté & sur leur