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Dans la constitution présente des choses il nous semble donc que les grands sont dans la monarchie françoise, ce qu’ils doivent être naturellement dans toutes les monarchies de l’Univers ; la nation les respecte sans les craindre ; le souverain se les attache sans les enchaîner, & les contient sans les abattre : pour le bien leur crédit est immense ; ils n’en ont aucun pour le mal, & leurs prérogatives mêmes sont de nouveaux garans pour l’état du zele & du dévouement dont elles sont les récompenses.

Dans le gouvernement despotique tel qu’il est souffert en Asie, les grands sont les esclaves du tyran, & les tyrans des esclaves ; ils tremblent & ils font trembler : aussi barbares dans leur domination que lâches dans leur dépendance, ils achetent par leur servitude auprès du maître, leur autorité sur les sujets, également prêts à vendre l’état au prince, & le prince à l’état ; chefs du peuple dès qu’il se révolte, & ses oppresseurs tant qu’il est soûmis.

Si le prince est vertueux, s’il veut être juste, s’il peut s’instruire, ils sont perdus : aussi veillent-ils nuit & jour à la barriere qu’ils ont élevée entre le throne & la vérité ; ils ne cessent de dire au souverain, vous pouvez tout, afin qu’il leur permette de tout oser ; ils lui crient, votre peuple est heureux, au moment qu’ils expriment les dernieres gouttes de sa sueur & de son sang ; & si quelquefois ils consultent ses forces, il semble que ce soit pour calculer en l’opprimant combien d’instans encore il peut souffrir sans expirer.

Malheureusement pour les états où de pareils monstres gouvernent, les lois n’y ont point de tribunaux, la foiblesse n’y a point de refuge : le prince s’y reserve à lui seul le droit de la vindicte publique ; & tant que l’oppression lui est inconnue, les oppresseurs sont impunis.

Telle est la constitution de ce gouvernement déplorable, que non-seulement le souverain, mais chacun des grands dans la partie qui lui est confiée, tient la place de la loi. Il faut donc pour que la justice y regne, que non-seulement un homme, mais une multitude d’hommes soient infaillibles, exempts d’erreur & de passion, détachés d’eux-mêmes, accessibles à tous, égaux pour tous comme la loi ; c’est-à-dire qu’il faut que les grands d’un état despotique soient des dieux. Aussi n’y a-t-il que la théocratie qui ait le droit d’être despotique ; & c’est le comble de l’aveuglement dans les hommes que d’y prétendre ou d’y consentir. Article de M. Marmontel.

Grand, adject. en Anatomie, se dit de quelques muscles, ainsi appellés par comparaison avec d’autres qui sont petits.

Le grand zigomatique. Voyez Zigomatique.
Le grand oblique. Oblique.
Le grand droit. Droit.
Le grand complexus. Complexus.
Le grand dorsal. Dorsal.
Le grand fessier. Fessier.
Le grand pectoral. Pectoral.
Le grand dentelé. Dentelé.
Grand rond. Rond.


Grands-Audienciers de France, (Jurispr.) sont les premiers officiers de la grande chancellerie de France, dont ils reçoivent en leur hôtel toutes les lettres qu’ils doivent rapporter au sceau. Ils rapportent les premiers au sceau, avant messieurs les maîtres des requêtes & messieurs les deux grands-rapporteurs & autres, qui ont droit d’y rapporter certaines lettres.

Ils commencent par la liasse de messieurs les secrétaires d’état, & rapportent en certains cas des édits & déclarations du roi, dont après qu’ils sont scellés, ils font la lecture publique & les enregistrent sur le registre de l’audience de France, & en signent aussi l’enregistrement sur les originaux qui ne sont

ni présentés ni registrés au parlement, ni dans aucune autre cour supérieure.

Après la liasse du roi ils rapportent au sceau celle du public, composée de toutes especes de lettres, à l’exception des lettres de justice, des provisions d’office, des lettres de ratification, & des lettres de rémission & pardon, qui sont rapportées par d’autres officiers. Ils enregistrent sur différens registres pour chaque matiere, les provisions scellées des grands officiers & des secrétaires du roi de la grande chancellerie, qui viennent s’immatriculer chez le grand-audiencier de quartier, à la suite de leurs provisions registrées. Celles des autres secrétaires du roi des chancelleries près les cours supérieures du royaume, sont aussi enregistrées sur un autre registre, & ces dernieres provisions ne sont scellées qu’après que l’information des vie & mœurs du récipiendaire a, été faite par le grand-audiencier assisté de son contrôleur, dont mention est faite sur le repli des provisions, à la suite du renvoi qui leur en est fait par M. le garde des sceaux, lequel écrit de sa main le soit montré.

Les grands-audienciers enregistrent encore sur des registres différens les octrois accordés par le roi, les prebendes de nomination royale, les indults, les priviléges & permissions d’imprimer. A chacun des articles M. le garde des sceaux écrit sur le registre, scellé.

Ils président au contrôle, où leur fonction est de taxer toutes les lettres qui ont été scellées. Les taxes apposées sur chaque lettre, & paraphées du grand-audiencier de France & de son contrôleur, font le caractere & la preuve des lettres scellées ; puisque pour l’ordinaire & par un abus très-repréhensible, on ôte la cire sur laquelle sont empreints les sceaux de France & du dauphin.

Le nom d’audienciers qu’on leur a donné vient, suivant les formules de Marculphe, de ce que le parchemin qui sert à faire les lettres de chancellerie, s’appelloit autrefois carta audientialis : d’autres disent que c’est parce que l’audiencier demande l’audience à celui qui tient le sceau, pour lui présenter les lettres : d’autres prétendent que ce nom d’audiencier vient de ce que ce sont eux qui présentent les lettres au sceau, dont la tenue est réputée une audience publique : d’autres enfin, & c’est l’opinion qui paroît la mieux fondée, tiennent que l’audiencier est ainsi nommé, parce que la salle où se tient le sceau est réputée la chambre du roi, & que le sceau qui s’y tient s’appelle l’audience de France : c’est le terme des ordonnances. Dans cette audience, le grand-audiencier délivroit autrefois les lettres, nommant tout haut ceux au nom desquels elles étoient expédiées ; c’est pourquoi on l’appelloit en latin judiciarius præco.

On leur donne encore en latin les noms, in judiciali cancelleriæ Franciæ prætorio supremo diplomatum ac rescriptorum relatores, amanuensium decuriones, scribarum magistri : ces derniers titres annoncent qu’ils ont toûjours été au-dessus des clercs-notaires & secrétaires du roi.

Ils ont aussi le titre de conseillers du roi en ses conseils, & sont secrétaires du roi nés en la grande chancellerie ; ils en peuvent prendre le titre, & en faire toutes les fonctions, & en ont tous les priviléges sans être obligés d’avoir un office de secrétaire du roi, étant tous réputés du collége des secrétaires du roi : ils peuvent cependant aussi posséder en même tems un office de secrétaire du roi.

Leur office est de la couronne du roi ; c’est pourquoi ils payent leur capitation à la cour, à celui qui reçoit celle de la famille royale, des princes & princesses du sang, & des grands officiers de la couronne.