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plus dans cet état. Voyez Nutrition. Et pour ce qui regarde les mauvais effets du trop de graisse, les moyens d’y remédier, voyez Corpulence, Obésité. (d)

Graisse, (Diete, Pharmacie, & Mat. med.) la graisse prise intérieurement fatigue l’estomac, comme elle est fastidieuse à la bouche ; les chairs pénétrées ou mêlées de gros morceaux de graisse, comme celles des oiseaux & des quadrupedes que l’on engraisse à dessein pour le service des bonnes tables, sont indigestes & rassasiantes. Les assaisonnemens aromatiques & piquans les corrigent cependant en partie ; l’habitude & l’oisiveté des gens qui en font leur nourriture ordinaire, achevent de les leur rendre à-peu-près indifférentes. Un estomac peu habitué à ce genre d’alimens ne sauroit les supporter, & ils nuiroient plus infailliblement encore à celui d’un paysan vigoureux accoûtumé aux grosses viandes.

On employe quelquefois la graisse intérieurement à titre de remede ; on donne des bouillons gras, par exemple, & du saindoux fondu contre l’action des poisons corrosifs.

On fait entrer les graisses fondues dans les lavemens adoucissans & relâchans ; on les applique extérieurement comme résolutives, émollientes, & adoucissantes.

Les graisses sont la base la plus ordinaire des pomades, des onguens, des linimens ; elles entrent dans quelques emplâtres.

On n’employe pas indifféremment les graisses de tous les animaux dans chacune de ces compositions pharmaceutiques ; on demande au contraire toûjours une certaine graisse particuliere ; & il y a du choix en effet quant à la perfection, à l’élégance, & surtout à la consistence du médicament, quoique ce choix soit assez indifférent par rapport à ses vertus medicinales.

On a cependant distingué les graisses de divers animaux par ces dernieres propriétés, & on a attribué à quelques-unes plusieurs vertus particulieres, à la graisse humaine, par exemple, à la graisse d’ours, des viperes, &c. Voyez les articles particuliers.

La préparation des graisses qu’on veut conserver pour les usages medicinaux se fait ainsi. Prenez d’une graisse quelconque autant que vous voudrez, séparez-la des morceaux de peau, des gros vaisseaux, des tendons, &c. auxquels elle peut tenir ; coupez-la par petits morceaux, battez-la dans un mortier de marbre, lavez-la plusieurs fois à froid avec de l’eau pure, faites-la fondre au bain-marie, passez-la à-travers un linge, & serrez-la dans un vaisseau convenable. (b)

Graisse de Verre, ou Fiel & Sel de Verre, écume prise sur la surface de la matiere dont elle se forme avant que d’être vitrifiée. Voyez Verre.

GRAISSER, v. act. (Art méch.) c’est enduire de graisse ou même d’huile. Ainsi les Cardeurs disent graisser la laine ; c’est l’action de la rendre plus douce, plus forte, & plus facile à être filée, en répandant de l’huile d’olive dessus.

GRAMEN PARNASSI, Parnassia, que l’on rend en françois par la fleur du Parnasse, est une plante annuelle dont la tige d’un demi-pié de haut, est menue & chargée de feuilles presque rondes attachées à de longues queues rougeâtres, semblables à celles de la violette ou du lierre, & embrassées vers le bas d’une feuille sans queue. La fleur est rosacée ou blanche, composée de dix feuilles, cinq grandes & cinq petites, qui sont frangées : il succede à cette fleur un fruit ovale rempli de semence.

Cette plante vient ordinairement dans les prés & dans des lieux humides ; on la seme sur couche. Quand on la veut placet dans les jardins, elle se peut élever en pots, & fait assez bien. (K)

GRAMINÉES, (semences des plantes) Diete. Voyez Farine & Farineux.

GRAMMAIRE, s. f. terme abstrait. R. Γράμμα, littera, lettre ; les Latins l’appellerent quelquefois Litteratura. C’est la science de la parole prononcée ou écrite. La parole est une sorte de tableau dont la pensée est l’original ; elle doit en être une fidele imitation, autant que cette fidélité peut se trouver dans la représentation sensible d’une chose purement spirituelle. La Logique, par le secours de l’abstraction, vient à bout d’analyser en quelque sorte la pensée, toute indivisible qu’elle est, en considérant séparément les idées différentes qui en sont l’objet, & la relation que l’esprit apperçoit entre elles. C’est cette analyse qui est l’objet immédiat de la parole ; & c’est pour cela que l’art d’analyser la pensée, est le premier fondement de l’art de parler, ou en d’autres termes, qu’une saine Logique est le fondement de la Grammaire.

En effet, de quelques termes qu’il plaise aux différens peuples de la terre de faire usage, de quelque maniere qu’ils s’avisent de les modifier, quelque disposition qu’ils leur donnent : ils auront toûjours à rendre des perceptions, des jugemens, des raisonnemens ; il leur faudra des mots pour exprimer les objets de leurs idées, leurs modifications, leurs corrélations ; ils auront à rendre sensibles les différens points de vûe sous lesquels ils auront envisagé toutes ces choses ; souvent le besoin les obligera d’employer des termes appellatifs & généraux, même pour exprimer des individus ; & conséquemment ils ne pourront se passer de mots déterminatifs pour restraindre la signification trop vague des premiers. Dans toutes les langues on trouvera des propositions qui auront leurs sujets & leurs attributs ; des termes dont le sens incomplet exigera un complément, un régime : en un mot, toutes les langues assujettiront indispensablement leur marche aux lois de l’analyse logique de la pensée ; & ces lois sont invariablement les mêmes partout & dans tous les tems, parce que la nature & la maniere de procéder de l’esprit humain sont essentiellement immuables. Sans cette uniformité & cette immutabilité absolue, il ne pourroit y avoir aucune communication entre les hommes de différens siecles ou de différens lieux, pas même entre deux individus quelconques, parce qu’il n’y auroit pas une regle commune pour comparer leurs procédés respectifs.

Il doit donc y avoir des principes fondamentaux communs à toutes les langues, dont la vérité indestructible est antérieure à toutes les conventions arbitraires ou fortuites qui ont donné naissance aux différens idiomes qui divisent le genre humain.

Mais on sent bien qu’aucun mot ne peut être le type essentiel d’aucune idée ; il n’en devient le signe que par une convention tacite, mais libre ; on auroit pu lui donner un sens tout contraire. Il y a une égale liberté sur le choix des moyens que l’on peut employer, pour exprimer la corrélation des mots dans l’ordre de l’énonciation, & celle de leurs idées dans l’ordre analytique de la pensée. Mais les conventions une fois adoptées, c’est une obligation indispensable de les suivre dans tous les cas pareils ; & il n’est plus permis de s’en départir que pour se conformer à quelque autre convention également autentique, qui déroge aux premieres dans quelque point particulier, ou qui les abroge entierement. De-là la possibilité & l’origine des différentes langues qui ont été, qui sont, & qui seront parlées sur la terre.

La Grammaire admet donc deux sortes de principes. Les uns sont d’une vérité immuable & d’un usage universel ; ils tiennent à la nature de la pensée même ; ils en suivent l’analyse ; ils n’en sont que le résultat. Les autres n’ont qu’une vérité hypothétique