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Voyez à ce sujet les excellentes notes de M. Baron sur Lémery, où les raisons de Mender sont exposées avec netteté, & combattues avec force. Mais si Boerhaave s’est contredit en soûtenant qu’une terre inactive étoit nuisible, & avoit la faculté d’aiguiser la vertu des purgatifs, on peut le concilier avec lui-même, quand il dit que cette terre qui est nuisible, aiguise ; parce qu’il la considere d’abord seule, & ensuite mêlée avec d’autres substances. Ce point a échappé à Mender.

Nous n’irons pas plus loin sans prévenir les objections qu’on pourroit nous faire contre notre opinion, afin d’empêcher qu’on ne tourne contre nous les armes que nous venons de manier contre les autres. On pourroit s’autoriser de l’aveu que nous avons fait, que l’expérience parle pour Mender, pendant que nous convenons que l’antimoine diaphorétique est une terre inerte ; mais on conclura facilement que ces deux propositions n’ont rien qui répugne, si l’on se rappelle que nous avons particulierement insisté sur le lavage à grande eau, comme favorisant la division, & que nous avons avancé que c’étoit cette division qui faisoit tout le mérite de la chaux de l’antimoine. En effet il est aisé de sentir que cette chaux flotera par ce moyen dans les humeurs de nos premieres voies, enfilera l’orifice des veines lactées à la faveur de ce véhicule, & passera dans le sang, où elle produira tous les effets d’un corps dur & inaltérable : ceux de rompre, diviser & atténuer les molécules sanguines & lymphatiques qui pourront s’être réunies pour quelle cause que ce soit, & de procurer aux molécules morbifiques qu’elles en auront détachées, la facilité de parcourir les couloirs qui ne pouvoient les admettre avant ce tems ; ensorte qu’elles pourront être évacuées par les voies ouvertes, comme les vaisseaux perspiratoires, &c.

Mais il n’y a peut-être point de question qui ait été plus agitée, & sur laquelle les sentimens soient plus partagés, que sur l’éméticité du régule d’antimoine, combiné avec les acides végétaux & minéraux. Tout le monde convient que l’antimoine privé de soufre, n’est émétique qu’à proportion de ce que sa partie réguline contient de phlogistique ; puisque l’antimoine diaphorétique qui l’a tout perdu quand il est bien fait, n’est plus émétique. Nous croyons qu’on ne nous taxera pas de supposer ce qui est en question, au sujet de l’antimome diaphorétique : mais il y a des auteurs qui veulent que l’éméticité de la partie réguline, ou de la chaux non-absolue de l’antimoine, soit augmentée par les acides végétaux, & diminuée ou détruite par les acides minéraux. D’autres prétendent le contraire exactement. Les premiers avancent pour soûtenir leur sentiment, que la poudre cornachine vieille est émétique ; parce que la creme de tartre a eu le tems de se combiner avec l’antimoine diaphorétique, qui n’étoit pas émétique avant ; que le sirop de limon, mêlé avec le même antimoine diaphorétique, lui donne de l’éméticité. Ils disent, au contraire, qu’on arrête les effets violens de l’émétique par les acides minéraux. Leurs antagonistes disent pour raison, que les acides végétaux donnés intérieurement, arrêtent tout aussi bien que les minéraux, les effets de l’émétique ; & que ces mêmes acides minéraux produisent un émétique beaucoup plus violent que l’ordinaire, qui est fait avec la creme de tartre, comme cela est évident par le mercure de vie. Je crois qu’on peut concilier l’un & l’autre parti sans coup férir. Il est d’expérience que le régule & le verre d’antimoine donnés en substance, à plus grande dose que le tartre stibié, sont moins émétiques que lui, quoiqu’il n’ait peut-être pas la moitié de son poids de parties-régulines : mais celui-ci n’est plus émétique que parce qu’il est

dissous, selon l’union. Il faut donc que le régule & le verre pris intérieurement, subissent une dissolution préalablement à toute action, comme il paroît par les pilules perpétuelles. Peu importe par quel acide que ce soit, minéral, animal ou végétal ; mais il ne faut pas que l’acide végétal soit sur-abondant, car il émane pour lors la vertu émétique. On entend ici par sur-abondant, non-seulement une plus grande quantité d’acide combinée avec la partie réguline, mais encore la présence de cet acide à nud dans l’estomac, qui calme vraissemblablement les convulsions de ce viscere. Il ne faut pas non plus que l’acide minéral enleve tout le phlogistique du régule ; il en fait une terre diaphorétique, comme l’acide nitreux : mais on ne peut pas prendre intérieurement l’acide nitreux, assez concentré pour réduire le régule d’antimoine en chaux. Ce n’est donc pas par cette qualité qu’il agit, non plus que les deux autres, mais en fournissant un acide sur abondant à l’émétique déjà dissous par un acide, de même que cela se passe de la part des acides végétaux, qu’on donne pour le même sujet. Ainsi donc les acides, quels qu’ils soient, développeront l’éméticité de la partie réguline, en la dissolvant & s’y combinant à un juste point de saturation : plus loin, ils l’affoibliront, & calmeront le spasme de l’estomac ; & l’acide nitreux ne fait pas même d’exception ici, parce qu’il faut qu’il soit assez affoibli pour tenir en dissolution cette partie réguline, & être donné intérieurement. Voy. aux articles Fer & Nitre, la dissolution de ce métal par l’acide de ce sel. Quant à l’antimoine diaphorétique, qui devient émétique parce qu’il se trouve uni à la creme de tartre, ou au sirop de limon, c’est qu’il est mal fait, & contient encore quelques parties régulines, qui ont été dissoutes par ces acides ; s’il n’étoit pas émétique avant, c’est parce que les parties régulines n’étoient pas dissoutes, & qu’elles ne pouvoient agir sans cela. Or que l’antimoine diaphorétique, même le mieux fait, recele encore quelques particules régulines, qui auront échappé à l’embrasement ; c’est ce qui paroîtra prouvé par la considération suivante. Il reste ordinairement parmi la chaux de l’antimoine diaphorétique, des grains de régule, qui ne sont nullement calcinés, & qui ressemblent à du plomb granulé ; il peut donc bien y avoir, à plus forte raison, des particules de régule qui se trouvent dans le cas de toutes les nuances de calcination, qui s’étendent depuis le régule jusqu’à la chaux absolue d’antimoine inclusivement. S’il ne se trouvoit point de régule d’antimoine en nature, après la calcination de l’antimoine diaphorétique, notre opinion porteroit à faux, ou du moins ne pourroit pas se prouver, mais elle est pleinement confirmée par son existence ; car si l’opération est insuffisante pour commencer à calciner une portion de régule entier, il suit qu’elle le sera encore plus pour achever de calciner celles auxquelles elle a déjà fait perdre une portion de phlogistique, puisqu’il est plus difficile de détruire ces dernieres portions qui sont les plus tenaces & les plus profondément cachées, que de dissiper les premieres qui sont plus superficielles. Cette derniere considération sert de complément à la preuve de la nécessité du lavage en grande eau, & avertit qu’il ne faut prendre qu’environ la moitié de l’antimoine diaphorétique qu’on a fait ; c’est celle-là seule qui flote par le lavage, comme la litharge broyée à l’eau. Quant au reste qui est composé de parties régulines & de chaux dans différens degrés de calcination, il les faut soûmettre de nouveau à la détonation. Il résulte donc de tout ce que nous avons dit, que pour avoir l’antimoine diaphorétique bien blanc, bien divisé, & dans l’état d’une pure terre, il faut ne lui faire subir qu’une calcination instantanée, mais le laver en