La dissolution entiere de la gomme-gutte acquiert la couleur du sang, en y versant de l’huile de tartre par défaillance, ou de l’eau de chaux, peut-être parce que les parties sulphureuses se développent, comme il arrive dans la dissolution du soufre minéral, par une forte lessive alkaline.
C’est d’après les principes chimiques de la gomme-gutte, qu’on soupçonne que sa vertu cathartique dépend d’une substance sulphureuse, ténue & mêlée avec une certaine portion de sel volatil, ensorte que ses particules salines, sulphureuses, développées par le suc gastrique, irritent violemment les membranes de l’estomac & des intestins, & excitent les nausées, les vomissemens, & la purgation ; mais on ne doit donner ces sortes d’explications que pour des hypothèses, & non pour des vérités.
M. Boulduc n’a pu réussir à obtenir des fleurs de la gomme-gutte, ainsi qu’on en obtient du benjoin ; la résine de cette gomme tirée à l’esprit-de-vin, purge avec beaucoup plus de force & d’irritation, que la gomme même.
Cette gomme dans les expériences que ce chimiste a faites, s’est dissoute dans une égale quantité d’eau bouillante, à l’exception d’un petit nombre de particules terrestres ; cette liqueur étant filtrée, a donné après son évaporation à petit feu, une espece de sel grisâtre qui coule aisément lorsqu’on n’a pas soin de bien boucher le vaisseau dans lequel on l’enferme. Cet extrait salin purge avec moins d’activité & en moindre dose que la gomme ; mais comme il ulcere la gorge, il faut quand on l’employe, l’envelopper dans quelque substance onctueuse & adoucissante.
Nous avons déjà remarqué que la gomme-gutte ne se dissout point dans l’eau, qu’elle se précipite au fond du vase en substance laiteuse de couleur jaunâtre, & laisse l’eau aussi nette qu’auparavant ; nous ajoûtons ici que ce résidu ne differe en rien de la gomme, mais qu’il est plus pur. Le vinaigre distillé éclaircit cette substance laiteuse ; l’huile de vitriol la trouble, & l’esprit-de-vin la rend de couleur d’or.
Puisque la gomme-gutte est un des plus puissans cathartiques du regne végétal, & par conséquent un des plus propres à produire de grands effets, il importe de savoir à qui, comment, à quelle dose, & avec quelle précaution ou correctif on peut la prescrire.
Elle ne convient point aux tempéramens délicats dont les nerfs sont attaqués, ni aux personnes qui ont une grande difficulté à vomir. Lorsque la maladie l’exige dans certains cas, il est bon de la donner sous la forme de bol ou de pilules, parce qu’il n’y a point de menstrue capable d’en extraire toutes les qualités : on ne peut la bien pulvériser, sans y ajoûter quelque peu de sel lixiviel, tel que celui de tartre ou du sucre, qui d’ailleurs ont l’avantage de diviser ses parties résineuses, & de les empêcher de s’attacher trop fortement aux membranes de l’estomac & des intestins.
Cette gomme évacue sur-tout & promptement, les humeurs séreuses & bilieuses, ténues, tant par haut que par bas. Les medecins éclairés qui savent administrer ce remede avec prudence, y trouvent les avantages suivans, qu’il est sans goût & sans odeur, qu’on le donne en petite dose, qu’il fait son effet en peu de tems, qu’il dissout puissamment les sucs visqueux & tenaces en quelque partie du corps qu’ils se trouvent, & enfin qu’il chasse par le vomissement ceux qui sont dans l’estomac, & les autres en abondance par les selles. Ces mêmes medecins assûrent avoir employé ce remede avec un grand succès dans l’apoplexie séreuse, l’hydropisie, l’asthme humide, & d’autres graves maladies catarrheuses.
Ils prescrivent la gomme-gutte depuis deux grains jusqu’à quatre, & ils ont observé que ce remede donné à cette dose, excitoit peu ou point de vomis-
d’ordinaire à la seconde ou troisieme prise.
Ce remede depuis quatre grains jusqu’à sept, développé dans beaucoup de liqueur, purge par haut & par bas, mais communément sans violence. Si on le donne à cette dose sous la forme de bol ou de pilules, il fait d’abord vomir ; mais le vomissement est très-leger, ou n’arrive point du tout, si on joint la gomme avec du mercure doux.
Cependant quand on a considéré que la gomme-gutte étoit du nombre de ces violens cathartiques, qui causent le bouleversement de l’estomac & la superpurgation, on s’est attaché à lui chercher des correctifs, pour modérer son activité : on a proposé à ce sujet les substances incrassantes, les sels lixiviels, tels que celui de tartre, le sucre, le mercure doux, & quelques autres moyens.
M. Boulduc a imaginé pour y parvenir, une expérience assez singuliere ; il a enfermé la gomme-gutte dans un sachet, a mis ce sachet dans un pain tout chaud, & l’y a laissé pendant vingt-quatre heures ; ensuite il a pulvérisé sa gomme, l’a remise dans un autre sachet, & a repété son procédé quatre ou cinq fois consécutivement. Il nous assûre que cette préparation a détruit la violence irritante de la gomme-gutte, sans diminuer ses vertus. Il ajoûte que la croute du pain où il avoit enfermé cette gomme, possédoit une qualité purgative & émétique.
Tout cela se peut ; mais outre qu’une telle épreuve est très-fautive, la gomme-gutte de M. Boulduc n’en étoit pas moins émétique ; & en effet tous les correctifs du monde ne sauroient détruire l’éméticité de ce remede : d’ailleurs, il n’est pas besoin de recourir à des correctifs, pourvû qu’on donne la gomme à une petite dose, avec un adjoint convenable, ou en la délayant suffisamment. D’autres chimistes préparent une résine & un magistere avec ce suc ; mais de telles préparations sont inutiles & sont même plus de mal que de bien, car les résines des purgatifs purgent généralement moins, & allument un plus grand feu dans les visceres.
Je finis par une observation sur la gomme-gutte, c’est que tandis qu’elle purge violemment, le fruit de l’arbre qui la produit est très-sain, se mange avec délices comme nos oranges ; & quand il est sec, il sert de remede efficace pour arrêter les flux de ventre séreux & bilieux. (D. J.)
* Gomme, terme de Chamoiseur, c’est une espece de graisse qui se rencontre dans les peaux de moutons ou de chevres que l’on passe on chamois. On fait sortir ce qui reste de chaux & de gomme dans ces peaux, par le moyen du confit. Voyez Chamois, à l’endroit où il est parlé de la maniere de passer & préparer les peaux de moutons en huile ou autrement dit en chamois.
GOMMIER, s. m. (Botan.) arbre des îles d’Amérique, qui est de la classe des térébinthes. Voyez-en la description à l’article Gomme du Gommier.
* GOMMER, v. act. (Gramm.) enduire quelque chose de gomme. Voy. Gomme. Gommer des rubans, c’est les humecter avec de l’eau dans laquelle on a fait dissoudre de la gomme, afin de les lustrer & les rendre plus fermes : mais les rubans gommés sont moins estimés que les autres, parce qu’ils sont trop roides & sujets à se gâter quand ils viennent à être mouillés. On gomme aussi les toiles, les étoffes. Voy. Toile, Draperie, Soie, &c.
GOMOR, s. m. (Hist. anc.) mesure creuse des Hébreux, qui, selon le P. Calmet, contenoit à-peu-près trois pintes mesure de Paris. Le gomor étoit la même chose que l’assaron ou la dixieme partie de l’épha. V. Epha & Assaron. Diction. de la Bible. (G)
GOMPHOSE, s. f. en Anatomie, c’est une espece de synarthrose ou d’articulation, par laquelle les os