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de la Carie dans l’Asie mineure, sur un promontoire fort avancé, qu’on appelloit Triopum ; présentement Capocrio. Outre les fêtes d’Appollon & de Neptune qu’on y célebroit avec la derniere magnificence, on rendoit à Gnide un culte particulier à Venus, surnommée Gnidienne ; c’étoit-là qu’on voyoit la statue de cette déesse, ouvrage de la main de Praxitelle, qui seul, dit Pline, annoblissoit la ville de Gnide. Les curieux faisoient expres le voyage de la Doride pour considérer de leurs propres yeux ce chef-d’œuvre de l’art. Nicomede avoit tant d’envie de le posséder, qu’il voulut en donner de quoi payer les dettes immenses que cette ville avoit contractées ; elle le refusa, parce que cette seule statue faisoit sa gloire & son trésor.

Horace n’a pas oublié de célebrer le culte que Vénus recevoit à Gnide :

            Quæ Cnidon
Fulgentesque tenet Cycladas, & Paphon
      Junctis visit oloribus.

Lib. III. od. xxviij.

« Réunissons nos voix pour chanter la déesse qui est » adorée à Gnide, qui tient sous son empire les brillantes Cyclades, & qui sur un char traîné par des cygnes visite tous les ans l’île de Paphos.

Gnide n’est à présent qu’un village qui est encore nommé Cnido, & dont il reste une grande quantité de ruines vers le cap de Crio en Natolie. Les habitans du lieu ne se doutent pas même de l’origine de ces ruines ; encore moins savent ils que leur territoire a produit autrefois un Ctésias medecin & historien, qui avoit composé en XIII. livres une belle histoire des Assyriens & des Perses, dont Eusebe & Photius nous ont conservé quelques fragmens. Ils ne connoissent pas davantage Eudoxe de Gnide qui mourut 350 ans avant Jesus-Christ, qui fut astronome, géometre, &, ce qui vaut bien mieux, le législateur de sa patrie. Le spectacle de l’univers ne nous présente que des pays devenus barbares, ou d’autres qui sortent de la barbarie. (D. J.)

GNOMES, s. m. pl. (Divin.) nom que les cabalistes donnent à certains peuples invisibles, qu’ils supposent habiter dans la terre, & la remplir jusqu’au centre. Ils feignent qu’ils sont de petite stature, amis de l’homme, & faciles à commander ; ils les font gardiens des trésors, des minieres & des pierreries. Vigenere les appelle Gnomens ; leurs femmes sont appellées Gnomides.

Vigneul Marville dans ses mélanges de Littérature & d’Histoire, tom. I. pag. 100, rapporte que dans une conférence tenue chez M. Rohault, un philosophe de l’école soûtint qu’il y a une infinité d’esprits qui remplissent les élemens, le feu, l’air, l’eau & la terre, des Salamandres, des Sylphes, des Oudins & des Gnomes ; que ces derniers sont employés à faire agir les machines des animaux qui habitent sur la terre.

Il ajoûtoit que quelques philosophes de sa secte prétendent que ces esprits sont de deux sexes, pour répondre apparemment aux deux sexes des animaux ; que les plus grands, les plus ingénieux & les plus habiles de ces esprits, gouvernent les machines des animaux, les plus grandes, les plus composées & les plus parfaites ; qu’il y en avoit une infinité de fort déliés, de toutes especes, qui font jouer le nombre infini d’insectes que nous voyons, ou qui échappent à nos yeux par leur extreme petitesse. Que tous ces esprits en général gouvernent chaque machine selon la disposition de ses organes, de son tempérament & de ses humeurs, ne se saisissant pas indifféremment de toutes sortes de machines, mais seulement de celles qui sont-de leur caractere, & qui vivent dans l’élement qui leur est propre ; qu’un gnome fier & superbe, par exemple, se saisit d’un

coursier de Naples, d’un genet d’Espagne : un autre qui est cruel se jette dans un tigre ou dans un lion, &c. Que de folies ! Chambers. (G)

GNOMON, s. m. (Astronom.) est proprement le stile ou aiguille d’un cadran solaire, dont l’ombre marque les heures. Voyez Cadran.

Ce mot est purement grec, & signifie littéralement une chose qui en fait connoître une autre ; de γνώμη, connoissance : les anciens l’ont appliqué au stile d’un cadran, parce qu’il indique ou fait connoître les heures.

Le gnomon d’un cadran solaire représente l’axe du monde, ou, pour parler plus juste, l’extrémité du gnomon d’un cadran solaire est censée représenter le centre de la terre ; & si l’autre bout du gnomon passe par le centre du cadran ou point de concours des lignes horaires, le gnomon est alors parallele à l’axe de la terre ; & on peut le prendre pour cet axe même, sans erreur sensible : mais si le gnomon est dans toute autre situation par rapport au cadran, par exemple, s’il est perpendiculaire au plan du cadran, alors il ne représente plus l’axe du monde, à-moins que le cadran ne soit équinoctial ; mais l’extrémité ou la pointe du gnomon est toûjours regardée comme le centre de la terre.

Au reste, le mot de gnomon n’est plus guere en usage pour signifier le stile des cadrans ; on se sert plûtôt du mot de stile ou d’aiguille : on peut d’ailleurs reserver le mot de gnomon pour les cadrans qui n’ont point de stile, mais seulement une plaque percée d’un trou par où passe l’image du soleil. Voyez Cadran. Ces cadrans sont en petit ce que sont en Astronomie les gnomons dont nous allons parler.

Gnomon, en Astronomie, signifie à la lettre un instrument servant à mesurer les hauteurs méridiennes & les déclinaisons du soleil & des étoiles. Voy. Méridien & Hauteur.

Les Astronomes préferent le gnomon appellé par quelques-uns le grand gnomon astronomique, aux gnomons des cadrans, parce qu’il est plus exact.

C’est pourquoi les anciens & les modernes se sont servi du gnomon pour faire leurs opérations les plus considérables. Ulugh-Beigh prince tartare, petit-fils de Tamerlan, se servit en 1437 d’un gnomon de 180 piés romains de hauteur ; celui qu’Ignace Dante érigea dans l’église de S. Pétrone à Boulogne en 1576, avoit 67 piés de haut ; & M. Cassini en éleva un autre dans la même église, en l’année 1655. Voyez Solstice.

Elever un gnomon astronomique, & observer par son moyen la hauteur méridienne du soleil. Elevez un stile perpendiculaire d’une hauteur considérable & connue sur la ligne méridienne ; marquez le point où se termine l’ombre du gnomon projettée le long de la ligne méridienne, mesurez la distance de son extrémité, au pié du gnomon, c’est-à-dire la longueur de l’ombre : quand vous aurez ainsi la hauteur du gnomon & la longueur de l’ombre, vous trouverez aisément la hauteur méridienne du soleil.

Supposez, par exemple, que TS (Pt. Optiq. fig. 13.), est le gnomon, & TV la longueur de l’ombre ; comme le triangle rectangle STV donne les deux côtés TV & TS, l’angle V, qui est la quantité de la hauteur du soleil, se trouve par l’analogie suivante. La longueur de l’ombre TV est à la hauteur du gnomon TS, comme le sinus total est à la tangente de la hauteur du soleil au-dessus de l’horison.

L’opération sera encore plus exacte, en faisant une ouverture circulaire dans une plaque de cuivre, de sorte que les rayons du soleil passant par cette ouverture, viennent représenter l’image du soleil sur le pavé ; attachez cette plaque parallélement à l’horison dans un lieu élevé & commode pour l’observation. Faites tomber une ficelle & un plomb pour mesurer la hauteur qu’il y a du trou au pavé ; ayez