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Aristagoras de Milet présenta à Cléomène roi de Sparte une table d’airain, sur laquelle il avoit décrit le tour de la terre avec les fleuves & les mers, pour lui expliquer la situation des peuples qu’il avoit à soûmettre successivement.

Socrate réprima l’orgueil d’Alcibiade par l’inspection d’une carte du monde, en lui montrant que les domaines dont il étoit si fier ne tenoient pas plus d’espace sur cette carte qu’un point n’en pouvoit occuper.

Scylax de Caryande publia sous le regne de Darius Hystaspes roi de Perse, un traité de Géographie & un périple. Voyez Périple.

L’on voit dans les nuées d’Aristophane un disciple de Socrate montrant à Strepsiade une description de la terre.

Ce fut sous les Grecs que la Géographie commença à profiter des secours que l’Astronomie pouvoit lui procurer ; la protection qu’elle trouvoit dans les princes contribua beaucoup à ses progrès.

Alexandre étoit toûjours accompagné de ses deux ingenieurs Diognetes & Beton, pour lever la carte des pays que leur prince traversoit. Ils prenoient exactement les distances des villes & des rivieres de l’Asie, depuis les portes Caspiennes jusqu’à la mer des Indes. Ils employoient les observations que Néarque & Onésicrite avoient faites à bord des vaisseaux qu’Alexandre leur avoit donnés pour reconnoître la mer des Indes & le golfe Persique. Ils observoient les distances des lieux, non-seulement par l’estime du chemin, mais encore par la mesure des stades, lorsque cela leur étoit possible ; & les observations astronomiques, à la vérité beaucoup moins exactes & moins nombreuses que les nôtres, pouvoient remplir à quelques égards, quoique très-imparfaitement, les vuides que causoit le défaut des mesures actuelles.

Pytheas géographe de Marseille florissoit sous Alexandre : sa passion pour la Géographie ne lui permit pas de s’en tenir aux observations faites dans son pays Il parcourut l’Europe depuis les colonnes d’Hercule jusqu’à l’embouchûre du Tanaïs. Il avança par l’Océan occidental jusque sous le cercle polaire arctique. Ayant remarqué que plus il tiroit vers le nord, plus les jours devenoient grands, il fut le premier à désigner ces différences de jour par climats. Voyez Climat. Strabon croyoit ces pays inhabitables, & malgré l’opinion qu’Eratosthène & Hipparque avoient du contraire, il ne put s’empêcher d’accuser Pytheas de mensonge ; mais celui-ci fut justifie pleinement dans la suite, & sa réputation a été entierement rétablie de nos jours par un savant mémoire de M. de Bougainville membre de l’académie des Belles-Lettres.

Aristote disciple de Platon, étoit aussi versé dans la connoissance de la Géographie que dans la Philosophie. Les observations astronomiques lui servirent à déterminer la figure & la grandeur de la terre. L’on attribue à cet ancien un livre de mundo, dédié à Alexandre, dans lequel on trouve une description assez exacte des parties de la terre connues de son tems ; savoir, de l’Europe, de l’Asie & de l’Afrique.

Thimosthènes donna un traité des ports de mers, dont Pline nous a conservé des fragmens, de même que les observations de Séleucus-Nicanor qui succéda à la puissance d’Alexandre dans la haute Asie, jusque dans une partie de l’Inde.

Théophraste disciple d’Aristote, ne se contenta pas de posséder des cartes géographiques ; il ordonna par son testament que ces ouvrages qui avoient fait ses délices pendant sa vie, & dont il avoit reconnu l’importance & l’utilité, fussent attachés au portique qu’il avoit donné ordre de construire.

A cet athénien succéda Eratosthene dont la ré-

putation répondoit à l’étendue de génie. D’après les

observations qu’il avoit recueillies de plusieurs auteurs, il corrigea le premier la carte d’Anaximandre, & en publia une nouvelle qui contenoit la surface du monde entier, à laquelle il donnoit cinq cents mille stades de circuit. Le fruit de ses recherches fut trois livres de commentaires géographiques. Il combattoit dans le premier les erreurs reçûes de son tems : le second contenoit les corrections qu’il avoit faites à l’ancienne Géographie ; & le troisieme renfermoit ses nouvelles observations.

Les sciences & les arts présentent toûjours des objets à perfectionner ; aussi releva-t-on des fautes dans Eratosthene, & l’on ajoûta de nouvelles corrections à celles qu’il avoit faites. Son ouvrage eut de grandes contestations à essuyer de la part de Serapion & d’Hipparque. Ce dernier étoit, selon Pline, aussi admirable dans la critique que dans toute autre matiere ; cependant Strabon le représente d’un caractere si opiniâtre dans ses préventions, qu’il osa préferer même l’ancienne carte d’Anaximandre à celle qu’Eratosthène avoit corrigée. Ces disputes exciterent les esprits des Grecs, & leur donnerent une vive émulation qui servit à perfectionner les principes de la Géographie.

Agatharchide le Cnidien, qui florissoit sous Ptolomée Philometor, composa un ouvrage sur le golfe arabique ; Photius nous a conservé quelques extraits de cet auteur dans sa bibliotheque.

Environ 50 ans après, Mnésias publia une description du monde entier.

Artémidore d’Ephèse donna une description de la terre en onze livres, souvent citée par Strabon, Pline & Etienne de Byzance. Marcien d’Héraclée en avoit fait un abrégé qu’on a perdu ; il ne reste de cet ouvrage que le Périple de la Bithynie & de la Paphlagonie.

Cet amour pour la Géographie ne tarda pas à passer avec les arts de la Grece à Rome. Les Romains commençoient déjà à se faire connoître ; ils avoient étendu leurs conquêtes hors de l’Italie, & porté leurs armes victorieuses dans l’Afrique. Scipion-Emilien jaloux du progrès des sciences dans sa patrie autant que de l’empire qu’elle disputoit à Carthage, donna des vaisseaux à Polybe pour reconnoître les côtes d’Afrique, d’Espagne & des Gaules. Polybe poussa jusqu’au promontoire des Hespérides (le Cap verd), & fit de plus un voyage par terre pour mesurer les distances de tous les lieux qu’Annibal avoit fait parcourir à son armée en traversant les Pyrénées & les Alpes.

L’on doit conclure encore que l’usage des cartes géographiques étoit bien connu à Rome, de ce que Varron rapporte dans son livre de re rusticâ, au sujet de la rencontre qu’il fit de son beau-pere & de deux autres romains qui considéroient l’Italie représentée sur une muraille.

Sous le consulat de Jules-César & de Marc-Antoine, le sénat conçut le dessein de faire dresser des cartes de l’Empire plus exactes que celles qui avoient paru jusqu’alors. Zénodoxe, Théodore & Polyclete furent les trois ingénieurs employés à cette grande entreprise.

La conquête de la Gaule par César procura des connoissances sur l’intérieur & les parties reculées de ce pays ; le passage du Rhin & d’un détroit de mer par ce conquérant, donnerent quelques notions particulieres de la Germanie & des îles Britanniques. Ce sont en général les conquêtes & le commerce qui ont aggrandi la Géographie ; & en suivant ces deux objets, on voit successivement les connoissances géographiques se développer.

Pompée entretenoit correspondance avec Posidonius savant astronome & excellent géographe,