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d’attention : enfin, que reprocher à une langue un procédé qui lui est particulier, c’est reprocher à la nation son génie, sa tournure d’idées, sa maniere de concevoir, les circonstances où elle s’est trouvée involontairement dans les différens tems de sa durée ; toutes causes qui ont sur le langage une influence irrésistible.

D’ailleurs les vices qui paroissent tenir à l’institution même des genres, ne viennent souvent que d’un emploi mal-entendu de cette institution. « En féminisant nos adjectifs, nous augmentons encore le nombre de nos e muets ». C’est une pure maladresse. Ne pouvoit-on pas choisir un tout autre caractere ? Ne pouvoit-on pas rappeller les terminaisons des adjectifs masculins à certaines classes, & varier autant les terminaisons féminines ?

Il est vrai que ces précautions, en corrigeant un vice, en laisseroient toûjours subsister un autre ; c’est la difficulté de reconnoître le genre de chaque nom, parce que la distribution qui en a été faite est trop arbitraire pour être retenue par le raisonnement, & que c’est une affaire de pure mémoire. Mais ce n’est encore ici qu’une mal-adresse indépendante de la nature intrinseque de l’institution des genres. Tous les objets de nos pensées peuvent se réduire à différentes classes : il y a les objets réels & les abstraits ; les corporels & les spirituels ; les animaux, les végétaux, & les minéraux ; les naturels & les artificiels, &c. Il n’y avoit qu’à distinguer les noms de la même maniere, & donner à leurs corrélatifs des terminaisons adaptées à ces distinctions vraiment raisonnées ; les esprits éclairés auroient aisément saisi ces points de vûe ; & le peuple n’en auroit été embarrassé, que parce qu’il est peuple, & que tout est pour lui affaire de mémoire. (E. R. M.)

Genre, s. m. (Métaph.) notion universelle qui se forme par l’abstraction des qualités qui sont les mêmes dans certaines especes, tout comme l’idée de l’espece se forme par l’abstraction des choses qui se trouvent semblables dans les individus. Toutes les especes de triangle se ressemblent en ce qu’elles sont composées de trois lignes qui forment trois angles ; ces deux qualités, figure de trois lignes & de trois angles, suffisent donc pour former la notion générique du triangle. Les chevaux, les bœufs, les chiens, &c. se ressemblent par les quatre piés : voilà le genre des quadrupedes qui exprime toutes ces especes.

Le genre le plus bas est celui qui ne contient sous lui que des especes, au lieu que les genres supérieurs se subdivisent en de nouveaux genres. Le chien, par exemple, se partage en plusieurs especes, épagneuls, lévriers, &c. mais comme ces especes n’ont plus que des individus sous elles, si l’on veut regarder l’idée du chien comme un genre, c’est le plus bas de tous ; au lieu que le quadrupede est un genre supérieur, dont les especes en contiennent encore d’autres, comme l’exemple du chien vient d’en fournir la preuve.

La méthode de former la notion de ces deux sortes de genre est toûjours la même, & l’on continue à réunir les qualités communes à certains genres jusqu’à ce qu’on soit arrivé au genre suprème, à l’être ; ces qualités s’appellent déterminations génériques. Leur nombre s’accroit à mesure que le genre devient moins étendu ; il diminue lorsque le genre s’éleve : ainsi la notion d’un genre inférieur est toûjours composée de celle du genre supérieur, & des déterminations qui sont propres à ce genre subalterne. Qui dit un triangle équilatéral désigne un genre inférieur ou une espece, & il exprime la notion du genre supérieur, c. à. d. du triangle ; & ensuite la nouvelle détermination qui caractérise le triangle équilateral ; c’est la raison d’égalité qui se trouve entre les trois côtés.

Les genres & les especes se déterminent par les qualités essentielles. Si l’on y faisoit entrer les mo-

des qui sont changeans, ces notions universelles ne

seroient pas fixes, & ne pourroient être appliquées avec succès ; mais comme il n’est pas toûjours possible de saisir les qualités essentielles, on a recours en physique & dans les choses de fait aux qualités qui paroissent les plus constantes aux possibilités des modes, à l’ordre & à la figure des parties ; en un mot à tout ce qui peut caracteriser les objets qu’on se propose de réduire en certaines classes.

La possibilité des genres & des especes se découvre en faisant attention à la production ou génération des choses qui sont comprises sous ces genres ou especes ; dans les êtres composés les qualités des parties & la maniere dont elles sont liées servent à déterminer les genres & les especes. Art. de M. Formey.

Genre, en Géometrie : les lignes géometriques sont distinguées en genres ou ordres, selon le degré de l’équation qui exprime le rapport qu’il y a entre les ordonnées & les abscisses. Voyez Courbe & Géométrique.

Les lignes du second ordre ou sections coniques sont appellées courbes du premier genre, les lignes du troisieme ordre courbes du second genre, & ainsi des autres.

Le mot genre s’employe aussi quelquefois en parlant des équations & des quantités différentielles ; ainsi quelques-uns appellent équations du second, du troisieme genre, &c. ce qu’on appelle aujourd’hui plus ordinairement équations du second, du troisieme degré, &c. Voyez Degré & Equation. Et on appelle aussi quelquefois différentielles du second, du troisieme genre, &c. ce qu’on appelle plus communément différentielles du second, du troisieme ordre. Voyez Différentiel. (O)

Genre, en Hist. nat. Lorsque l’on fait des distributions méthodiques des productions de la nature, on désigne par le mot genre les ressemblances qui se trouvent entre des objets de différentes especes ; par exemple, le cheval, l’âne & le zébre qui sont des animaux de trois différentes especes, se rapportent à un même genre, parce qu’ils se ressemblent plus les uns aux autres qu’aux animaux d’aucune autre espece ; ce genre est appellé le genre de solipedes, parce que les animaux qu’il comprend n’ont qu’un seul doigt à chaque pié : ceux au contraire qui ont le pié divisé en deux parties, comme le taureau, le bélier, le bouc, &c. sont d’un autre genre, appellé le genre des animaux à pié fourchu, parce qu’ils ont plus de rapport les uns avec les autres qu’avec les animaux solipedes, ou avec les fissipedes qui ont plus de deux doigts à chaque pié, & que l’on rassemble sous un troisieme genre : de la même façon que l’on établit des genres en réunissant des especes, on fait des classes en réunissant des genres. Les animaux solipedes, les animaux à pié fourchu & les fissipedes sont tous compris dans la classe des quadrupedes, parce qu’ils ont plus de ressemblances les uns avec les autres qu’avec les oiseaux ou les poissons qui forment deux autres classes. Voyez Classe, Espece, Méthode. (I)

Genre, en Anatomie. Le genre nerveux, est une expression assez fréquente dans nos auteurs, & signifie les nerfs considérés comme un assemblage ou système de parties similaires distribuées par tout le corps. Voyez Nerf. Le tabac contient beaucoup de sel piquant, caustique & propre à irriter le genre nerveux ; le vinaigre pris en trop grande quantité incommode le genre nerveux. Chambers.

Genre de Style, (Littérat.) Comme le genre d’exécution que doit employer tout artiste dépend de l’objet qu’il traite ; comme le genre du Poussin n’est point celui de Teniers, ni l’architecture d’un temple celle d’une maison commune, ni la musique d’un opéra tragédie celle d’un opéra bouffon : aussi