Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/626

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre précaution, sans arrosement & sans amender cette terre, l’arbuste prospere, s’éleve en arbre qui, par sa hauteur & sa verdure, ne déplaît dans aucune plantation.

Le genévrier des Bermudes ne demande qu’un peu plus de soin dans les premiers tems, à cause de sa délicatesse. Le bois de l’un & de l’autre tire sur le rouge, & abonde en résine d’une odeur charmante. On honore communément leur bois, sur-tout celui des Bermudes, du nom de bois de cedre, quoiqu’il y ait dans la Grande-Bretagne d’autres bois de ce même nom, qui viennent d’arbres bien différens des Indes occidentales ; cependant c’est du bois de ces especes de genévrier, qu’on fait en Angleterre des escaliers, des boiseries, des lambris, des commodes, & meubles pareils. La durée de ce bois l’emporte sur tout autre ; ce qu’il faut peut-être attribuer à l’extrème amertume de sa résine. On l’employe dans l’Amérique à la construction des vaisseaux marchands ; c’est dommage qu’il ne convienne pas à la bâtisse des vaisseaux de guerre, parce qu’il est si cassant qu’il se fendroit au premier coup de canon.

Le bois de nos genévriers n’est d’aucun usage en charpenterie ni en menuiserie ; il ne sert qu’à être brûlé à cause de sa bonne odeur, pour corriger l’air corrompu par de mauvaises exhalaisons. Voyez donc ci-après Genievre. (D. J.)

Genevrier, (Chimie & Mat. méd.) Toutes les parties du genévrier contiennent une huile essentielle qui se manifeste par une odeur forte : cette huile est unie dans les bois & dans les racines, à une substance résineuse qui en découle dans les pays chauds, par l’incision que l’on fait à son écorce. Cette matiere abonde sur-tout dans le grand genévrier qui croît dans les provinces méridionales du royaume, & qui y est connu sous le nom de cade.

On retire dans ces pays de cette derniere espece de genévrier, une huile empyreumatique, noire & épaisse, en distillant le tronc & les branches de cet arbrisseau dans un appareil où le fourneau sert en même tems de vaisseau contenant, & qui est construit sur les mêmes principes que celui dans lequel on prépare la poix noire. Nous décrirons cette manœuvre à l’article Poix. Cette huile empyreumatique qui est connue sous le nom d’huile de cade, est fort usitée dans nos provinces méridionales contre les maladies extérieures des bestiaux, & surtout dans la maladie éruptive des moutons, appellée petite vérole ou picote.

Cette huile entre dans la composition du baume vert ; elle est véritablement caustique, si l’on en touche l’intérieur d’une dent creuse, elle cautérise le nerf & calme la douleur : mais si l’on continue à l’appliquer, elle fait bien-tôt tomber la dent en pieces. Quelques uns ont osé la donner intérieurement contre la colique & les vers ; mais on ne peut avoir recours à ce remede sans témérité. C’est-là l’unique médicament que le grand genévrier fournit à la Medecine ; médicament encore dont les usages sont très peu étendus comme l’on voit.

C’est du petit genévrier, du genévrier commun, de celui qui croît dans toute l’Europe, que nous allons parler dans le reste de cet article. Ce sont ses baies que l’on employe principalement en Medecine.

On retire des baies de genievre une eau distillée, une huile essentielle ; on en prépare un vin & un rob ou extrait. Voyez Eau distillée, Huile essentielle, Vin, Rob & Extrait.

Les Allemands employent fréquemment dans leurs cuisines les baies de genievre à titre d’assaisonnement. Etmuller les appelle l’aromate des Allemands. Nous en faisons un fréquent usage, mais seulement à titre de médicament. Nous les employons principalement dans les maladies de l’estomac, qui dépendent de relâchement, de foiblesse & d’un amas de

glaires tenaces & épaisses. Nous les regardons comme souveraines contre les vents, les coliques venteuses, les digestions languissantes. Elles passent aussi pour déterger les reins & la vessie, pour faire chasser les glaires des voies urinaires, & pour faire sortir hors du corps les sables & les calculs. Elles sont célébrées aussi comme béchiques & comme principalement utiles dans l’asthme humide : on leur a accordé aussi la qualité sudorifique, emménagogue & alexipharmaque : c’est à ce dernier titre que quelques-uns les ont appellées la thériaque des gens de la campagne.

On prescrit les baies de genievre à la dose d’un gros ou de deux, que l’on mange de tems en tems dans la journée, ou que l’on prend en infusion dans de l’eau ou dans du vin.

L’extrait ou le rob de genievre, qui est aussi appellé la thériaque des Allemands, se prescrit dans les mêmes vûes à la dose d’un gros dans du vin d’Espagne, dans de l’eau de genievre, ou dans quelqu’autre liqueur convenable : on le fait entrer aussi avec d’autres remedes dans les électuaires magistraux.

L’eau distillée des baies de genievre est fort vantée par Etmuller pour les coliques & la néphrétique ; elle excite doucement l’excrétion de l’urine, selon cet auteur ; & elle corrige sur-tout la disposition au calcul, si on en boit à jeun pendant un certain tems quatre ou six onces. On ne sauroit compter sur l’efficacité de l’eau distillée de genievre, comme sur l’extrait ou sur le fruit même pris en substance.

On retire du vin de genievre par la distillation un esprit ardent, auquel on accorde communément des vertus particulieres ; mais on ne peut en attendre raisonnablement que les effets communs des esprits ardens. Voyez Esprit ardent.

L’huile essentielle de genievre dissoute dans l’esprit-de-vin, ou donnée sous forme d’aleo-saccharum dans une liqueur convenable, est fort diurétique, emménagogue & carminative : mais, selon Michel Albert cité par Geoffroi, on ne doit pas en permettre trop facilement l’usage intérieur, parce qu’elle échauffe beaucoup. On peut l’employer à l’extérieur dans les onguens nervins & fortifians.

Les auteurs de Pharmacopée recommandent de brûler le marc de la préparation du rob, & d’en retirer un sel, auquel ils attribuent plusieurs vertus particulieres, & analogues pour la plûpart aux propriétés du fruit dont il est retiré : mais nous ne croyons plus que les sels préparés par la combustion des végétaux, retiennent les propriétés de la matiere qui les a fournis ; & nous ne reconnoissons dans ces sels que des qualités communes. Voyez Sel lixiviel.

On fait un elixir de genievre avec l’extrait délayé dans l’esprit ardent, c’est un bon stomachique & un diurétique actif. La dose est d’une cuillerée.

Le ratafia préparé par l’infusion des baies de genievre dans de l’eau-de-vie, est un cordial stomachique fort usité, & qui produit réellement de bons effets.

M. Chomel recommande fort pour la teigne, un onguent fait avec les baies de genievre pilées & bouillies, & le saindoux.

De toutes ces vertus du genievre que nous venons de rapporter, les plus évidentes sont sa qualité stomachique, carminative & diurétique. M. Geoffroi observe très-judicieusement que si on l’employe sans distinction de cas dans toutes les maladies de l’estomac & des voies urinaires, on causera quelquefois des ardeurs ou des suppressions d’urine, des distensions dans l’estomac, des rots, & une plus grande quantité de vents qu’auparavant : mais cela même est le plus grand éloge qu’on puisse faire de ce remede ; car ces médicamens innocens qui, s’ils ne font point de bien ne peuvent jamais faire du mal