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ils doivent être formés : comment se forme donc le placenta & la double enveloppe du fétus ? c’est ce que notre auteur n’explique point & ce qui paroît inexplicable dans ce système, contre lequel on peut d’ailleurs alléguer la difficulté commune à tous les systèmes qui admettent le mélange des deux liqueurs séminales dans la copulation, & par conséquent l’existence d’une vraie semence fournie par les femelles, à l’égard de laquelle on n’est pas même d’accord sur les organes qui sont supposés destinés à la préparer & à lui servir de reservoir. Voyez Semence, Testicules. Mais sans s’arrêter à cette difficulté, & sans entrer dans la discussion à laquelle elle peut donner lieu, ne semble-t-il pas suffisant pour faire sentir le peu de fondement de l’idée d’une vraie semence dans les femmes, de demander pourquoi, si elles ont de la semence entierement semblable à celle de l’homme, elle ne produit pas les mêmes effets, les mêmes changemens dans le corps des filles, qu’elle produit dans celui des garçons à l’âge de puberté ? Voyez Puberté, Eunuque.

Il suit donc de tout ce qui vient d’être rapporté du système sur la génération, proposé dans la nouvelle histoire naturelle, qu’il ne sert qu’à prouver de plus en plus que le mystere sur ce sujet est impénétrable de sa nature ; puisque les lumieres de l’auteur n’ont pû dissiper les ténebres dans lesquelles la faculté réproductrice semble être enveloppée. Le peu de succès des tentatives que les plus grands hommes ont faites pour l’en tirer, n’a cependant pas rendu nos physiciens plus réservés à cet égard.

En effet, à la derniere opinion dont on vient de faire l’exposition, il n’a pas tardé d’en succéder une autre qui se trouve dans l’ouvrage intitulé Idée de l’homme physique & moral (Paris 1755.). Comme la théorie de l’économie animale a toûjours éprouvé ses révolutions, ses changemens, conséquemment à ceux qu’éprouve la Physique en général ; la philosophie de Newton ayant influé essentiellement sur la maniere dont on a tâché d’expliquer la reproduction des individus organisés, & particulierement de l’espece humaine dans la Venus physique, & dans l’Histoire naturelle, par le principe des forces attractives & des affinités qu’on y a principalement mises en jeu : il convenoit bien aussi que les découvertes faites au sujet de l’électricité, qui avoient déjà porté bien des écrivains à introduire cette nouvelle puissance dans la physique du corps humain, & même dans la partie médicale, fissent encore naître l’idée d’en faire une application particuliere à l’œuvre de la génération. C’est ce que l’on voit dans l’ouvrage qui vient d’être cité ; l’auteur y propose donc ainsi son sentiment.

La propriété, dit-il, qu’ont les organes excrétoires de la liqueur séminale de devenir au moment de l’émission de cette liqueur le centre de presque tout mouvement & tout sentiment du corps, est un phénomene trop considérable, pour qu’il soit permis de restreindre une telle révolution au seul méchanisme de l’excrétion de la liqueur séminale. On ne sauroit disconvenir, selon cet auteur, que le fluide éthérien ou électrique, ne doive être considéré dans chaque animal, comme une atmosphere active, qui embrasse également toutes les parties extérieures & intérieures du corps, depuis les plus simples jusqu’aux plus composées. Or on peut concevoir conséquemment que ce fluide doit par la révolution générale qui arrive au moment de l’émission, se réfléchir de toutes les parties du corps vers les organes de la génération, & s’imprimer dans la liqueur séminale, à-peu-près comme les rayons de lumiere, qui étant réfléchis d’un objet, dont en quelque maniere ils portent l’image, se peignent sur divers foyers, & notamment sur la rétine ; avec la différence par rapport au flui-

de éthérien, qu’étant réfléchi dans l’acte de la génération, il est déterminé avec beaucoup plus de force,

& concentré en beaucoup plus grande quantité que la matiere de la lumiere ne l’est dans les faisceaux de rayons qui tombent sur la rétine, & que la liqueur séminale dans laquelle le fluide éthérien porte son impression, est autrement disposée par sa nature, par sa chaleur & sa fluidité, à recevoir & à conserver la force & l’étendue de l’impression de ce fluide, que ne l’est la rétine, qui n’est susceptible que de quelques ébranlemens peu durables.

Or, poursuit notre auteur, que le fluide électrique puisse, suivant la sorte d’esquisse qu’il reçoit dans le corps du pere & de la mere, tracer des linéamens & déterminer une organisation dans la liqueur séminale ; on en a presque la preuve dans la formation de ces toiles membraneuses, ou pour mieux dire, de cette espece de tissu qui se fait dans le lait chaud, qu’on laisse refroidir. On ne peut chercher la cause de cette formation, que dans les propriétés du fluide électrique.

Ainsi dans ce système, la liqueur séminale du mâle parvenue dans la matrice avec l’esquisse qui y a été destinée, de la maniere qui a été rapportée, reçoit encore des modifications ultérieures, soit par l’addition d’une nouvelle matiere séminale fécondée, c’est-à-dire chargée aussi de son esquisse, soit par des mouvemens particuliers de la matrice, dans laquelle la matiere électrique accumulée pendant la copulation, doit probablement recevoir des déterminations particulieres par l’action propre de cet organe, qui doivent s’accorder avec celles qui lui viennent des différens foyers qui constituent l’esquisse imprimée dans la liqueur séminale du mâle & de la femelle ; ensorte que dans la formation des empreintes que reçoit la liqueur séminale, il y a des endroits dans lesquels l’impression est plus forte ou plus marquée que dans d’autres ; parce qu’il est à présumer que les organes du corps qui sont les plus actifs, & par conséquent les plus chargés de matiere électrique, sont aussi ceux qui envoyent à la liqueur séminale une plus grande quantité de rayons, dont la force supérieure fait de plus fortes impressions que les rayons qui partent des autres organes. Ainsi le cerveau & la moëlle épiniere étant regardés comme les principales sources de l’action du corps, les impressions faites dans la liqueur séminale par leur irradiation, sont celles qui sont le mieux marquées : d’où il doit s’ensuivre que conformément aux observations de Malpighi & de Valisnieri, de semblables organes sont les premiers à se former dans cette liqueur par des especes de coalitions, qui sont les élémens des parties solides, & qui sont comme des points fixes d’où la matiere électrique se réfléchit & en entraîne des filamens, qui devenant à leur tour de nouveaux foyers, déterminent les réflexions différemment combinées pour qu’il en résulte la formation successive des différentes parties du corps, à mesure que le fluide électrique étend les traits de l’esquisse, selon les diverses attractions & répulsions des foyers, & selon le concours de l’action de la matrice.

Au reste, selon notre auteur, le plus ou le moins de force des traits imprimés dans l’une des deux semences, doit déterminer la production d’un mâle ou d’une femelle : les traits plus ou moins imprimés, selon le divers concours effectif du pere & de la mere, décident les ressemblances ou les dissemblances des enfans à l’égard de leurs parens, soit dans la forme du corps, soit dans le caractere. Il trouve aussi dans son principe des raisons à donner des phénomenes de la génération les plus difficiles à expliquer.

Mais la seule exposition des fondemens de ce système, tout ingénieux qu’il paroisse d’abord, suffit pour faire sentir combien l’homme est le joüet de son