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sujet, entr’autres ouvrages, l’histoire de l’académie de 1716 ; les éphémerides des curieux de la nature, Déc. II. année. Santorinus fait mention d’une femme qui ne laissa pas de concevoir, quoiqu’elle eût dans le ventre un enfant qu’elle portoit depuis vingt-trois ans ; ce qui fit juger que cet enfant n’étoit pas dans la matrice, comme on s’en convainquit ensuite.

3°. Qu’il y a un grand nombre d’observations de conceptions qui se sont faites dans les trompes de Fallope, dans lesquelles les œufs fécondés ont pris leur accroissement, & les fétus ont grossi comme dans la matrice. Riolan, Duverney, Mauriceau, Dionis, Douglas, & bien d’autres auteurs, rapportent des exemples de grossesses tubales. Mais outre ce que des accidens, des écarts de la nature ont appris à cet égard, on ne doit pas omettre ce que l’art a confirmé sur ce sujet par la fameuse expérience faite & rapportée par Nuck (adenogr. curios.), qui ayant lié la trompe d’une chienne trois jours après la copulation, assûre avoir trouvé le vingt-unieme jour deux fétus entre l’ovaire & la ligature, tandis que la portion de la trompe entre la ligature & la matrice se trouvoit absolument vuide. L’accord de ce fait avec ceux qui viennent d’être allégués, qui ont un rapport très-direct à celui-ci, ne laissent aucun doute sur la vérité du résultat.

4°. Que l’érection des trompes, l’application du pavillon aux ovaires, le mouvement péristaltique de ces conduits, concourent à annoncer qu’ils sont destinés à recevoir les œufs détachés des ovaires & à les transporter dans la matrice. Toutes ces propriétés étant prouvées par les observations de plusieurs anatomistes célebres, tels que Graaf, Malpighi, Valisnieri, Bohn, &c. semblent ne devoir laisser aucun doute sur les effets qui doivent s’ensuivre, sans lesquels on ne verroit point de quel usage peuvent être ces organes dans l’économie animale. Voyez Ovaire, Œuf, Trompe de Fallope (Anat.)

5°. Que la qualité alkalescente halitueuse, qui est reconnue dans la partie subtile de la semence du mâle (voyez Semence), la rend très-propre à pénétrer la substance de l’œuf, à produire une sorte de dissolution dans les différentes humeurs du petit corps de l’embryon qu’il contient, qui, comme elles ne participoient auparavant que d’une maniere fort éloignée aux effets du principe du mouvement commun à toutes les parties de l’individu femelle, ne pouvoient avoir que peu de fluidité, & se mouvoir qu’avec une extreme lenteur ; ensorte que, ayant acquis par l’influence de la liqueur séminale une plus grande disposition à circuler, qu’elles n’avoient, étant laissées à elles mêmes ; l’ame ou la puissance motrice, telle qu’elle puisse être, que le Créateur place en même tems dans cette petite machine, y met tous les organes en jeu, & commence une vie qui est propre à l’embryon, dont les effets tendent dès-lors à convertir en sa substance les sucs nourriciers renfermés dans l’œuf, à le faire croître par ce moyen, & à en former un animal parfait.

6°. Que l’on ne peut pas douter que la semence ne puisse être portée jusqu’à l’ovaire, par le moyen de la matrice & des trompes en érection. Si l’on fait attention que cette liqueur n’est pas d’une gravité spécifique plus considérable que celle des parois de la matrice & des trompes ; qu’elle peut par conséquent contracter adhésion avec la surface intérieure de ces organes, & qu’elle peut être attirée de proche en proche jusqu’à l’extrémité des trompes par une suction semblable à celle des tubes capillaires ; qu’on peut aussi se représenter le transport de la semence dans les cavités de la matrice & des trompes, comme étant fait par un méchanisme semblable à celui de la déglutition dans l’œsophage, par une sorte de mouvement péristaltique que l’on a dit ci-devant

avoir été observé dans les trompes, qui devient antipéristaltique, pour porter en sens opposé les œufs de l’ovaire dans la matrice, qui, quoiqu’ils soient d’un plus grand diametre que celui des trompes, dilatent ces conduits, comme le bol alimentaire fait à l’égard de l’œsophage dans la déglutition.

7°. Que la comparaison se soûtient à tous égards entre ce qui se passe pour la génération des animaux vivipares & des animaux ovipares ; que comme les œufs de ceux-là ont besoin de l’incubation, pour que la chaleur y prépare les sucs nourriciers de l’embryon qui y est contenu, & le dispose à prendre de l’accroissement, à se fortifier assez pour sortir de sa prison & devenir ensuite un animal parfait ; de même les œufs fécondés dans les vivipares sont retenus dans la matrice, pour y être gardés & exposés à une véritable incubation au même degré de chaleur pendant un tems plus ou moins long, pour les mêmes effets que le poulet, par exemple, éprouve dans l’œuf couvé.

8°. Que cette analogie, à l’égard de la génération entre les animaux ovipares & les vivipares, paroît bien complete, sur-tout en raisonnant d’après les expériences nombreuses & rapportées par plusieurs auteurs (vid. comment. instit. medic. Boerhaav. §. 669. not. 20. Haller), qui prétendent que les femmes, & par conséquent les femelles de la plûpart des autres animaux vivipares, ont non-seulement des œufs susceptibles d’être portés dans la matrice, après avoir été fécondés, mais encore de ceux qui peuvent y être portés, sans être fécondés : que ceux-ci ont la faculté de grossir assez, par la seule nourriture qui leur est fournie, de l’individu femelle dont ils font partie, pour se détacher de l’ovaire, être reçus dans les trompes, portés dans la matrice, & en sortir avec le sang menstruel, ou même avec la liqueur qui s’en répand dans les actes voluptueux, comme le coït, & les autres moyens propres à exciter l’orgasme vénérien ; dans lesquels œufs inféconds on n’observe cependant aucune trace de l’embryon contenu, parce qu’il est imperceptible tant qu’il ne joüit pas d’une vie qui lui soit propre, & qui puisse commencer à rendre sensible le développement de ses parties.

9°. Enfin que l’analogie conduit à adopter le sentiment des œufs à l’égard de la génération, non-seulement par rapport aux animaux ovipares, mais encore par rapport aux plantes, qui, selon l’observation des plus habiles botaniologistes, tels que MM. Linnæus, de Sauvages, se reproduisent toutes par le moyen d’une trompe qui sert à porter dans l’amas de graines, que l’on peut regarder comme un ovaire, la poussiere séminale pour les féconder ; ensorte que cette trompe étant liée, & cette poussiere n’y pouvant pénétrer, elles restent infécondes.

Quelques auteurs ont prétendu qu’il n’est pas absolument nécessaire que la semence du mâle entre dans la matrice pour parvenir aux ovaires, & pour rendre par cette voie la femelle féconde ; parce que, selon quelques observations, des femelles bouclées, qui n’avoient par conséquent pu recevoir cette liqueur, ou d’autres, qui de fait ne l’avoient point reçue dans le vagin, mais seulement sur les bords de son orifice extérieur, n’avoient pas laissé que d’être imprégnées. Ils ont imaginé que pour résoudre cette difficulté, il suffit de supposer que la semence ainsi versée sur les bords du vagin, est reçue dans les vaisseaux absorbans qui la portent dans les veines ; d’où elle est bien-tôt mélée dans toute la masse du sang, & portée par la circulation jusqu’aux ovaires ; ensorte que l’œuf disposé à être fécondé, n’est fait tel, qu’après que toute la masse des humeurs de la femelle a été, pour ainsi dire, fécondée elle-même.