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Les scholastiques définissent la génération, l’origine d’un être vivant d’un autre être vivant par un principe conjoint en ressemblance de nature ; définition dont tous les termes sont inintelligibles : voici celle qu’en donne M. Wuitasse, un des auteurs les plus estimés sur cette matiere.

On l’appelle, dit-il, origine, c’est-à-dire émanation, procession ; nom commun à toute production.

2°. D’un être vivant, parce qu’il n’y a que ce qui est vivant qui soit proprement engendré.

3°. D’un autre être vivant ; parce qu’il n’y a point de génération proprement dite, si ce qui engendre n’est vivant : ainsi, ajoûte cet auteur, on dit qu’Adam fut formé du limon, mais non pas engendré du limon.

4°. Par un principe conjoint ; ce qui signifie deux choses. 1°. Que cet être vivant d’où procede un autre être vivant, doit être le principe actif de la production de celui-ci : par cette raison, Eve ne peut point être appellée proprement la fille d’Adam, parce qu’Adam ne concourut pas activement, mais seulement passivement, à la formation d’Eve : 2°. que cet être vivant qui produit un autre être vivant, doit lui être conjoint ou uni par quelque chose qui lui soit propre ; comme les peres, quand ils engendrent leurs enfans, leur communiquent quelque partie de leur substance.

5°. En ressemblance de nature ; termes qui emportent encore deux idées ; 1°. que la génération exige une communion de nature au-moins spécifique ; 2°. que l’action qu’on nomme génération doit par elle-même tendre à cette ressemblance de nature ; car le propre de la génération est de produire quelque chose de semblable à celui qui engendre.

De-là ils concluent que la procession du Verbe doit seule être appellée génération, & non procession ; & que la différence qui se trouve entre cette génération & la procession du S. Esprit vient de ce que le Verbe procede du Pere par l’entendement, qui est une faculté affirmative, c’est-à-dire qui produit un terme semblable à elle-même en nature ; au lieu que le S. Esprit procede du Pere & du Fils par la volonté, qui n’est pas une faculté assimilative ; ce que S. Augustin a exprimé ainsi, lib. IX. de trinit. c. cij. mens notitiam suam gignit cum se novit ; & amorem suum non gignit cum se amat. Cependant il faut convenir que les anciens peres n’ont pas poussé si loin que les théologiens leurs recherches sur ces matieres mystérieuses ; & S. Augustin lui-même avoue qu’il ignore comment on doit distinguer la génération du fils de la procession du S. Esprit, & que sa pénétration succombe sous cette difficulté : distinguere inter illam generationem & hanc processionem nescio, non valeo, non sufficio. lib. II. contrà Maxim. c. xjv. n°. 1.

Génération, se dit encore, quoique un peu improprement, pour signifier généalogie, ou la suite des enfans & des descendans qui sortent tous d’une même tige. Ainsi l’évangile de S. Mathieu commence par ces mots, liber generationis Jesu-Christi, que les traducteurs les plus exacts rendent par ceux-ci, le livre de la génealogie de Jesus-Christ. Voyez Généalogie. (G)

Génération, (Hist. anc. & mod.) est synonyme à peuple, race, nation, sur-tout dans les traductions littérales de l’Ecriture-sainte, dans laquelle on rencontre presque par-tout le mot génération, où le latin porte generatio, & le grec γένεα ou γενέσις : ainsi, « c’est une génération méchante & perverse qui demande des miracles, &c. ».

Une génération passe, & il en vient une autre.

Génération, se dit aussi de l’âge ou de la vie ordinaire d’un homme. Voyez Age.

De là nous disons, jusqu’à la troisieme & quatrieme génération : en ce sens les Historiens comptent ordi-

nairement une génération pour l’espace de trente-trois

ans ou environ. Voyez Siecle.

Hérodote met trois générations pour cent ans ; & ce calcul, selon les auteurs modernes de l’arithmétique politique, paroît assez juste. Voyez Arithmétique politique & Chronologie

Génération, (Physiologie.) on entend en général par ce terme, la faculté de se reproduire, qui est attachée aux êtres organisés, qui leur est affectée, & qui est par conséquent un des principaux caracteres par lequel les animaux & les végétaux sont distingués des corps appellés minéraux.

La génération actuelle est donc, par rapport au corps végétant & vivant, la formation d’un individu semblable par sa nature à celui dont il tire son origine, à raison des principes préexistans qu’il en reçoit, c’est-à-dire de la matiere propre & de la disposition à une forme particuliere que les êtres générateurs fournissent pour la préparation, le développement & l’accroissement des germes qu’ils produisent ou qu’ils contiennent. Voyez Germe.

C’est donc par le moyen de la génération que se forme la chaine d’existences successives d’individus, qui constitue l’existence réelle & non interrompue des différentes especes d’êtres, qui n’ont qu’une durée limitée relativement à l’état d’organisation qui donne une forme déterminée & propre aux individus de chaque espece.

C’est par la disposition même des parties en quoi consiste cette organisation, que celle-ci est bornée dans sa durée ; disposition que l’auteur de la nature a établie de telle maniere, que ce qui est dans les êtres organisés le principe de leur existence comme tels, c’est-à-dire de la vie végétante ou animée dont ils joüissent entant qu’il y entretient l’action, le mouvement des parties solides & fluides dont ils sont composés, tend continuellement à devenir sans effet, & par conséquent à détruire la vie par l’exercice même des moyens vivifians ; parce qu’après avoir employé un certain tems à procurer à ces êtres le degré de consistance soit absolue soit respective qui en fait la perfection essentielle, il ne peut continuer à agir sans augmenter cette consistance à un point où elle devient excessive, & forme un défaut radical en rendant les organes toûjours moins propres à perpétuer le jeu qui leur est affecté, entant qu’il les prive insensiblement de la flexibilité qui leur est nécessaire pour cet effet, & qu’il laisse perdre la fluidité des parties, qui ne la conservoient que par accident, par l’effet de l’action à laquelle elles étoient exposées, de cette action qui dépend de la flexibilité dont on vient de dire que les organes étoient enfin privés.

C’est cette considération qui a fait dire à un ancien, que vivere est continuò rigescere ; c’est-à-dire que la condition de tous les corps organises est de prendre par degré de la solidité, de se durcir, de se rendre roides de plus en plus, & de devenir ainsi dans la suite toûjours moins propres à entretenir la vie par les mêmes effets qui ont d’abord formé ces corps, & qui les font subsister : d’où il s’ensuit dans les individus tant végétaux qu’animaux, le changement d’état qu’on appelle mort, qui n’est autre chose que la cessation du mouvement propre à ces individus entant que vivans, qui ne présente pour toute différence qu’une inaction commune à tout corps privé d’organisation, ou dont l’organisation n’est pas actuellement vivifiée : par conséquent, cet état laisse les corps organisés, comme tous ceux qui ne le sont pas, exposés aux impressions des agens destructeurs de toutes les formes particulieres qui dégradent l’organisation, & réduisent la matiere qui l’avoit reçûe à la condition de la matiere brute, informe, jusqu’à ce que ces matériaux des corps organisés soient de nouveau ti-