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cesser le sentiment de besoin de l’acte vénérien (ressource dont le moyen n’est dans les femmes que bien imparfaitement) ; & que d’ailleurs le libertinage du cœur est assez répandu pour qu’il y ait peu d’hommes qui ne préviennent même ce soulagement naturel par l’abus de soi-même, au défaut de l’usage des femmes, dans le cas où il ne peut pas être recherché, par bienséance, ou par tout autre empêchement. Voyez Génération, Pollution, Mastupration. Ensorte qu’il peut y avoir à la vérité dans les hommes comme dans les femmes, une disposition à l’appétit vénérien, augmentée outre mesure, ainsi qu’ils l’éprouvent dans le priapisme, le satyriasis : mais elle n’est jamais portée jusqu’à dégénérer en fureur ; parce que le besoin est satisfait d’une maniere ou d’autre, avant que ce dernier excès puisse avoir lieu. Voyez Salacité, Priapisme, Satyriasis.

La mélancolie érotique n’a pas pour objet immédiat l’acte vénérien en général, mais le desir d’y procéder avec une personne déterminée que l’on aime éperdument. Voyez Erotique.

Il ne faut pas non plus confondre le prurit du vagin avec la fureur utérine ; celui-là peut être une disposition à celle-ci, mais il n’en est pas toûjours suivi ; il excite, il force à porter les mains aux parties affectées, à les frotter pour se procurer du soulagement, comme il arrive à l’égard de la demangeaison dans toute autre partie du corps, que l’on gratte dans la même vûe, c’est-à-dire pour en enlever les causes irritantes. Mais dans le cas dont il s’agit ici, les attouchemens se font sans témoin, sans indécence (voyez Vagin), en quoi ils different de ceux qu’occasionne la fureur utérine ; ou s’ils sont faits avec affectation & par des moyens contraires à l’honnêteté, c’est l’effet de la corruption des mœurs, non pas un délire.

L’appétit vénérien, œstrum venereum (dont il a été omis de traiter en son lieu, à quoi il va être un peu suppléé ici, parce que le sujet l’exige ; voyez d’ailleurs Génération), ce sentiment qui porte aux actes nécessaires ou relatifs à la propagation de l’espece, peut être excité, en le comparant à celui des alimens (voyez Faim), par l’impression que reçoivent les organes de la génération, transmise au cerveau, avec des modifications propres à affecter l’ame d’idées lascives ; ou par l’influence sur ces mêmes parties de l’ame affectée d’abord de ces idées, indépendamment de toute impression des sens ; par laquelle influence elles sont mises en jeu, & réagissent sur le cerveau ; d’où il s’ensuit que l’ame est de plus en plus fortement occupée de sensations voluptueuses qui ne peuvent cependant pas subsister long-tems sans la fatiguer ; qui la portent en conséquence à faire cesser cette inquiétude attachée à la durée de toute sorte de sentimens trop vifs ; à employer les moyens que l’instinct lui apprend être propres à produire ce dernier effet. Voyez Sens, Plaisir, Douleur, Instinct.

Si l’appétit vénérien est modéré, on peut suspendre les effets des sentimens qu’il inspire, des desseins qu’il suggere pour se procurer le moyen de le satisfaire ; comme on ne se porte pas à manger toutes les fois qu’on en a envie ; comme on se fait violence pendant quelque tems pour supporter la faim, lorsqu’on ne peut pas se procurer des alimens, ou qu’on a des raisons de s’en abstenir, enfin lorsque la faim n’est pas canine. Voyez Faim canine.

Mais ainsi que selon le proverbe ventre affamé n’a point d’oreilles, & qu’on n’écoute plus la raison qui exhorte à ne pas manger ou à prendre patience, dans les cas où on ne peut avoir des alimens à sa disposition, le sentiment du besoin pressant de nourriture l’emportant alors sur toute autre considération,

& se changeant souvent en fureur : de même est-il du besoin de satisfaire l’appétit vénérien ; celui-ci comme sensitif, l’emporte sur l’appétit raisonnable : ensorte que, comme dit le poëte,

Fertur equis auriga, nec audit currus habenas.


C’est ce qui a lieu sur-tout dans les femmes qui sont doüées d’un tempérament plus délicat & plus sensible, dont la plûpart des organes sont aussi plus irritables, tout étant égal, que ceux des hommes, surtout ceux des parties génitales.

Ainsi cet excès d’appétit vénérien qui est à cet appétit régle ce que la faim canine, la boulimie, sont au desir ordinaire de manger, forme une vraie maladie, la salacité immodérée, dont le degré extreme dans les femmes, lorsqu’elle va jusqu’à déranger l’imagination, & porte à des actions violentes, est, ainsi qu’il a été dit ci-devant, la fureur utérine.

Les anciens attribuoient la cause de l’appétit vénérien excessif dans les deux sexes, à une vapeur qu’ils imaginoient s’élever en grande abondance de la liqueur séminale trop retenue & corrompue dans les testicules, qu’ils croyoient être portée par la moëlle épiniere dans le cerveau, & y troubler les esprits animaux ; d’où doit, selon eux, s’ensuivre le desordre des idées, le délire relatif à celles qui sont dominantes.

Mais comme il n’est plus question depuis long-tems de vraie semence par rapport aux femmes, ou au-moins d’aucune liqueur vraiment analogue à la liqueur séminale virile, on a cherché ailleurs la cause prochaine commune aux deux sexes du sentiment qui les porte à l’acte vénérien ; il paroît que l’on ne peut en concevoir d’autre que l’érétisme, la tension de toutes les fibres nerveuses des parties génitales, qui les rend plus susceptibles de vibrations, par les contacts physiques ou méchaniques ; ensorte que ces vibrations excitées par quelque moyen que ce soit, transmettent au cerveau des impressions proportionnées, auxquelles il est attaché de représenter à l’ame, ou de lui faire former des idées relatives aux choses vénériennes ; d’où s’ensuit une sorte de réaction du cerveau sur les organes de la génération, vers lesquels il se fait une nouvelle évasion de fluide nerveux, comme il arrive à l’égard de toutes les parties où s’exerce quelque sentiment stimulant, de quelque nature qu’il soit ; desorte que par cette émission l’érétisme se soûtient & augmente, au point que l’ame toûjours plus affectée par la sensation qui en résulte, semble en être uniquement & entierement occupée, & n’être unie qu’aux parties dont elle éprouve de si fortes influences.

Telle est l’idée générale que l’on peut prendre de ce qui produit immédiatement le desir des actes vénériens ; il reste à déterminer les différentes causes occasionnelles qui établissent l’érétisme des parties génitales dont il vient d’être parlé ; l’observation constante a appris qu’elles peuvent consister dans l’effet des douces irritations procurées à ces organes, & à ceux qui y ont rapport ; par les attouchemens, par le coït, ou par l’action stimulante de quelques humeurs acres, dont ils sont abreuvés, humectés, ou par tout autre effet externe ou interne qui peut exciter l’orgasme ; tout cela joint à la sensibilité habituelle de ces mêmes organes.

Ainsi ces causes peuvent avoir leur siége dans les parties génitales mêmes, ou elles consistent dans la disposition des fibres du cerveau relatives à ces parties, indépendamment d’aucune affection immédiate de celles-ci ; dans la tension dominante de ces fibres excitée par tout ce qui peut échauffer l’imagination & la remplir d’idées voluptueuses, lascives ; ainsi que la fréquentation de personnes de sexe différent, jeunes, de belle figure, qui font profession de galante-