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terre, de l’engraisser, & de détruire un nombre infini d’insectes dangereux & de mauvaises herbes.

On remplit le premier objet par les labours ; le second, par les fumiers, les terres, &c. le troisieme, en faisant brouter par les troupeaux les herbes qui y renaissent continuellement. Voyez Agriculture, Engrais, Labour, &c.

On donne aux terres depuis trois jusqu’à cinq labours, selon leur qualité, & quelquefois selon le hasard du tems. Lorsqu’on n’en veut donner que trois, on ne fait le premier qu’après les semailles de Mars ; mais si vous en exceptez les glaises, que souvent on ne peut labourer que trois fois, à cause de la difficulté de saisir le moment convenable, il est toûjours beaucoup plus avantageux de donner quatre labours aux terres pendant l’année de jachere. Dans ce cas, le premier labour se doit faire après les semailles des blés, c’est-à-dire pendant le mois de Novembre ; & on laisse la terre en grosses mottes, exposée à l’action des gelées qui servent beaucoup à la façonner : lorsqu’au printems elle est devenue saine, on donne le second labour ; & il est essentiel que ce soit par un tems sec, sur-tout dans les terres un peu fortes. Il est très-utile de herser la terre quelques jours après ce labour & les suivans ; elle en est mieux divisée ; & les herbes qui auroient repris racine sont arrachées de nouveau : mais il ne faut herser que par un beau tems, & lorsque la terre est saine. Le troisieme labour devient nécessaire vers le commencement de Juillet ; & à la fin d’Août, on commence à donner celui qui doit être le dernier, & qu’on appelle proprement labour à blé. Il est essentiel que ce labour soit fait au-moins quinze jours avant de semer le froment, lorsqu’on doit le couvrir avec la herse. La nielle est plus à craindre, quand on seme sur un labour frais. Pendant cette année de jachere, on choisit un intervalle entre deux labours, pour engraisser la terre. Le degré de putréfaction du fumier qu’on veut y répandre, & la facilité des charrois, reglent ce tems ; la nature & les besoins de la terre doivent décider de la qualité & de la quantité du fumier. Voyez Engrais.

On promene aussi pendant tout le printems & la plus grande partie de l’été, les troupeaux sur les jacheres ; elles leur sont très-utiles, parce que les prairies étant occupées par le soin, il ne reste que très peu de paturages proprement dits ; & les troupeaux, beaucoup mieux que les labours, détruisent l’herbe qui renaît continuellement. On seme le froment depuis la fin de Septembre jusqu’au commencement de Novembre. En général, on peut assûrer qu’il est avantageux de le semer de bonne heure. Il est bon que la plante acquerre une certaine force avant l’hyver ; qu’elle ait le tems de s’étaler, de se faire de la racine & de la pampe. Si dans une année où l’hyver sera trop doux, ce peut être un inconvénient d’avoir semé trop tôt, l’expérience apprend qu’il y en aura dix où l’on se repentira d’avoir semé trop tard. Il faut sur-tout se presser dans les pays où il y a beaucoup de gibier, lievres, perdrix, &c.

La quantité de lievres fait au blé un tort dont on ne peut se garantir par aucune précaution ; celle de semer de bonne heure & de fumer un peu plus, est suffisante pour préserver du mal que peut faire une grande abondance de perdrix. Pour semer d’une maniere avantageuse, il faut que la terre ne soit pas trop humide ; il est à souhaiter qu’elle soit fraîche : mais il vaut mieux semer dans la poudre, que de trop attendre. La semence doit être choisie avec soin : il faut que ce soit du plus beau blé de l’année ; & les bons laboureurs vont l’acheter à quelque distance, parce que le blé, comme beaucoup d’autres plantes, dégenere si on le laisse dans la même terre : on lessive cette semence dans une eau de chaux ; quelques

laboureurs y ajoûtent avec succès de l’eau putréfiée avec leur fumier ; & il y a encore d’autres préparations plus avantageuses. Voyez Nielle.

Dans les environs de Paris, on seme ordinairement un septier de blé, pesant deux cents cinquante livres, dans un arpent à vingt piés par perche : mais il est certain qu’un tiers de moins est suffisant dans une terre bien préparée par les labours & par l’engrais : on pourroit même avec succès en mettre encore moins.

Le froment semé un peu clair, est moins sujet à verser ; la paille en est plus forte ; les épis sont plus longs & plus gros ; & la recolte en grain n’en est que plus abondante.

Lorsque la terre n’est ni seche ni froide, le blé leve au bout de quinze jours : après cela, si un reste de chaleur favorise encore la végétation, ses racines s’étendent dans l’intérieur de la terre ; plusieurs tiges se préparent, & la pampe s’étale. Pendant l’hyver, la plante reste ordinairement dans un état d’inaction ; & elle prend souvent une couleur un peu jaune, lorsque la terre devient trop humide. Au printems, le premier air doux la fait reverdir ; la tige se forme & commence à monter : c’est alors qu’il faut nettoyer le blé des mauvaises herbes qui tendent à l’étouffer, & qui se multiplient malgré les précautions prises pendant l’année de jachere : il en est qu’il faut arracher avec la main, parce qu’elles ont des racines très-profondes ; telles sont une herbe connue assez généralement sous le nom de nelle, une autre appellée amaroute en beaucoup d’endroits, & celle nommée queue de renard.

Il en est d’autres, comme sont les chardons, qu’on détruit avec un instrument appellé sarcloir. Toutes ces plantes malfaisantes croissent beaucoup plus vîte que le blé ; elles l’étouffent ; & si on les laisse monter, leurs semences infectent la terre au point que la destruction ne peut plus en être faite que par un travail de plusieurs années. Il faut donc une très grande attention à sarcler le blé : mais il faut que cette opération se fasse avant que la tige soit à une certaine hauteur : sans cela, elle seroit rompue ; & on détruiroit la plante, au lieu de la favoriser.

Le blé fleurit vers la fin de Juin ; chaque épi n’est en fleurs que pendant un ou deux jours : alors les pluies froides sont à craindre ; elles font avorter une partie des grains ; un mois se passe entre la floraison & la maturité. C’est pendant cet intervalle, qu’on redoute avec raison les brouillards, qui lorsqu’ils sont suivis du soleil, causent la maladie appellée rouille. Quelle que soit la maniere dont les brouillards agissent, leur effet malheureux n’est que trop certain, les blés qui en ont été frappés ne grossissent plus ; les grains sont retraits, legers, & presque vuides : l’expérience n’a point appris les moyens de prévenir cet accident ; & il paroît être de nature à tromper toutes les précautions que nous pourrions prendre. La rouille n’est à craindre que dans des années humides & tardives. Cette maladie, quoique très fâcheuse, l’est beaucoup moins que celle qu’on doit appeller nielle, & qui fait quelquefois de grands ravages : mais l’humanité doit tout récemment aux soins & à la sagacité de M. Tillet la découverte des causes de cette maladie, & de plusieurs remedes qui la préviendront ou même l’anéantiront dans la suite. Voyez Nielle. On donnera à cet article les différens caracteres des maladies confondues sous le nom de nielle, ou connues en divers lieux sous d’autres noms.

Lorsque le froment approche de la maturité, la tige jaunit à l’endroit nommé le collet, c’est-à-dire à l’extrémité de la tige qui approche de l’épi.

Lorsqu’il en est à ce point, rien ne retarde plus les progrès qui lui restent à faire : les pluies même sem-