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mencement d’altération spontanée, dont les progrès l’auroient porté à un vrai état de putréfaction ; celui-là, dis-je, est moins nourrissant, mais plus irritant ; il convient encore mieux aux corps robustes & exercés.

Enfin le fromage presque pourri, état dans lequel on le mange quelquefois, doit moins passer pour un aliment que pour un assaisonnement, irritamentum gulæ, qui excite souvent avec avantage le jeu de l’estomac déjà chargé de diverses viandes, & qu’on peut par conséquent manger avec succès à la fin du repas : c’est celui-ci principalement dont il s’agit dans ce vers connu de tout le monde :

Caseus ille bonus quem dat avara manus.

L’usage du fromage n’est pourtant point sans inconvénient : le fromage frais pris en grande quantité, produit quelquefois des indigestions chez les personnes qui n’y sont point accoûtumées : ceci est vrai, sur-tout de ces fromages mous & délicats qu’on mange très-frais, délayés avec de la creme ou du lait, & qu’on appelle communément fromages à la creme. Ceux-ci different à peine à cet égard, du lait entier. Voyez Lait, (Diete & Mat. med.) Le fromage fait pris aussi en trop grande quantité, excite la soif, produit une chaleur incommode dans l’estomac & dans les intestins, rend la salive gluante & épaisse, & cause de petites aphthes dans l’intérieur de la bouche. On prévient ces accidens, en usant sobrement de cet aliment ; & on les guérit, en faisant avaler quelques verres d’eau froide.

Le fromage vieux & piquant a toutes les mauvaises qualités des assaisonnemens très-irritans ; il est presque caustique.

En général, les personnes délicates, qui ont le genre nerveux sensible, ou qui sont sujettes aux maladies de la peau, doivent se priver de fromage ; le sel dont il est souvent très-chargé, & les parties actives développées par l’espece de fermentation qu’il éprouve, portent singulierement vers cet organe ; le fait est observé.

Le fromage est un de ces alimens pour lequel certaines personnes ont une répugnance naturelle, dont la cause est assez difficile à déterminer. Lémery le fils (traité des alimens), nous apprend qu’un Martin Schoockius a fait un traité particulier de aversione casei, auquel il a la discrétion de renvoyer le lecteur curieux : nous aurons aussi cette attention pour le lecteur raisonnable. (b)

Fromage, c’est chez les Orfevres, un morceau de terre plat & rond, que l’on met au fond du fourneau, & sur lequel on pose le creuset, pour l’élever, afin qu’il soit exposé de toutes parts à l’activité du feu, & défendu des coups d’air qui pourroient le refroidir & le faire casser.

FROMAGER, s. m. (Hist. nat. Bot.) l’arbre que les habitans des Antilles nomment fromager, croît d’une prodigieuse grosseur, & s’éleve à proportion : les racines qui sont très-grosses, sortent hors de terre de 7 à 8 piés, & forment comme des appuis ou arcs-buttans autour de la tige. La partie inférieure de ces mêmes racines s’enfonce peu sous terre, mais elle s’étend excessivement à la ronde. Le bois du fromager est mou, leger, & de peu de durée : on ne s’en sert qu’à faire des canots, qu’il faut renouveller souvent : il est couvert d’une écorce grise assez épaisse, remplie de rugosités épineuses. On prétend que cette écorce est employée avec succès dans les tisannes qu’on fait prendre à ceux qui sont attaqués de la petite vérole : cet arbre porte un fruit ovale de la grosseur d’un œuf de poule d’Inde, renfermant une ouatte extrèmement fine, couleur de noisette, & aussi belle que la soie cardée : on ne s’en sert qu’à former des oreillers & des coussins. Le fromager se dépouille

une fois l’année de toutes ses feuilles. Article de M. Le Romain.

FROMENT, s. m. triticum, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleurs sans pétales, disposés par petits paquets arrangés en forme d’épi. Chaque fleur est composée de plusieurs étamines qui sortent d’un calice écailleux, qui est le plus souvent garni de barbes. Le pistil devient dans la suite une semence oblongue, convexe d’un côté & sillonnée de l’autre : ces semences sont farineuses & enveloppées dans la bale qui a servi de calice à la fleur. Les petits paquets de fleurs sont attachés à un axe dentelé, & forment l’épi. Tournefort, instit. rei herb. Voyez Plante. (I)

Froment, (Economie rustiq.) c’est le plus pesant de tous les grains ; c’est celui de tous qui contient la farine la plus blanche, de la meilleure espece, & en plus grande quantité.

Destiné particulierement à la nourriture de l’homme, son excellence le rend la matiere d’un commerce nécessaire qui ajoûte encore à son prix. Voyez Grains, (Econom. politiq.)

M. de Buffon pense que le froment, tel que nous l’avons, n’est point une production purement naturelle ; que l’existence de ce grain précieux n’est dûe qu’à la culture & à une longue suite de soins. En effet, on ne trouve point dans la nature de froment sauvage ; mais il n’y a encore là-dessus que des expériences trop incertaines, pour que cette opinion probable soit au rang des vérités reconnues.

Le grain de froment semé en terre, germe & pousse plusieurs tiges hautes de quatre à cinq piés, droites, entrecoupées de trois ou quatre nœuds, & accompagnées de quelques feuilles longues & étroites qui enveloppent la tige jusqu’à six pouces de l’épi.

Les épis placés au sommet de la tige sont écailleux, & forment un tissu d’enveloppes dont chacune renferme un grain : ce grain est oblong, arrondi d’un côté, sillonné de l’autre, & de couleur jaune.

On distingue plusieurs especes de froment ; la différence en est legere : quant à la forme du grain, elle se fait remarquer principalement dans les épis. L’espece la plus commune & la meilleure est celle dont l’épi est blanchâtre, sans barbe, & seulement écailleux. Celle qui est connue sous le nom de blé barbu, n’est cependant pas non plus sans mérite : on l’appelle ainsi, parce qu’effectivement l’épi est couvert & surmonté de barbes, comme sont les épis de seigle ; le grain en est ordinairement plus gros, la paille plus dure & plus colorée : on dit qu’il est moins sujet à verser ; mais la farine en est moins blanche que n’est celle du blé sans barbe. Le blé de Smyrne, ou blé de miracle, produit plusieurs épis assemblés en bouquet au haut de la tige. Il a quelques avantages, & encore plus d’inconvéniens.

On seme tous ces grains en automne ; ils levent, & doivent couvrir la terre pendant l’hyver : on les appelle blés d’hyver, pour les distinguer d’une autre espece de froment qu’on seme au printems, & qui est connue sous le nom de blé de Mars ; il est communément barbu ; mais on en voit aussi qui est sans barbe.

Ce blé, trop délicat pour soûtenir de fortes gelées, mûrit dans les années favorables, en même tems que celui qui a passé l’hyver. En général, il produit beaucoup moins de paille, & un peu moins de grain ; il manque souvent : cependant c’est une ressource à ne pas négliger dans les terres argilleuses, & dans celles que les pluies d’hyver battent aisément.

Quelle que soit l’espece du froment, la culture en est la même ; & c’est à cette culture que nous devons principalement nous arrêter.

On sait qu’avant de confier le blé à la terre, on la laisse reposer pendant une année, qui s’employe en préparations ; elles ont trois objets, d’ameublir la