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nable, facienti omne quod in se est, &c. car il suit de-là que l’infidele qui use, autant qu’il est en lui, des graces qui précedent la foi, obtient toûjours la grace de la foi.

3°. Dans l’hypothese que nous faisons, c’est la grace, à laquelle notre infidele répond, qui amene la grace de la foi. Or le dogme de la gratuité de la foi, s’oppose bien à ce que les seules forces de la nature l’appellent, mais non pas à ce que la fidélité aux premieres graces amene celle de la foi.

Quoique la foi soit nécessaire au salut, l’infidélité négative, c’est-à-dire le défaut de foi, lorsqu’on n’a pas résisté positivement aux lumieres de la foi qui se présentoient, n’est pas un péché. C’est le sentiment le plus communément reçû (voyez Suar. disp. xvij.) ; & en effet, il seroit ridicule de prétendre qu’on peut pécher sans aucune espece d’action délibérée : or l’infidele, négatif par l’hypothese, n’exerce aucune sorte d’action délibérée relativement à la foi. C’est la principale raison qu’apporte Suarès dans l’endroit cité ; ce qu’il appuie encore de ce passage qui semble décisif : si non venissem & loquutus eis fuissem, peccatum non haberent, Joan. 15.

D’après ce principe, ces hommes ne périssent pas pour n’avoir pas eu la foi, mais pour les contraventions à la loi qu’ils connoissent, & qui est écrite au fond de leur cœur : c’est la doctrine de S. Paul aux Romains : quicumque sine lege peccaverunt, sine lege peribunt, &c.

Cependant on fait sur cela une difficulté : si ces hommes observoient la loi naturelle, leur infidélité négative ne leur étant pas imputée à péché, ils pourroient éviter la damnation, & par conséquent arriver au salut sans la foi ; & cette nécessité absolue de la foi souffrira quelque atteinte.

On répond, 1°. que cet argument est d’après une hypothese qui n’a jamais de lieu, parce que jamais un infidele n’a observé la loi naturelle dans tous ses points. Cette réponse ne me semble pas solide, parce que si cet infidele a des moyens suffisans pour observer la loi naturelle, s’il a même le secours de la grace pour cela, il peut sert bien arriver qu’effectivement il l’observe : c’est ce que prouve clairement l’hypothese que fait Collius, de animab. Pag. lib. I. cap. xiij. d’un petit payen qui, commençant à user de sa raison, observeroit la loi naturelle, & passeroit un jour sans se rendre coupable d’aucun péché mortel. Hypothese assûrément très-possible, & qu’on ne peut contester.

2°. S. Thomas répond que si ces hommes observoient la loi naturelle, Dieu leur enverroit plûtôt un ange du ciel pour leur annoncer les vérités qu’il est nécessaire qu’ils croyent pour arriver au salut, ou qu’il useroit de quelque moyen extraordinaire pour les conduire à la foi, & qu’ainsi ils ne se sauveroient pas sans la foi ; ou s’ils fermoient les yeux à la vérité après l’avoir entrevûe, leur infidélité cesseroit d’être purement négative.

Mais cette réponse n’est pas encore satisfaisante ; car on peut toûjours demander si Dieu est obligé, par sa justice & sa bonté, d’envoyer cet ange & d’accorder ce secours ; s’il y est obligé, la gratuité de la grace de la foi est en grand danger ; s’il n’y est pas obligé, on peut supposer qu’il n’employera pas ces moyens extraordinaires ; & dans ce cas, il reste encore à demander si cet observateur fidele de la loi naturelle se sauvera sans la foi, auquel cas la foi n’est pas nécessaire ; ou sera damné, ce qui est bien dur.

3°. Pour sauver en même tems & la nécessité & la gratuité de la foi, S. Thomas en un autre endroit soûtient nettement que ces honnêtes payens sont privés de ce secours absolument nécessaire pour croire, & sont damnés en punition du péché originel, in pœna originalis peccati.

On trouve cette réponse, secunda secundæ, quæst. secunda, art. 5. Ce pere demande si la foi explicite est nécessaire au salut : il se fait l’objection que souvent il n’est pas au pouvoir de l’homme d’avoir la foi explicite, selon ce que dit S. Paul aux Romains, ch. x. Quomodò credent in illum quem non audierunt ? quomodò audient sine prædicante ? quomodò autem prædicabunt nisi mittantur ? L’homme en question, dit-il, l’infidele dont nous parlons, & à qui l’évangile n’a pas été annoncé, ne peut pas croire sans le secours de la grace, mais il le peut avec ce secours. Or ce secours est accordé par la pure miséricorde de Dieu, à ceux à qui il est accordé ; & quant à celui auquel il est refusé, ce refus est toûjours dans Dieu un acte de justice, & pour l’homme la peine de ce péché précédent, ou au-moins, dit-il, du péché originel, selon S. Aug. lib. de corr. & gratia : Ad multa tenetur homo quæ non potest sine gratiâ reparante… & similiter ad credendum articulos fidei… quod quidem auxilium (gratiæ), quibuscumque divinitus datur misericorditer ; quibus autem non datur ex justitiâ, non datur in pœna præcedentis peccati, & saltem originalis peccati, ut Aug. dicit in lib. de corr. & gratiâ, cap. v. & vj.

Or ces hommes à qui, selon S. Thomas, Dieu refuse le secours absolument nécessaire pour croire, in pœna saltem originalis peccati, sont des adultes, ne sont coupables que du péché originel, & sont par conséquent observateurs de la loi naturelle, qu’ils n’auroient pas pû violer sans pécher mortellement : leur infidélité n’est que négative, puisque l’infidélité positive est aussi un péché, & que ce pere ne dit pas qu’ils résistent au secours de la grace qui leur est donnée pour croire, mais qu’ils ne le reçoivent point. Selon S. Thomas, ce secours absolument nécessaire peut donc manquer quelquefois, & alors cet homme n’est pas sauvé. Voilà le dogme de la nécessité de la foi dans toute sa rigueur.

Au fond je ne vois pas pourquoi les Théologiens ne font pas cet aveu tout d’un coup, & sans se faire presser. En admettant une fois la doctrine du péché originel, & de la nécessité du baptême, & en regardant, comme on le fait, les enfans morts sans le baptême, comme déchûs du salut éternel : on ne doit pas avoir tant de scrupule pour porter le même jugement des adultes qui auroient observé la loi naturelle : car ces adultes ont toûjours cette tache ; ils sont enfans de colere ; ils sont dans la masse de perdition ; ainsi la difficulté n’est pas pour eux plus grande que pour les enfans. Il est vrai que comme elle n’est pas petite pour les enfans, il seroit à souhaiter qu’on n’eût pas encore à la résoudre pour les adultes. Voyez Péché originel.

Nous devons faire aux lecteurs des excuses de la longueur énorme de cet article ; cette matiere est métaphysique, & tient à toute la Théologie ; de sorte qu’il ne nous eût pas été possible d’abréger, sans tomber dans l’obscurité & sans omettre plusieurs questions importantes. Nous ne nous flatons pas même d’avoir traité toutes celles qui y sont relatives, mais nous en avons au-moins indiqué une grande partie. Il y a plusieurs articles qu’on peut consulter relativement à celui-ci, comme Christianisme, Religion, & Révélation. (h)

Foi, (Iconol.) la foi comme vertu morale est représentée sous la figure d’une femme vêtue de blanc, ou sous la figure de deux jeunes filles se donnant la main. Comme vertu chrétienne, elle est représentée par les Catholiques tenant un livre ouvert d’une main, & de l’autre une croix ou un calice d’où il sort une hostie rayonnante.

Foi, (Jurisprud.) signifie quelquefois fidélité, comme quand on joint ces termes foi & hommage ; il signifie aussi croyance, par exemple, quand on dit ajoûter foi à un acte ; ou bien il signifie attestation & preuve,