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Les fréquentatifs naturels à la langue françoise lui viennent de son propre fonds, & sont en genéral terminés en ailler : tels sont les verbes criailler, tirailler, qui ont pour primitifs crier, tirer, & qui répondent aux fréquentatifs latins clamitare, tractare. On y apperçoit sensiblement l’idée accessoire de répétition, de même que dans brailler, qui se dit plus particulierement des hommes, & dans piailler, qui s’applique plus ordinairement aux femmes ; mais elle est encore plus marquée dans ferrailler, qui ne veut dire autre chose que mettre souvent le fer a la main.

Les fréquentatifs françois faits à l’imitation de l’analogie latine, sont des primitifs françois auxquels on a donné une inflexion ressemblante à celle des frequentatifs latins ; cette inflexion est oter, & désigne comme le tare latin, l’idée accessoire de repétition : comme dans crachoter, clignoter, chuchoter, qui ont pour correspondans en latin sputare, nictare, mussitare.

Les fréquentatifs étrangers dans la langue françoise lui viennent de la langue latine, & ont seulement pris un air françois par la terminaison en er : tels sont habiter, dicter, agiter, qui ne sont que les fréquentatifs latins habitare, dictare, agitare.

C’est le verbe visiter que R. Etienne employe pour prouver que nous n’avons point de fréquentatifs. Car, dit-il, combien que visiter soit tiré de visito latin & fréquentatif, il n’en garde pas toutefois la signification en notre langue : tellement qu’il a besoin de l’adverbe souvent : comme je visite souvent le palais & les prisonniers.

Mais on peut remarquer en premier lieu, que quand ce raisonnement seroit concluant, il ne le seroit que pour le verbe visiter : & ce seroit seulement une preuve que sa signification originelle auroit été dégradée par une fantaisie de l’usage.

En second lieu, que quand la conséquence pourroit s’étendre à tous les verbes de la même espece, il ne seroit pas possible d’y comprendre les fréquentatifs naturels & ceux d’imitation, où l’idée accessoire de répétition est trop sensible pour y être méconnue.

En troisieme lieu, que la raison alléguée par R. Etienne ne prouve absolument rien : un adverbe fréquentatif ajoûté à visiter, n’y détruit pas l’idée accessoire de répétition, quoiqu’elle semble d’abord supposer qu’elle n’y est point renfermée ; c’est un pur pléonasme qui éleve à un nouveau degré d’énergie le sens fréquentatif, & qui lui donne une valeur semblable à celle des phrases latines, itat ad eam frequens, (Plaute) frequenter in officinam ventitanti (Plin.) ; sæpius sumpsitaverunt (Id.). On ne diroit pas sans doute que itare n’est pas fréquentatif à cause de frequens, ni ventitare à cause de frequenter, ni sumpsitare à cause de sæpius.

La décision de R. Etienne n’a donc pas toute l’exactitude qu’on a droit d’attendre d’un si grand homme ; c’est que les esprits les plus éclairés peuvent encore tomber dans l’erreur, mais ils ne doivent rien perdre pour cela de la considération qui est dûe aux talens. (E. R. M.)

FREQUIN, s. m. (Commerce.) sorte de futaille. L’article vj. du nouveau réglement de 1723, concernant les declarations des Marchands aux bureaux d’entrée & de sortie, met le frequin au nombre des futailles qui servent à entonner les sucres, bouts, les syrops, les suifs, les beurres, & autres telles marchandises qui sont sujettes à déchet & à coulage. Dict. de Comm. & de Trév. (G)

FRERAGE, s. m. (Jurisprud.) c’est le nom que l’on donne en certaines coûtumes aux partages de fiefs dans lesquels les freres & sœurs puînés ou autres co-partageans tiennent leur part en foi & hommage de l’aîné, ou si ce n’est pas entre freres, de l’un

des co-partageans. Voyez ci-devant Frarescheurs. (A)

FRERE, s. m. (Jurispr.) ce terme signifie ceux qui sont nés d’un même pere & d’une même mere, ou bien d’un même pere & de deux meres differentes, ou enfin d’une même mere & de deux peres différens.

On distingue les uns & les autres par des noms différens ; ceux qui sont procréés de mêmes pere & mere, sont appellés freres germains ; ceux qui sont de même pere seulement, sont freres consanguins, & ceux qui sont de même mere, freres utérins.

La qualité de frere naturel procede de la naissance seule ; la qualité de frere légitime procede de la loi, c’est-à dire qu’il faut être né d’un même mariage valable.

On ne peut pas adopter quelqu’un pour son frere, mais on peut avoir un frere adoptif dans les pays où l’adoption a encore lieu. Lorsqu’un homme adopte un enfant, cet enfant devient frere adoptif des enfans naturels & légitimes du pere adoptif.

L’étroite parenté qui est entre deux freres, fait que l’un ne peut épouser la veuve de l’autre.

Les freres étant unis par les liens du sang, sont obligés entr’eux à tous les devoirs de la société encore plus étroitement que les étrangers ou que les parens plus éloignés : cependant il n’arrive que trop souvent que l’intérêt les sépare, rara concordia fratrum.

La condition des freres n’est pas toûjours égale ; l’un peut être libre, & l’autre esclave ou serf de main-morte.

Dans le partage des biens nobles, le frere aîné a selon les coûtumes divers avantages contre ses puînés mâles ; les freres excluent leurs sœurs de certaines successions.

En pays de droit écrit, les freres germains succedent à leur frere ou sœur décédé, concurremment avec les pere & mere ; ils excluent les freres & sœurs consanguins & utérins ; ceux-ci, c’est-à-dire les freres consanguins & utérins, concourent entr’eux sans distinguer les biens paternels & maternels.

En pays coûtumier les freres & sœurs, même germains, ne concourent point avec les ascendans pour la succession des meubles & acquêts ; mais dans les coûtumes de double lien, les freres & sœurs germains sont préférés aux autres. Du reste pour les propres, les freres, soit germains, consanguins, ou utérins, ne succedent chacun qu’à ceux qui sont de leur ligne.

Quelque union qu’il y ait naturellement entre les freres & sœurs, un frere ne peut point engager son frere ou sa sœur sans leur consentement ; un frere ne peut pas non plus agir pour l’autre pour venger l’injure qui lui a été faite, mais il peut agir seul pour une affaire qui leur est commune.

Le frere majeur est tuteur légitime de ses freres & sœurs qui sont mineurs, ou en démence. On peut aussi le nommer tuteur ou curateur.

Suivant les lois romaines, un frere peut agir contre son frere pour les droits qu’il a contre lui ; mais il ne peut pas l’accuser d’un crime capital, si ce n’est pour cause de plagiat ou d’adultere.

Le fratricide ou le meurtre d’un frere est un crime grave. Voyez Fratricide.

Frere adoptif, est celui qui a été adopté par le pere naturel & légitime d’un autre enfant.

Frere, (beau-) c’est celui qui a épousé la sœur de quelqu’un. Voyez le mot Beau-Frere.

Frere conjoint des deux côtés, c’est un frere germain. Voyez ci-après Frere Germain.

Frere consanguin, est celui qui est procréé d’un même pere, mais d’une mere différente.

Frere, (demi-) on appelle ainsi dans quelques coûtumes & provinces les freres consanguins & uté-