L’Encyclopédie/1re édition/FRARESCHEURS, ou FRARESCHEUX
FRARESCHEURS, ou FRARESCHEUX, s. m. plur. (Jurisprud.) qu’on appelle aussi en quelques endroits freres-cheurs, frarachaux, sont tous ceux qui possedent des biens en commun de quelque maniere que ce soit ; ils sont ainsi appellés quasi fratres, parce que le frerage arrive le plus souvent entre freres : tous co-héritiers, soit freres, cousins, ou autres parens plus éloignés, sont frarescheurs, mais tous frarescheurs ne sont pas co-héritiers.
Un frerage ou fraresche, frareschia, fratriagium, est un partage. On donne aussi quelquefois ce nom au lot qui est échu à chacun par le partage ; quelquefois par frerage on entend une succession entiere, comme on voit dans la charte de la Pérouse, publiée par M. de la Thaumassiere, pp. 100 & 101.
De fraresche on a fait frarescher, pour dire partager : les frarescheurs sont les co-partageans.
Un frerage n’est donc autre chose qu’un partage ; mais par rapport aux fiefs, les partages où les puînés sont garantis sous l’hommage de l’aîné, ont été appellés parages, & tous les autres partages ont retenu le nom de frerage, ensorte que tout parage est frerage, mais tout frerage n’est pas parage.
Anciennement en France, quand un fief étoit échu à plusieurs enfans, il étoit presque toûjours démembré ; les puînés tenoient ordinairement de l’aîné par frerage leur part, à charge de foi & hommage, comme on le voit dans Othon de Frisingue, lib. I. de gest. frider. cap. xxjx.
Pour empêcher que ces demembremens ne préjudiciassent aux seigneurs, Eudes duc de Bourgogne, Venant comte de Boulogne, le comte de Saint-Paul, Gui de Dampierre, & autres grands seigneurs, firent autoriser par Pnilippe-Auguste une ordonnance, portant que dorénavant en cas de partage d’un fief, chacun tiendroit sa part immédiatement du seigneur dominant.
Du Cange, en sa troisieme dissert. sur Joinville, p. 150, remarque que cette ordonnance ne fut pas suivie comme il paroît suivant un hommage du 19 Octobre 1317, rendu à Guillaume de Melun, archevêque de Sens, par Jean, Robert, & Louis ses freres, tanquam primogenito causâ fratriagii & prous fratriagium de consuetudine patriæ requirebat ratione casiri de Sancto-Mauricio.
Beaumanoir, en ses coût. de Beauvaisis, ch. xjv. dit aussi que de son tems le tiers des fiefs se partageoit également entre les freres & sœurs puinés, & que de leurs parties ils venoient à l’hommage de leur aîné.
Au reste, quoique l’ordonnance de Philippe-Auguste ne fût pas suivie par tout le royaume, la plûpart des coûtumes remédierent diversement aux inconvéniens du démembrement. Celles de Senlis, Clermont, Valois, Amiens, ordonnerent que les puînés ne releveroient qu’une fois de leur aîné ; qu’ensuite ils retourneroient à l’hommage du seigneur suzerain dont l’aîné relevoit. Celles d’Anjou, Maine, & quelques autres, ordonnerent que l’aîné garantiroit les puinés sous son hommage ; ce qui fut appellé en quelques lieux parage, en d’autres miroir de fief.
Voyez les établissemens de S. Louis, liv. I. & II. l’auteur du grand coûtumier, liv. II. ch. xxvij. la somme rurale & des droits du baron ; Pithou, en ses mémoires des comtes de Champagne ; & les notes de M. de Lauriere, sur le gloss. de Ragueau au mot frarecheux. (A)