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douceur & une facilité qui plaît à tous les peuples ; & le génie de la nation se mêlant au génie de la langue, a produit plus de livres agréablement écrits, qu’on n’en voit chez aucun autre peuple.

La liberté & la douceur de la société n’ayant été long-tems connues qu’en France, le langage en a reçu une délicatesse d’expression, & une finesse pleine de naturel qui ne se trouve guere ailleurs. On a quelquefois outré cette finesse ; mais les gens de goût ont sû toûjours la réduire dans de justes bornes.

Plusieurs personnes ont crû que la langue françoise s’étoit appauvrie depuis le tems d’Amiot & de Montaigne : en effet on trouve dans ces auteurs plusieurs expressions qui ne sont plus recevables ; mais ce sont pour la plûpart des termes familiers auxquels on a substitué des équivalens. Elle s’est enrichie de quantité de termes nobles & énergiques, & sans parler ici de l’éloquence des choses, elle a acquis l’éloquence des paroles. C’est dans le siecle de Louis XIV. comme on l’a dit, que cette éloquence a eu son plus grand éclat, & que la langue a été fixée. Quelques changemens que le tems & le caprice lui préparent, les bons auteurs du dix-septieme & du dix-huitieme siecles serviront toûjours de modele.

On ne devoit pas attendre que le françois dût se distinguer dans la Philosophie. Un gouvernement long-tems gothique étouffa toute lumiere pendant près de douze cents ans ; & des maîtres d’erreurs payés pour abrutir la nature humaine, épaissirent encore les ténebres : cependant aujourd’hui il y a plus de philosophie dans Paris que dans aucune ville de la terre, & peut-être que dans toutes les villes ensemble, excepté Londres. Cet esprit de raison pénetre même dans les provinces. Enfin le génie françois est peut-être égal aujourd’hui à celui des Anglois en philosophie, peut-être supérieur à tous les autres peuples depuis 80 ans, dans la Littérature, & le premier sans doute pour les douceurs de la société, & pour cette politesse si aisée, si naturelle, qu’on appelle improprement urbanité. Article de M. de Voltaire.

FRANCOLIN, s. m. attagen, (Hist. nat. Ornit.) oiseau de la grosseur du faisan, auquel il ressemble beaucoup par la forme du corps. Il a le bec court, noir & crochu à l’extrémité. Son plumage est de différentes couleurs. Il porte sur la tête une hupe jaune avec des taches blanches & des taches noires. La prunelle des yeux est de couleur de noisette, & l’iris jaune. La membrane des sourcils est d’une belle couleur rouge, comme dans la gelinotte. Il y a au-dessous du bec une sorte de barbe, composée de plumes très déliées. Le cou, quoiqu’un peu long, est assez bien proportionné au corps ; il est mince & de couleur cendrée, mêlée de taches noires & de taches blanches. On voit sur la poitrine des taches de même couleur que celles du cou, & elles sont traversées par d’autres taches de couleur de rouille. Les plumes du ventre, de la queue, du croupion & des pattes, sont de couleur cendrée ou plombée, mêlée de taches noires. Les doigts de devant sont longs, & celui de derriere est court ; ils ont tous à leur extrémité un ongle crochu. Les Italiens n’ont nommé cet oiseau francolin, que parce qu’il est franc dans ce pays, c’est-à-dire qu’il est défendu au peuple d’en tuer : il n’y a que les princes qui ayent cette prérogative. La chair du francolin est très-bonne à manger. Willughby, Ornith. Voyez Oiseau. (I)

FRANCONIE, s. f. (Géog.) selon les Allemands Franckenland ; contrée d’Allemagne, bornée au nord par la Thuringe, au sud par la Soüabe, à l’est par le haut Palatinat, à l’oüest par le bas-Palatinat. Le milieu est très-fertile en blé, vins, fruits, pâturages & réglisse ; mais les frontieres sont remplies de forêts & de montagnes incultes. Sa plus grande étendue

du septentrion au midi peut être de 35 lieues, & de 38 d’orient en occident. Les diverses religions, catholique, luthérienne & protestante y ont cours. Ses rivieres sont le Mein, le Régnitz, le Sala & le Tauber, qui y prennent leurs sources. La Franconie renferme divers états ecclésiastiques ; savoir les évêchés de Bamberg, de Wurtzbourg, d’Aischtat, le domaine du grand-maitre Teutonique, quelques états séculiers, & quelques villes impériales, comme Nuremberg & Weissemberg, &c. Voyez la géographie historique de M. de la Forest de Bourgon.

Entre les personnes illustres qu’a produit la Franconie, je ne nommerai que le sage & habile Æcolampade. Il naquit à Weinsberg en 1482, & mourut à Basle en 1531. Sa vie & ses ouvrages sont connus de tout le monde. La défense qu’il prit en main de l’opinion de Zwingle contre celle de Luther, au sujet de l’eucharistie, lui fit beaucoup d’honneur dans son parti. Erasme dit en parlant du livre d’Æcolampade sur cette matiere, qu’il l’a écrit avec tant de soin, tant de raisonnement & tant d’éloquence, qu’il y en auroit même assez pour séduire les élus, si Dieu ne l’empêchoit. (D. J.)

FRANEKER, (Géog.) belle ville des Provinces-Unies, capitale de la Frise, avec une université célebre érigée en l’an 1585. Elle est assez près du Zuyderzée, entre Leuwarden & Harlingue, à 2 lieues de chacune, 6 N. de Slooten. Longit. 23d. 81. latit. 53d. 121.

On tient que Franeker a été bâtie l’an 1191, sous le regne de l’empereur Henri VI. fils de Fréderic-Barberousse. Ce fut en 1579 qu’elle se joignit pour toûjours à l’état des Provinces-Unies. Voyez les historiens des Pays-Bas ; & l’histoire particuliere de cette ville, qui depuis ce tems-là a été la patrie de plusieurs hommes distingues dans les Arts & dans les Sciences. (D. J.)

* FRANGE, s. f. (Rubannier.) vient de frangere, rompre, déchirer, enlever ; vient de ce qu’avant l’invention des franches & effilés, on effiloit réellement les extrémités & bords des étoffes & du linge, sur-tout lorsqu’ils commençoient à s’user ; & pour cacher ce défaut on effiloit plus ou moins avant suivant le besoin : de-là les différentes hauteurs des franges, les endroits usés occasionnant quelquefois des inégalités dans cet effilage, on achevoit de couper le tout suivant le contour de ces inégalités : de là les franges festonnées. Il y a des franges d’or, d’argent ou de soie, pour les ornemens d’église, les garnitures de carrosse, les garnitures de juppe, qui toutes sont guipées. Enfin il y en a d’unies & de festonnées, de toutes hauteurs, couleurs, & matieres que le métier peut employer.

Les franges pour les ornemens d’église, pour les carrosses & pour les tours de juppe, sont toutes faites au moule. Voyez Moule. Il s’en fait de différentes couleurs, ou d’une seule. Il y a de plusieurs sortes de façons de les faire de différentes couleurs, soit en mélangeant ensemble ces couleurs, ou en travaillant une certaine quantité de duites avec une couleur, puis avec une autre, & cela alternativement autant qu’il y a de couleurs différentes. Cette façon n’est guere d’usage que pour les ornemens d’église : cela se pratique plus volontiers, lorsque l’étoffe de ces ornemens est de plusieurs couleurs. Il se fait des franges pour les vestes en nœuds, graine d’épinards, sourcils d’hannetons, enfin de toutes les façons. La fécondité des ouvriers en ce genre est inconcevable, ils savent par mille mains-d’œuvres ingénieuses réveiller le goût & satisfaire l’inconstance. Voyez Tisser, Guiper.

La frange est composée de trois parties, qui sont la chaînette, la tête & le corps.

Quand la frange est tout-à-fait basse, on l’appelle mollet.