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Le fruit de la plante possede un suc mêlé & tempéré par beaucoup de mucilage, ou par des parties terreuses & aqueuses. Quand ce suc a fermenté, on en peut tirer un esprit ardent : mais si on le laisse fermenter trop long-tems, il s’aigrit & se corrompt.

Les fraises sont très-usitées sur nos tables ; on les sert principalement au dessert avec du sucre, & on les arrose d’eau, de lait, de creme, ou de vin ; c’est dans l’eau qu’elles se dissolvent le plus facilement, & qu’elles passent le plus vîte. Il faut les choisir bien mûres ; & la prudence demande de n’en point manger sans les avoir lavées : du-moins le cas rapporté par Hilden, cent. v. observat. 38. justifie cette précaution ; il parle d’une femme qui après avoir mangé des fraises à jeun, fut aussi-tôt attaquée de maux d’estomac, de lypothymies, de vertige, de l’enflure des hypochondres, &c. & ne fut guérie que par les secours d’un vomitif. Les fraises qu’avoit mangé cette femme, sans les avoir lavées auparavant, avoient sans doute été empoisonnées par l’urine, la salive, ou l’haleine de quelque bête venimeuse, comme de serpens, de viperes, de crapeaux, ou par la piquûre de quelque insecte, qui leur avoit donné un suc nuisible.

Il arrive aussi quelquefois, que si l’on mange trop de fraises, leurs esprits vineux se développent par la fermentation, portent à la tête, enivrent en quelque maniere, ou produisent de violentes coliques. Il y a même des personnes mobiles qui tombent en foiblesse par la seule odeur des fraises. Mais tous ces cas particuliers ne prouvent rien contre les qualités salutaires de ce fruit, qui est émollient, raffraîchissant, apéritif, & propre à corriger l’acrimonie bilieuse des humeurs.

On fait pendant l’été chez les gens riches, & dans les caffés publics, avec le suc des fraises, des eaux ou des juleps excellens pour étancher la soif, soit en santé soit en maladie, sur-tout dans les fievres aiguës, bilieuses, & putrides. On prend aussi du suc de fraises, du suc de limons, & de l’eau en quantité égale, mêlés ensemble, avec autant de sucre qu’il en faut pour rendre cette boisson agréable ; elle fait les délices des pays chauds. En Italie, on broye la pulpe des fraises avec de l’eau-rose, & on en fait ensuite avec le suc de citron une conserve délicieuse. Cette même pulpe de fraises appliquée toute récente en forme de cataplasme, est recommandée dans les rougeurs & inflammations extérieures.

On distille encore quelquefois chez les Parfumeurs & Apoticaires, une eau de fraise qui passe pour un bon cosmétique. Quand cette eau est tirée des fraises de bois, elle est d’une odeur charmante ; & les dames s’en servent volontiers à leur toilette, pour effacer les rousseurs & les lentilles du visage : mais Hoffman préfere avec raison pour cet usage l’eau distillée de toute la plante, comme plus efficace & plus détersive. (D. J.)

* FRAISOIR, s. m. en terme de Doreur, c’est une espece de foret formant une demi-losange par son bout tranchant. On s’en sert pour creuser un trou & l’élargir assez à l’extérieur, pour y river la tête d’une vis, afin qu’elle ne surpasse pas le reste de la piece. Voyez Pl. du Doreur, fig. 20.

Fraisoir, outil d’Ebéniste, espece de villebrequin, dont la meche est terminée par un petit cône à rainure : il sert à faire des trous dans les matieres peu épaisses & sujettes à éclater, comme sont tous les ouvrages de placage & de marqueterie. Voyez Marqueterie ; & la fig. 10, qui représente seulement le fraisoir séparé de son villebrequin.

* Fraisoir, (Luth.) c’est le même que celui des autres ouvriers en fer ; il sert aussi à élargir l’entrée d’un trou où l’on veut noyer un clou, une vis. Il y en a de quartes, d’autres à un plus grand nombre de

pans, de cannelés, de taillés en lime, &c. celui qui se termine en cône, soit qu’il soit à facettes, soit qu’il ait été taillé en lime, s’appelle fraisoir à têtes perdues ; il est monté sur une boîte, comme le foret ; & l’on s’en sert à l’arson & à la palette, ainsi que du foret. Voyez l’article Foret.

FRAMBOISE, s. f. fruit du framboisier. Voyez les articles suivans.

FRAMBOISIER, s. m. (Jardinage.) arbrisseau qui est fort commun dans tous les climats tempérés, & qui est si robuste, qu’il se trouve jusque dans les pays les plus septentrionaux. C’est une espece de ronce, qui s’eleve à cinq ou six piés, qui n’est vivace que dans la racine, & dont les tiges se dessechent toûjours au bout de deux ans : elles sont remplacées par de nouveaux rejettons, qui ne donnent des fleurs & des fruits que la seconde année, à la fin de laquelle ils périssent à leur tour, sans que la racine en soit endommagée. Ses feuilles, d’un verd tendre en-dessus & blanchâtre en-dessous, sont au nombre de trois ou cinq sur une même queue. Sa fleur, qui n’a nulle belle apparence, paroît au mois de Mai ; & c’est en Juillet qu’arrive la maturité de son fruit, qui a beaucoup de parfum.

Cet arbrisseau vient naturellement dans les endroits sombres, pierreux, & humides des forêts ; ainsi on doit dans les jardins les placer à l’ombre & à la fraîcheur des murs exposés au nord, où il se plaira & réussira mieux qu’à toute autre exposition. Il lui faut une terre meuble, limonneuse, & mêlée de sable, mais qui ne soit ni trop humide ni trop seche ; ces deux extrémités lui sont également contraires.

Ses racines, qui s’étendent au loin à fleur de terre, poussent quantité de rejettons qui servent à le multiplier : c’est le seul moyen qui soit en usage, parce qu’il est le plus sûr & le plus prompt. On peut cependant le faire venir de semence, de branches couchées, & même de bouture ; ou bien encore en plantant simplement des brins de la racine.

L’automne est la saison la plus propre à la transplantation du framboisier ; & si on s’y prend dès le mois d’Octobre, les plants feront de bonnes racines avant l’hyver, & acquerront assez de force pour produire l’année suivante quelques fruits passables, & des rejettons suffisans pour donner l’année d’après des fruits à l’ordinaire : au lieu que si on ne les transplantoit qu’au printems, outre que la reprise en seroit incertaine ; il faudroit s’attendre à deux années de retard. Il faut planter les framboisiers à deux piés de distance, dans des rayons éloignés de quatre piés les uns des autres ; les réduire pour cette premiere fois à un ou deux piés de hauteur ; retrancher les racines trop longues ; & ménager les yeux qui se trouveront au pié de la tige, parce qu’ils sont destinés à produire de nouveaux rejettons.

Toute la culture que cet arbrisseau exige, c’est de lui ôter chaque hyver le vieux bois qui a porté du fruit l’été précédent ; de tailler les nouveaux rejettons à trois piés au-dessus de terre ; de supprimer tous ceux qui seront foibles ou surabondans ; & enfin de les renouveller tous les quatre ou cinq ans, si l’on veut avoir de beau fruit.

L’excellent parfum des framboises en fait avec raison multiplier les usages. On en peut faire du vin, du ratafiat, & du syrop ; des compottes, des confitures, des conserves, des dragées, & jusqu’à du vinaigre.

On connoît sept especes ou variétés du framboisier.

Le framboisier à fruit rouge ; c’est celui auquel on doit appliquer ce qui vient d’être dit en général.

Le framboisier à fruit blanc : la couleur du fruit en fait la seule différence, qui n’est pas avantageuse, parce que les framboises blanches ont moins de parfum que les rouges.