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sophiques ; il est intitulé, pag. 80. de cet auteur, servant a toutes les opérations de Chimie. Il en dit ce qu’on peut penser là-dessus, & moins même quand on se rappelle le détail de Beccher.

Voici ce qu’on peut dire en particulier sur les fourneaux de décoction proprement dite, où l’on expose la matiere dans une bassine, un chauderon, une cuilliere de fer, &c. avec l’eau exposée à l’air libre. Ce sont les mêmes qui servent pour la distillation à feu nud, si le chauderon est surmonté d’un chapiteau ; au bain-marie, si l’on met dans ce chauderon un vaisseau d’étain qui baigne dans l’eau contenant la matiere à distiller, soit à sec, avec l’eau ou l’esprit-de-vin ; au bain de vapeur, si ce même vaisseau d’étain n’étant pas assez profond pour baigner dans l’eau, qui en même tems n’est pas en assez grande quantité pour y atteindre, n’en reçoit que la vapeur. Voy. les artic. Vaisseaux, Alembic, Polychreste, Bain-marie & Bain de vapeur. Si l’on change l’intermede des bains, ils seront pour lors des bains de cendre, de sable, de limaille de fer, de farine de briques, qui y sont placés dans une poêle de fer ou capsule : ils servent encore aux calcinations qu’on y fait dans des capsules de terre ou de fer. On les employe aux distillations dans la cucurbite basse ou chapelle des anciens, en passant une barre de fer ou deux dans des trous faits exprès, & lutant le contour de la cucurbite. Si les regîtres ne sont point au-dessous du bord, on en laisse en lutant, & on les détourne du vaisseau distillatoire au moyen du lut ; ainsi c’est une peine de moins quand ils sont au-dessous du bord & non dans le bord intérieur. Les mêmes fourneaux servent encore pour les sublimations du soufre, du benjoin, &c.

Les fourneaux de lampe qui sont encore des polychrestes, ne sont, comme nous l’avons dit, que des fourneaux de décoction ou de distillation ascensoire & latérale, & par conséquent de bain marie, de vapeurs, de cendres, de sable, ou de limaille, & de farine de briques, qui, au lieu d’être chauffes par des charbons, le sont par une ou plusieurs meches de lampe, parce qu’on a pour but d’y soûtenir le degré fixe d’une chaleur modérée. Voyez les fig. 64 & 65. On ne fait plus guere d’usage aujourd’hui des fourneaux de lampe en Chimie ; le second peut servir pour la distillation latérale à feu nud. Voyez la section des philosophiques. Le premier est un de ces petits instrumens qui ne sert plus guere qu’à ceux qui ne sont point chimistes de profession ; quelques physiciens, les gens du monde, & des femmes l’employent à distiller quelques onces d’esprit-de-vin, d’eau-de-vie, d’eau de-lavande, de thym, de romarin, de fleurs-d’orange, simples on spiritueuses, de roses, de myrthe, de lait, de miel, &c. (voyez Abdéquer) ; à faire chauffer du bouillon, de la tisanne, &c.

On peut regarder à juste titre les athanors comme des polychrestes ; mais on ne peut pas dire l’inverse : c’est pour cette raison que nous avons mis les polychrestes après.

Le fourneau de verrerie de M. Cramer (fig. 39-44. voyez la section des fourneaux de fusion) est aussi un polychreste ; les fourneaux d’essai, & les fourneaux de fusion en sont aussi : mais il ne faut pourtant pas abuser de ce terme au point de l’étendre à un fourneau où l’on fait deux opérations de même genre, comme on l’a déjà dit, comme les bains-marie & tous les bains, les fourneaux de décoction, &c. car il n’est point de fourneau où il ne se fasse qu’une seule opération ; & de la sorte tous les fourneaux seroient des polychrestes. Au reste il seroit peut-être bon que cela fût ; la manie d’en faire de particuliers pourroit cesser.

J’ai dit qu’on avoit étendu la nécessité de faire ser-

vir un fourneau à plusieurs opérations de différens genres,

& ce sont sans doute celles d’un même genre qui y ont conduit ; la preuve en est que les premiers fourneaux qui ont été employés dans ce dessein, ont pris le nom de polychrestes, que l’enthousiasme a ensuite converti en celui de catholiques ou universels. Cependant celui de Beccher, qui est le plus en droit de prétendre à cette prérogative, n’atteindra jamais à cette universalité ; & les enthousiastes du polychrestisme seront obligés de convenir qu’il laisse les autres bien loin derriere lui, comme plus précaires ; tels que les athanor & fourneau de fusion de Cramer : mais il y a toute apparence qu’il ne rond pas des corps d’aussi difficile fusion que celui de M. Pott.

Des fourneaux philosophiques. On donne ce nom aux fourneaux qui sont particulierement consacrés au grand œuvre, quoiqu’il s’entende aussi de tous ceux qui sont du ressort de la chimie philosophique, ainsi qu’on peut s’en convaincre par le titre de nouveaux fourneaux philosophiques, donné par Glauber au traité qu’il a fait sur cette matiere. Ces sortes de fourneaux different peu des autres, & ils peuvent être employés à la plûpart des mêmes usages ; de même que les autres peuvent presque tous être employés à la confection de la pierre philosophale (voy. Philosophie hermétique), en les ajustant toutefois à ce sujet.

Nous n’avons donné qu’un exemple de fourneaux philosophiques, à moins qu’on ne comprenne au même rang les fourneaux à lampe (fig. 64 & 65.) les fourneaux de Geber (fig. 5 & 98), qui sont aussi des fourneaux philosophiques ; c’est celui de la Roquetaillade, plus connu sous le nom de Rupescissa, que la coûtume pédantesque de son tems lui avoit fait prendre : la coupe de ce fourneau que nous avons prise seule, se trouve pag. 48. de son livre in-4° intitulé liber lucis ; ouvrage qui, pour le dire en passant, n’a point été mis au nombre de ceux de ce cordelier, dans la notice que nous en a donné Bayle. Voyez son diction. critiq. art. Roquetaillade, note E. Ce chimiste appelle ce fourneau son athanor : athanor à la vérité, est un nom qu’Abulcasis donne indifféremment à toutes sortes de fourneaux chimiques, comme on peut le voir dans son liv. II. où il traite du vinaigre distillé. Mais il est bon de savoir que ceux qui ont traité de la pierre philosophale, ont entendu particulierement sous ce nom le fourneau qui leur servoit à cet usage, où ils convertissent, par ex. leur mercure préparé en lait de la Vierge, c’est-à-dire le dissolvent, le coagulent, & l’exaltent. Ce fourneau des arcanes, ce fourneau d’Hermès & des philosophes, ce fourneau enfin qui portera tel beau nom qu’il plaira à MM. les adeptes de lui donner, doit être construit de façon qu’il puisse fournir trois degrés de chaleur à la volonté de l’artiste, & sans que le feu frappe immédiatement la matiere du grand-œuvre, ni le vaisseau qui la contient ; il faut qu’il ne donne précisément qu’une vapeur chaude qu’on soit le maître de modérer. Il faut donc qu’il ait un foyer & même une grille de cendrier, en cas qu’on veuille le chauffer avec le charbon, comme cela se fait d’ordinaire ; car on peut avoir recours au ventre de cheval ou au feu de lampe ; l’ouvroir y est nécessaire : c’est pour éloigner le vaisseau du feu, qu’on a fait le foyer élevé, & pour reverbérer la chaleur qu’on a mis un dôme ; ensorte que ce fourneau est fait de quatre pieces. Ce dôme est concave, parce que le ciel a cette figure (ou paroît l’avoir) ; ce qui lui a fait donner le beau nom d’Uraniscus. Il a des trous autour pour regîtres ; celui du milieu sert à observer le degré de chaleur : Libavius qui a représenté ce fourneau, pag. 166. de son alchimie, dit l’avoir fait exécuter en terre, s’en être servi, y avoir vû ce noir qu’on appelle la tête du corbeau, & y avoir fait tou-