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qu’il trouva sous une poutre. Des fourmis d’une autre espece entassent différentes matieres, & forment sur la terre une éminence qui a la forme d’un cône, & dans laquelle il se trouve diverses routes & des cellules où les fourmis habitent, où elles déposent leurs œufs, leurs nymphes, & toutes les choses dont elles se nourrissent. D’autres fourmis construisent des nids sur des arbres, & les cimentent avec de la terre, pour se garantir de la pluie. Voyez ci-devant Fourmi. (I)

Fourmiliere, (Econom. rustiq.) Ces petits monceaux de terre que les fourmis forment en cône pour leur demeure & la nourriture de leurs petits, causent un grand dommage aux prairies seches des pays chauds, & non-seulement en diminuant d’autant le fourrage qui y est précieux, mais encore en altérant la seve de l’herbe, & ne laissant qu’une nourriture pernicieuse au bétail affamé.

La bonne méthode de ruiner toutes fourmilieres, consiste à les découper depuis le sommet en quatre parties, & ensuite à creuser dans chacune assez profondement pour détacher la racine de la fourmiliere : alors il faut en retourner la terre, & l’abaisser un peu plus que le niveau du reste du terrein : ce moyen rendra cette terre plus humide, & empêchera les fourmis de rebâtir leurs logemens dans la même place : la terre de la fourmiliere qu’on vient de détruire doit être jettée de toutes parts à une assez grande distance : sans quoi les fourmis ne manqueroient pas de se rassembler de nouveau, & de construire pour leurs besoins une autre habitation voisine.

Le tems propre à l’opération dont il s’agit ici, est l’hyver, parce que la gelée & les pluies de cette saison contribuent beaucoup à la destruction des fourmis : mais alors il faut avoir soin de semer au printems de la graine de sain-foin ou de luzerne sur la terre qui est nue & pelée : autrement elle produiroit infiniment moins d’herbe que les autres endroits.

Dans quelques pays, où le nombre des fourmilieres est fort nuisible, on se sert d’un instrument fait exprès pour les couper ; c’est une bêche pointue & taillée en croissant, de maniere que tout le tranchant de la bêche fait plus que les trois quarts d’un cercle : aussi coupe-t-elle de tous côtes, & par conséquent expédie très-promptement : enfin on peut employer au même usage les instrumens particuliers qui ont été imaginés pour détruire les taupinieres. (D. J.)

Fourmiliere, s. f. (Méd.) en latin formica, maladie des paupieres. C’est une petite excroissance charnue qui croit dans l’intérieur ou l’extérieur des paupieres : cette excroissance a la base large diminuant vers le haut, calleuse, quelquefois noirâtre, mais le plus souvent rougeâtre, blanchâtre, ou de la couleur de la peau, couverte de plusieurs tubercules semblables aux grains d’une mûre ; d’où vient qu’on l’appelle encore verrue mûrale. On la nomme fourmiliere, parce que par le grand froid, ou dans certains tems, elle cause des douleurs qui imitent les picotemens des fourmis. Nous parlerons de la maniere de détruire les verrues mûrales, en traitant des autres verrues qui attaquent les paupieres, dont il importe de faire un article général. Ainsi voyez Verrue des Paupieres. (D. J.)

FOURMI-LION, s. m. formica-leo, (Hist. nat.) insecte qui a beaucoup de rapport au cloporte pour la figure du corps, & à l’araignée non-seulement par la figure, mais encore par l’instinct, par sa maniere de filer, & par la mollesse du corps. Le fourmi-lion est d’un gris sale, avec des points noirs, qui sont de petites aigrettes composées de picquans qu’on ne distingue qu’avec la loupe. Le corps est entouré de plusieurs anneaux. Cet insecte a six jambes, dont quatre tiennent à la poitrine, & les deux autres à

une partie placée au-devant de la poitrine, à l’endroit du cou. La tête est menue & plate ; elle porte deux antennes ou cornes creuses, dures, longues de deux lignes, un peu plus grosses qu’un cheveu, & crochues par le bout : à la base de chacune de ces antennes, il y a des yeux.

Le fourmi-lion ne vit que d’insectes ; il ne marche qu’en reculant & par petites secousses, ainsi il ne peut pas aller chercher sa proie ; il est obligé de l’attendre, & de dresser des embuches pour l’attirer à soi : c’est pourquoi il se place dans un sable fin & sec, contre un mur, à l’abri de la pluie ; il y creuse une petite fosse ronde & concave ; à cet effet, il commence par courber en-bas la partie postérieure de son corps, qui est pointue, & il l’enfonce dans le sable : il s’enfouit de cette maniere jusqu’à une certaine profondeur, la tête en haut : alors il jette assez loin avec ses cornes, par des mouvemens prompts & réitérés, le sable qui se trouve sur sa tête ; à mesure qu’il déplace ce sable, il en retombe de nouveau des alentours, il le jette encore ; & enfin il forme une fosse concave qui ressemble à une trémie, au centre de laquelle il reste placé la tête & les cornes en-haut. Pour faire une fosse plus grande, il décrit un cercle avec la partie postérieure de son corps en reculant, & à chaque pas il jette au loin du sable avec ses cornes, ensuite il parcourt l’aire du cercle, en suivant une ligne spirale qui fait plusieurs tours jusqu’à ce qu’il soit arrivé au centre. Il reste-là continuellement pour attendre sa proie, & souvent il l’attend pendant long-tems avant qu’elle arrive ; car il faut que quelque insecte passe sur les bords de la trémie. Comme ce terrein cede sous les piés de l’insecte, à cause de la pente & du sable mouvant, l’insecte tombe nécessairement dans la trémie, & fait rouler du sable qui va au centre sur la tête du fourmi-lion : ce mouvement l’avertit qu’il est tombé un insecte dans la trémie ; aussi-tôt il l’apperçoit, & jette avec ses cornes du sable sur cet insecte, pour le faire descendre jusqu’au centre, malgré les efforts qu’il pourroit faire pour remonter : alors il le saisit avec les extrémités de ses cornes, & le tient long-tems de cette maniere à une distance considérable de la tête, sans que l’on apperçoive, même avec la loupe, aucun aiguillon qui sorte de la tête pour sucer l’insecte. Ainsi il est à croire qu’il le suce par le moyen de ses cornes, qui sont creuses, & dans lesquelles on a vû avec le microscope un corps transparent & membraneux qui s’étend d’un bout à l’autre de la concavité de la corne. Ainsi on a observé qu’une mouche que l’on avoit donnée à un fourmi-lion, & qu’il avoit tenue pendant deux ou trois heures entre les extrémités de ses cornes, étoit devenue seche, & qu’on l’avoit réduite en poudre en la froissant entre les doigts.

Le fourmi-lion a été ainsi appellé, parce que les fourmis sont sa proie la plus ordinaire ; cependant il ne peut que les sucer ; & lorsqu’il n’en tire plus rien, il jette les restes hors de la trémie, & ensuite il se débarrasse du sable qui s’est écroulé, & il dispose de nouveau la trémie, pour y faire tomber un autre insecte : en l’attendant, le fourmi-lion se passe de nourriture. On en a garde pendant six mois dans une boîte, où ils ont vécu sans en prendre aucune.

Lorsque le fourmi-lion est parvenu à un certain âge, il ne fait plus de trémie, parce qu’il n’a plus besoin de nourriture ; il pratique alors plusieurs routes irrégulieres dans le sable, & il s’y enfonce pour se métamorphoser : il s’enveloppe, sans changer de forme, dans une coque composée de soie très-fine, d’une sorte de colle, & de sable. La soie vient de la partie postérieure, comme celle de l’araignée. La coque est grosse & ronde ; les parois intérieures sont revêtues, & pour ainsi dire, drapées d’un tissu de soie