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construire d’autres nids que de petites routes qu’elles pratiquoient sous terre ; elles se placent toûjours du côté qui est échauffé par le soleil, & elles y déposent leurs vers & leurs nymphes. Il n’a jamais trouvé dans ces fourmilieres de provisions pour l’hyver, & il pense que ces insectes ne prennent aucune nourriture dans les tems froids. Biblia naturæ, pag. 292. & suiv.

Outre l’espece de fourmi dont il vient d’être fait mention, Swammerdam en avoit vû six autres. La premiere venoit du cap de bonne Espérance : elle étoit de couleur brune foncée. Il paroît par la figure que l’auteur a fait graver, qu’elle étoit plus de trois fois aussi grande que celle qui a été décrite.

La seconde espece se trouva en Hollande ; la figure qui en a été gravée dans l’ouvrage de Swammerdam est à-peu-près de la même grandeur que celle de la fourmi mâle de l’espece ordinaire ; l’auteur n’a pas pû reconnoître si c’étoit une femelle ou une ouvriere, mais cette fourmi n’avoit point d’aîles comme les mâles, qui étoient aussi un peu plus grands ; elle avoit une couleur rougeâtre. Ce qu’il y a de plus singulier dans les fourmis de cette espece, c’est que les nymphes sont renfermées dans des coques tissues de fils, comme une sorte de toile ; ces coques étoient beaucoup plus grosses que les fourmis ouvrieres qui les transportoient.

Les fourmis de la troisieme espece étoient plus petites que les fourmis ordinaires, plus noires & plus luisantes : l’auteur les trouva sur des saules.

Celles de la quatrieme espece étoient encore plus petites, mais plus épaisses, & de couleur roussâtre.

Les fourmis de la cinquieme espece avoient le corps plus mince & plus alongé que celles de la quatrieme. L’auteur a vû les mâles : ils avoient les ailes ; mais il n’a point apperçû de mâles parmi les fourmis de la troisieme & de la quatrieme espece.

Celles de la sixieme étoient très-petites : l’auteur n’a point vû les mâles ; il a fait graver une ouvriere dont la figure n’a qu’environ une ligne de longueur ; ces fourmis étoient de couleur brune, & ressembloient aux autres par la figure du corps. On ne les voyoit que vers le milieu du mois de Juillet ; il en venoit tous les ans dans ce tems quelques centaines qui se répandoient sur le pain & sur le fromage ; passé le mois d’Octobre il n’en restoit aucune ; ces fourmis sortoient de la cave : mais l’eau y ayant séjourné pendant quelques mois, elles ne reparurent plus dans la suite.

Swammerdam ne doute pas qu’il n’y ait bien d’autres especes de fourmis ; il en donne pour exemple : 1°. des fourmis blanches qu’on lui a dit être dans les Indes orientales : elles sont plus petites que les fourmis ordinaires, & elles gâtent les provisions de bouche & les marchandises : 2°. des fourmis rouges à piés noirs qu’on lui avoit envoyées de l’île de Ternate ; elles étoient un peu plus petites que celles de la seconde espece dont il a été fait mention. On lui a dit encore que l’on avoit vû dans les grandes Indes des fourmis longues comme la premiere phalange du pouce ; que leurs fourmilieres avoient six piés de tour ; qu’elles étoient divisées au-dedans en plusieurs cellules, & qu’elles paroissoient quelquefois en partie hors de terre, & étoient d’autres fois entierement enfoüies. Biblia naturæ, pag. 266. & suiv.

Le P. du Tertre a vû dans les Antilles quatre sortes de fourmis : elles font, dit-il, des provisions dans le tems de la récolte, quoiqu’il n’y ait point d’hyver dans ce climat ; souvent elles causent un grand dommage en enlevant les graines du tabac, ou d’autres plantes en une seule nuit, aussi-tôt qu’elles sont semées. Les fourmis qui emportent ainsi les semences, sont petites, noires, & assez semblables à celles que l’on voit le plus communément en Europe ; elles sont

en si grand nombre qu’elles infectent les provisions de bouche, telles que les confitures, les viandes, les graisses, les huiles, les fruits, &c. quelquefois elles couvrent les tables, de façon qu’on est obligé de les abandonner sans pouvoir manger de ce qui a été servi ; on est aussi contraint de sortir de son lit lorsqu’elles y arrivent. Il y a deux sortes de fourmis rouges très-petites, qui ne sont pas si communes que les autres ; les fourmis de l’une de ces especes ne mordent pas, mais elles entrent dans les coffres qui renferment du linge, en si grand nombre qu’elles le tachent & le gâtent entierement ; les autres restent dans les bois sur les feuilles des arbres ; lorsqu’il en tombe sur la chair, elles causent une demangeaison très-vive.

Les fourmis les plus dangereuses sont celles que l’on appelle chiens, à cause de leur morsure qui est plus douloureuse que celle des scorpions ; mais la douleur ne dure qu’une heure au plus ; ces fourmis sont longues comme un grain d’avoine, & deux fois aussi grosses. On en trouve par-tout dans les îles, mais elles ne sont pas en si grand nombre que les autres. Hist. nat. des Antilles, tom. II. pag. 343.

Il y a au Sénégal des fourmis blanches de la grosseur d’un grain d’avoine ; leurs fourmilieres sont élevées en forme de pyramide, unies & cimentées au dehors ; elles n’ont qu’une seule ouverture qui se trouve vers le tiers de leur hauteur, d’où les fourmis descendent sous terre par une rampe circulaire. Hist. gen. des voyages, tom. II.

A Batavia les fourmis font leurs nids ou fourmilieres sur des cannes, pour éviter les inondations ; elles les construisent avec une terre grasse, & y forment des cellules. On voit sur la côte d’or en Guinée des fourmilieres au milieu des champs, qui sont de la hauteur d’un homme. Il y en a aussi de grandes sur des arbres fort élevés. Les fourmis sortent souvent de ces nids en si grand nombre, qu’il n’y a point d’animal qui puisse leur résister ; elles dévorent des moutons & des chevres, en une seule nuit il n’en reste que les os. En une heure ou deux elles mangent un poulet ; les rats ne peuvent pas les éviter ; dès qu’une fourmi a atteint un de ces animaux, il s’en trouve plusieurs autres qui se répandent sur son corps tandis qu’il s’arrête pour se débarrasser de la premiere ; enfin elles l’accablent par le nombre, & l’entraînent où elles veulent ; on a remarqué que ces fourmis ont assez d’instinct pour aller chercher du secours dans la fourmiliere lorsqu’elles ne peuvent pas emporter leur proie : les unes la gardent pendant que les autres vont à la fourmiliere, & bien-tôt il en sort une multitude.

On trouve à Madagascar des fourmis volantes qui ressemblent à celles de l’Europe ; elles laissent sur les buissons épineux une humeur gluante, ou gomme blanche, qui sert de colle & de mastic aux habitans du pays, & qui est astringente. Voyez Laque.

On appelle en Amérique fourmis de visite, celles qui marchent en grandes troupes, & qui exterminent les rats, les souris, & d’autres animaux nuisibles ; lorsqu’on voit paroître ces fourmis, on ouvre les maisons, les coffres, & les armoires, afin qu’elles puissent trouver les rats & les insectes ; elles ne viennent pas aussi souvent qu’on le voudroit, car il se passe quelquefois trois ans sans qu’il en arrive ; lorsque les hommes les irritent, elles se jettent sur leurs souliers & leurs bas qu’elles mettent en pieces. Voy. Insecte. (I)

Selon le rapport de personnes dignes de foi, il y a une espece de fourmi dans les Indes orientales qui ne marchent jamais à découvert, mais qui se font toûjours des chemins en galerie pour parvenir où elles veulent être. Lorsqu’occupées à ce travail elles rencontrent quelque corps solide qui n’est pas pour elles d’une dureté impénétrable, elles le percent, & se