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lier certains prêtres nommés par Festus strusertari, pour purifier les arbres foudroyés. Ils faisoient à ce sujet un sacrifice avec de la pâte cuite sous la cendre, comme nous l’apprend l’inscription tirée d’une table de bronze antique trouvée à Rome, & citée par nos antiquaires.

Avant cette purification, les arbres frappés de la foudre passoient pour être funestes, & personne n’osoit en approcher. Aussi dans le Trinummus de Plaute, act. iij. sc. 2. un esclave voulant détourner un vieillard d’aller à une maison de campagne, il lui dit : gardez-vous-en bien ; car les arbres y ont été frappés de la foudre ; les pourceaux y meurent ; les brebis y deviennent galeuses, & perdent leur toison.

Pline rapporte qu’il n’étoit pas permis de brûler le corps de ceux que la foudre avoit tués, & qu’il falloit simplement les inhumer, suivant l’ordonnance de Numa. En effet Festus, au mot occisum, cite deux lois à ce sujet : homo si fulmine occisus est, ei justa nulla fieri oportet ; l’autre est conçûe en ces termes : si hominem fulminibus occisit, ne suprà genua tollito ; au lieu que l’usage contraire se pratiquoit dans les funérailles ordinaires, où l’on mettoit les corps sur les genoux pour les baiser & pour les laver, comme il paroît par ces vers d’Albinovanus :

At miseranda parens suprema neque oscula fixit,
Frigida nec movit membra, tremente sinu.

Il faut, pour le dire en passant, que ce point de religion n’en fût pas un chez les Grecs, puisque Capanée, après avoir été frappé du feu de Jupiter, reçut les honneurs du bucher, & qu’Evadné sa femme s’élança dans les flammes, pour confondre ses cendres avec celles de son cher époux. Mais les Romains s’éloignerent de cette idée & en prirent une autre, dans la persuasion que les personnes mortes d’un coup de foudre avoient été suffisamment purifiées par le feu, qui les avoit privés de la vie.

Enfin on regardoit généralement tous ceux qui avoient eu le malheur de périr par la foudre, comme des scélérats & des impies, qui avoient reçû leur châtiment du ciel ; & c’est par cette raison que l’empereur Carus, qui fut plein de courage & de vertus, est mis au rang des mauvais princes par quelques auteurs.

Ce détail suffit, sans doute, pour faire connoître les égaremens de la superstition payenne ; sur laquelle Séneque observe judicieusement, que c’est une marque d’un esprit foible que d’ajoûter foi à de pareilles sotises, & de s’imaginer que Jupiter lance les foudres, qu’il renverse les colonnes, les arbres, les statues, & même ses images ; ou que laissant les sacriléges impunis, il s’amuse à brûler ses propres autels, & à foudroyer des animaux innocens. Le genre humain, quoiqu’aujourd’hui plus éclairé sur la nature & la formation de la foudre, n’est pas encore guéri de toutes ces vaines superstitions.

Cependant le lecteur curieux de morceaux de littérature sur cet article, en trouvera beaucoup dans les savans commentateurs de Pline, de Perse, de Juvénal, & de Stace ; dans Saumaise sur Solin, dans Josephe, dans Scaliger sur Varron ; dans les dictionnaires & les auteurs d’antiquités romaines. (D. J.)

Foudre, en Architecture, ornement de sculpture en maniere de flamme tortillée avec des dards, qui servoit anciennement d’attribut aux temples de Jupiter, comme il s’en voit encore au plafond de la corniche dorique de Vignole, & aux chapiteaux du portique de Septime Sévere à Rome. (P)

Foudres, (Jardinage.) ce sont des touffes très garnies qui viennent au pié des plantes qui portent des fleurs. (K)

* Foudre, (Tonnelier.) vaisseau de bois ou tonneau d’une capacité extraordinaire, & garni de cer-

cles de fer, dont on se sert en plusieurs endroits de

l’Allemagne pour renfermer le vin & le conserver plusieurs années. Voyez les art. Tonneau, Tonne.

FOUDROYANTE, adj. pris sub. les Artificiers appellent ainsi une espece de fusée qui imite la foudre.

FOUÉ, (Geog.) d’autres écrivent Foa, Fuoa, Fua, ancienne ville de la basse Egypte sur le Nil, dans un terroir agréable, à sept lieues de Rosette, & seize S. d’Alexandrie. Longit. 49. latit. 30. 40. (D. J.)

* FOUET, s. m. se dit en général de tout instrument de correction ; il y en a pour l’homme & pour les animaux. Les pénitens se fouettent ; on fouette les singes, les chiens, les chevaux. On fait donner le fouet aux enfans, dans l’âge où l’on ne peut encore se faire entendre à la raison. Fouet se dit alors & de l’instrument & du châtiment : il y a des fouets de toutes sortes de formes & d’un grand nombre de matieres : presque tous ceux dont on use pour les animaux sont terminés par une petite ficelle nouée en plusieurs endroits : c’est de cet usage que cette ficelle a pris le nom de fouet.

Fouet, (Jurispr.) est une des peines que l’on inflige aux criminels.

L’usage en est fort ancien ; il avoit lieu chez les Juifs, chez les Grecs & les Romains ; & il en est souvent parlé dans les historiens du bas empire.

Cette peine étoit reputée legere chez les Romains ; elle n’emportoit aucune infamie, même contre des hommes libres & ingénus.

En France elle est reputée plus legere que les galeres à tems, & plus rigoureuse que l’amende honorable & le bannissement à tems ; ordonnance de 1670, tit. xxv. art. 13. elle emporte toûjours infamie.

Le fouet se donne sur les épaules du criminel à nud ; autrefois on le donnoit avec des baguettes, avec des escourgées ou fouets faits de courroies & lanieres de cuir avec des plombeaux, des scorpions ou lanieres garnies de pointes de fer comme la queue d’un scorpion ; présentement on ne le donne plus qu’avec des verges, dont on frappe plusieurs coups & à différentes reprises, dans les places publiques & carrefours, suivant ce qui est ordonné.

C’est l’exécuteur de la haute-justice qui foüette les criminels hors de la prison ; mais lorsqu’un accuse detenu prisonnier n’a pas l’âge compétent pour lui infliger les peines ordinaires, ou lorsqu’il s’agit de quelque leger délit commis dans la prison, on condamne quelquefois l’accusé à avoir le fouet sous la custode, sub custodia, c’est-à-dire dans la prison : auquel cas ce n’est pas l’exécuteur de la haute justice qui doit donner le foüet, mais le questionnaire s’il y en a un, ou un geolier, ce qui est moins infamant. La Rocheflavin, liv. II. tit. x. rapporte un arrêt du parlement de Toulouse, du 6 Juillet 1563, portant qu’un prisonnier de la maison-de-ville seroit fustigé avec des verges par un sergent, & non par l’exécuteur de la haute justice, & feroit un tour seulement dans la maison-de-ville.

Autrefois en quelques endroits c’étoit une femme qui faisoit l’office de bourreau pour fustiger les femmes. Voyez ce qui en a été dit au mot Exécuteur.

Anciennement lorsque l’Eglise imposoit des pénitences publiques, le pénitent étoit fouetté jusqu’au pié de l’autel. C’est ainsi que fut traité Raymond, comte de Toulouse, petit-fils du premier de ce nom ayant été soupçonne de favoriser les hérétiques, Innocent III. mit ses terres en interdit, & les abandonna au premier occupant ; le comte implora la clemence du pape, & crut que c’étoit assez de s’être humilié ; mais le légat l’obligea de venir à la porte de l’église, & l’ayant fait dépouiller de tous ses habits à la vue d’une nombreuse populace, il le foüetta de verges jusqu’à l’autel, où il reçut l’absolution. Voyez les annales de Toulouse de la Taille.