L’Encyclopédie/1re édition/TONNE
TONNE, s. f. (Conchyliol.) en latin dolium, concha globosa, concha spherica, ou concha ampullacea, à cause qu’elle a la forme d’une bouteille. Voici ses caracteres. C’est un genre de coquille univalve, ronde en forme de tonneau, dont l’ouverture est très-large, souvent avec des dents, quelquefois sans dents. Son sommet est peu garni de boutons, & applati. Son fût est ridé, ou uni.
Rumphius a confondu la famille des tonnes sphériques avec celle des casques, qui sont de vrais murex, en appellant les tonnes, cassides leves.
Une forme ronde, enflée dans son milieu, & la tête peu garnie de tubercules avec une bouche très-évasée, marquent le caractere générique de ces testacés.
Pour mettre de l’ordre dans ce discours, on peut établir, avec M. Dargenville, cinq classes de tonnes, 1°. celles des tonnes rondes & umbiliquées ; 2°. celle des tonnes oblongues & rayées ; 3°. celle des tonnes oblongues, garnies de côtes & de boutons ; 4°. les tonnes dont la queue est alongée & faite en croissant ; 5°. les tonnes en gondole.
Dans la premiere classe des tonnes rondes & umbiliquées, on compte, 1°. la tonne blanche, mince & striée ; 2°. la tonne cannelée, entourée de petites cordelettes jaunes ; 3°. la même à petites cordelettes tachetées ; 4°. la perdrix régulierement striée & marquetée ; 5°. la tonne épaisse, blanche, toute sillonnée, & la bouche dentée ; 6°. celle qui est striée & tachetée, avec la columelle ridée.
Dans la classe des tonnes oblongues & unies, on met les especes suivantes : 1°. la tonne jaune sans mamelon ; 2°. la blanche avec un mamelon ; 3°. la couronne d’Ethiopie, qui est une tonne fauve, couronnée, avec un mamelon ; 4°. la même oblongue sans mamelon ; 5°. la tonne bariolée avec un mamelon applati ; 6°. la tonne pyramidale, creusée dans ses étages, & barriolée.
Dans la troisieme classe, composée des tonnes oblongues, garnies de côtes & de boutons, on distingue, 1°. la harpe empennée, à treize côtes couleur de rose ; 2°. la même barriolée à onze côtes ; 3°. la même nommée la noble-harpe, à cause de sa belle figure ; elle est de couleur brune, barriolée de blanc ; 4°. la même, jaunâtre, à stries profondes ; 5°. la même, rougeâtre, à quatorze côtes étroites & rouges ; 6°. la conque persique, autrement dite la pourpre de Panama, chargée de mamelons. Quand elle est polie, elle paroît toute différente, en ce qu’elle devient toute lisse, & ceinte de petites lignes blanches ; 7°. la mûre, en anglois the mullberry-shell ; 8°. la même à stries, remarquable par ses taches brunes & blanches.
Dans la quatrieme classe des tonnes, dont la queue est alongée & faite en croissant, nous avons pour especes principales ; 1°. la figue dont la tête est entierement applatie ; 2°. le radix de couleur violette ; 3°. la tonne striée couleur de citron ; 4°. la même, jaune, épaisse, à stries & boutons rangés régulierement ; 5°. la même, mais de couleur blanche.
Dans la cinquieme classe, qui sont les tonnes en forme de gondole, on recherche dans les cabinets des curieux les unes ou les autres des especes suivantes : 1°. la noix de mer, qui est une grosse gondole épaisse & d’un gris cendré ; 2°. la gondole oblongue & verdâtre ; 3°. la même, rougeâtre ; 4°. la papyracée, de couleur blanche ; 5°. la citronnée, à quatre fasces fauves ; 6°. la fauve rayée de lignes fines comme des cheveux ; 7°. la grosse gondole blanche, ombiliquée des deux côtés.
Dans le nombre de toutes ces especes, on distingue beaucoup les suivantes, sur-tout la conque persique, que bien de gens rangent parmi les porcelaines. Rondelet la place avec les buccins, & la nomme echinophora ; mais la figure extérieure s’établit naturellement dans le genre des tonnes sphériques. Il est surprenant qu’Aldrovandus, ignorant dans quelle classe de coquille il pouvoit la ranger, ait pris le parti de la mettre à la fin de son livre, comme une coquille unique.
La couronne d’Ethiopie est encore une espece fort singuliere par sa couronne formée de pointes, & par la couleur fauve qui lui est presque toujours affectée.
La harpe, qu’on appelle communément la cassandre, sans trop savoir d’où vient ce nom, est une des belles especes de tonne ; & d’ailleurs très-variée dans ses couleurs. On estime sur-tout la noble-harpe quand elle est à côtes barriolées de noir sur un fond caffé.
Les tonnes qu’on appelle la figue, & le radis, sont remarquables par leur figure alongée, en queue recourbée, & par leurs couleurs qui imitent le naturel.
Enfin la conque sphérique fasciée de couleur bleue, jaune en-dedans, & qu’on appelle le cordon-bleu, est très-rare. Elle se trouve quelquefois brune & striée. Les sauvages de l’Amérique la montent sur un pié de bois travaillé suivant leur goût, & en font un de leurs dieux, appellé Manitou.
Il est tems de parler du coquillage. Rien n’est si simple que l’intérieur de l’animal qui habite la tonne. La partie depuis la tête jusqu’à la fraise, forme une masse de cinq sacs sphériques, remplis d’une humeur blanchâtre, ou rougeâtre ; tout est lié par de petits boyaux, dont le plus long & le plus gros se termine à la queue ; une fraise dentelée est au milieu de ce long boyau.
Souvent la coquille de la tonne est mince comme celle des gondoles : cependant il y en a d’épaisses, comme celle de la conque persique, & autres ; mais l’animal est toujours le même que celui de cette conque & du buccin ; il ne differe que par sa figure extérieure, dont l’ouverture est ordinairement plus grande du double de sa largeur. La levre droite est mince & tranchante, souvent avec un repli déchiqueté qui va jusqu’en bas. Son bourrelet en-dedans est garni d’une vingtaine de petites dents ; la levre gauche au contraire est arrondie, & n’a que quatre dents. Sa tête qui est assez large, a deux cornes fort courtes de figure triangulaire, dont les yeux sont placés sur leur côté extérieur, à-peu-près vers le milieu de la tête. Il sort de sa bouche une trompe percée, & garnie de dents qui servent à l’animal à sucer la chair des autres coquillages. La membrane qui tapisse les parois de sa coquille, paroît à l’extrémité, & se replie pour former un tuyau qui passe entre les deux cornes, & qui lui sert à respirer & à se vuider. Son pié se forme en ellipse, & sort si considérablement, qu’il couvre la coquille.
La tonne fluviatile se trouve dans la Marne ; sa coquille est fort mince. Il y en a de grises, de noires & de verdies par le limon de l’eau. L’animal de cette coquille, au-moyen de sa couche baveuse terminée par un opercule, se montre quelquefois à la vue. Il sort alors de cette couche un long cou avec une tête où sont deux cornes fort courtes, & deux points noirs qui sont ses yeux ; sa bouche est fort large. On ne trouve point de tonnes terrestres vivantes. Hist. nat. éclaircie. (D. J.)
Tonne, s. f. (Mesure de continence.) grand vaisseau ou futaille de bois, de forme ronde & longue, ayant deux fonds, & qui est reliée avec des cercles ou cerceaux. La tonne a du rapport au muid pour sa figure ; mais elle est plus grande, plus enflée par le milieu, & va plus en diminuant par les bouts. On se sert de la tonne à mettre diverses especes de marchandises, pour les pouvoir envoyer & voiturer plus facilement, comme sucre, cassonnade, pelleteries, chapeaux, &c. Savary. (D. J.)
Tonne d’or, (Commerce.) en Hollande on nomme une tonne d’or la somme de cent mille florins, ce qui fait un peu plus de deux cens mille livres argent de France. En Allemagne une tonne d’or est de cent mille thalers ou écus d’empire, ce qui fait environ trois cens soixante & quinze mille livres de notre monnoie.
Tonne, se dit, dans l’Artillerie, d’un grand vaisseau de bois propre à renfermer des munitions.
Il y a des tonnes à meche qui en contiennent 3000 pesant, poids de marc ; des tonnes à sacs à terre qui contiennent 500 livres de salpêtre. Saint-Remy, Mém. d’Artillerie. (Q)
Tonne, (Marine.) grosse bouée faite en forme de barril. Voyez Bouée.
Tonnes, (Marine.) ce sont des barrils défoncés par le gros bout, dont on se sert pour couvrir la tête des mâts, quand ces mâts sont dégarnis : on les couvre aussi de prélarts. Voyez Prélarts.