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croyoient en lui comme la Cananée, ou comme le lépreux, ou comme le centenier ; mais ils n’avoient aucune idée de sa doctrine & de sa morale, que les apôtres leur enseignerent dans la suite.

Les apôtres eux-mêmes, avant les dernieres instructions que leur donna Jesus-Christ, n’avoient point la même foi, quant à l’étendue de son objet, qu’ils eurent depuis. C’est ce que prouvent les paroles de J. C. que nous avons citées plus haut, jam non dicam vos servos, &c. car elles font clairement entendre que J. C. leur avoit enseigné beaucoup d’autres choses que cette simple proposition, je suis le Messie, & même beaucoup de choses que ses disciples moins familiers & moins assidus ignoroient encore : puisque sans ces connoissances plus détaillées, ses apôtres n’auroient pas été distingues à cet égard des malades qui l’approchoient, & de beaucoup de gens dans la Judée qui le regardoient comme le Messie, du peuple qui le suivoit, & du commun de ses auditeurs qui avoient entendu & qui connoissoient une partie de sa doctrine.

D’où nous concluons que dans le nouveau Testament ces expressions croire en Jesus-Christ, avoir la foi en Jesus-Christ, reçoivent différentes significations, qu’on peut réduire aux trois principales dont nous avons fait mention.

Nous ferons à ce sujet une remarque importante : c’est faute d’avoir distingué les trois sens différens de l’expression croire en Jesus-Christ, que M. Locke dans l’ouvrage qui a pour titre, le Christianisme raisonnable, a prétendu réduire la foi chrétienne, quant à ses articles fondamentaux & nécessaires au salut, à cette seule proposition, Jesus-Christ est le Messie ; car il appuie principalement cette opinion sur plusieurs passages du nouveau Testament, où on appelle foi en Jesus-Christ cette seule persuasion de sa mission, où les prosélytes sont dits croire en Jesus-Christ, quoiqu’ils ne soient instruits encore que de ce seul point, & où les apôtres en annonçant l’Evangile, ne prêchent autre chose que ce même article.

Il me semble qu’un théologien catholique, en distinguant ces trois époques différentes de la signification des mots foi & croire, attaquera avec avantage l’opinion de cet homme célebre.

Des trois significations des mots foi & croire, employés relativement à Jesus-Christ, la derniere est celle sur laquelle nous devons nous arrêter davantage.

Le mot foi signifie assez souvent la doctrine même de Jesus-Christ, le corps des principes de la religion chrétienne. Le voisinage de ces deux notions a autorisé les écrivains ecclésiastiques à se servir de la même expression pour l’une & pour l’autre ; mais ce n’est pas ici le lieu de traiter de la foi dans cette signification. Voyez Révélation, Religion, Christianisme

Nous prendrons donc généralement le mot de foi dans tout cet article, pour la disposition d’esprit de ceux qui reconnoissent la divinité de la mission de Jesus-Christ & la vérité de toute sa doctrine. Je ne donne pas ceci pour une définition exacte de la foi ; parce que nous n’en avons pas encore la notion complete qui doit être le résultat de tout cet article : mais cette idée générale va nous guider dans la suite de cette question.

On voit dans les Ecritures, & cela se conçoit clairement, que cette disposition d’esprit que nous présente le mot foi, renferme une persuasion. D’un autre côté c’est un dogme catholique que cette disposition est une grace & une vertu. Ces trois caracteres me fourniront une division très-naturelle. Je considérerai la foi comme une persuasion, comme une grace, & comme une vertu.

De la foi considérée comme persuasion, ou plûtôt de

la persuasion que renferme la foi ; de ses motifs, de l’analyse de la foi, de son objet, de son obscurité, de sa comparaison avec la persuasion des vérités naturelles, de sa nécessité, & en même tems de son insuffisance sans les œuvres, &c.

La foi considérée comme persuasion a pour objet certaines vérités qui appartiennent à la religion chrétienne. Différentes sortes de vérités appartiennent à la religion chrétienne ; celles qui servent de fondement à tout le Christianisme, & en général à toute religion ; celles qui constatent l’authenticité de la révélation apportée par Jesus-Christ ; celles enfin que cette révélation reconnue pour authentique, consacre & enseigne aux hommes.

A quoi il faut ajoûter une vérité capitale, l’autorité infaillible de l’Eglise établie par Jesus-Christ, qui est assûrément une vérité chrétienne selon tous les théologiens catholiques, puisqu’elle entre pour beaucoup dans toute l’économie de la religion.

Les Théologiens n’ont pas distingué avec assez de soin ces différens objets de la croyance chrétienne. Ils ont défini la foi chrétienne (considérée comme persuasion), l’adhésion de l’esprit aux vérités révélées & proposées par l’Eglise comme telles.

Cette définition entendue à la lettre, tend à exclure des objets de la foi chrétienne les principes de la religion naturelle, ceux qui servent de fondement à la révélation, & même le dogme capital de l’infaillibilité de l’Eglise, pour ne laisser cette dénomination qu’aux dogmes proprement révélés & proposés par l’Eglise, exerçant l’autorité qu’elle a reçûe de Jesus-Christ.

Au fond, il est peu important qu’on accorde ou qu’on refuse le nom de foi à une croyance qui a pour objet quelqu’un de ces principes, pourvû qu’on convienne qu’ils font tous partie de la doctrine chrétienne ; mais il est essentiel de connoître les motifs de la persuasion d’un chrétien, par rapport à ces différens ordres de vérités. Cette connoissance servira à nous éclairer sur la nature de la foi chrétienne considérée comme persuasion.

Des motifs de la persuasion que renferme la foi. Il faut remarquer d’abord que nous ne regardons ici la foi qu’entant qu’elle est une persuasion raisonnée, & que nous mettons à part tout ce que l’Esprit-saint opere dans les ames ; que si on dit que cette persuasion même est produite par l’esprit saint, nous remarquerons encore que dans la doctrine catholique le saint Esprit est le principe, & non pas le motif de croire, & que nous parlons ici des motifs proprement dits de la foi chrétienne.

Le chrétien reçoit plusieurs sortes de vérités.

1°. Tous les principes de la religion naturelle ; comme l’existence de Dieu, ses attributs moraux, l’immortalité de l’ame, la différence du bien & du mal, &c.

2°. Tous les principes que l’autorité de la révélation suppose d’une maniere encore plus prochaine, comme les miracles qui ont servi à constater la mission de Jesus-Christ, les récits de sa vie, de sa mort, de sa résurrection, &c. la vérité & l’inspiration des Ecritures, où tous ces faits sont en dépôt ; en un mot tout ce qui est préalable ou parallele dans l’ordre des connoissances, à cette vérité générale, la religion chrétienne est émanée de Dieu.

3°. Le dogme de l’autorité infaillible de l’Eglise que la révélation exprime si clairement, & qui devient pour lui une regle de croyance par rapport à tous les dogmes controversés.

4°. Toutes les vérités que l’Eglise lui propose à croire. Voyons quels sont dans l’esprit d’un chrétien les motifs de la persuasion de toutes ces vérités.

Les Théologiens ont dit généralement que les vérités qui appartiennent à la foi, sont crûes par le mo-