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médiocre résistance, quelle que soit l’excellence de leur fortification. « Les remparts sont admirables ; mais le soldat est mal payé ; l’artillerie est inutile faute de poudre ; les armes sont mauvaises, & l’on en manque ; les magasins sont épuisés ; & de braves gens rendent une place qu’on estimoit imprenable, parce qu’ils sont hors d’état de la défendre : au lieu que des places sans nom sont capables d’arrêter une armée, quand elles sont bien munies ».

Il est sans doute très-difficile de changer la forme de notre fortification actuelle en une autre plus avantageuse ; mais l’impétuosité & la violence de nos siéges, demandent que l’on fasse les plus grands efforts pour mettre un peu plus d’équilibre entre l’attaque & la défense des places. Voyez Défense.

Les principales méthodes de l’art de fortifier dont on fait le plus de cas en Europe, sont celles du comte de Pagan, du baron de Coehorn, de Scheiter, & sur-tout du maréchal de Vauban. C’est de ces différentes méthodes qu’il importe d’être instruit, parce qu’elles ont été exécutées dans plusieurs places, particulierement celle de M. de Vauban, qui a fait travailler à 300 places anciennes, & qui en a fait 33 neuves.

Les autres systèmes ne peuvent guere servir qu’à l’histoire du progrès de la fortification. On donnera néanmoins ceux des ingénieurs les plus célebres dans cet article, afin de mettre sous les yeux ce qu’il y a de plus intéressant sur ce sujet, dans les meilleurs auteurs qui ont écrit sur la Fortification.

On commencera par le système d’Errard de Bar-le-duc, ingénieur du roi Henri IV. dont nous avons déjà parle. On prétend que la citadelle d’Amiens est fortifiée à sa maniere, & qu’il a construit aussi plusieurs ouvrages au château de Sedan.

Systeme d’Enard. Cet auteur ayant remarqué quelle étoit l’importance du flanc des bastions dans les sieges, pour défendre le pié des breches & le passage du fossé, s’appliqua à chercher une construction qui le cachât à l’ennemi ; il la trouva, en imaginant de faire le flanc perpendiculaire à la face du bastion : de cette maniere il rentre en-dedans le bastion, & il se dérobe à l’ennemi. Mais il a aussi l’inconvénient de ne pouvoir rien découvrir, & par conséquent de ne contribuer, pour ainsi dire, en rien à la défense de la place. Ce défaut, qui a été remarqué de tous les ingénieurs qui sont venus ensuite, a fait abandonner la construction d’Errard. Cette construction n’est pas fort utile à connoître aujourd’hui : cependant on la joint ici en faveur de ceux qui sont bien-aises de voir d’une maniere sensible les différens degrés par lesquels la fortification est parvenue dans l’état où elle est actuellement.

Construction d’Errard de Bar-le-duc. Soit AB le côté d’un exagone (Planc. II. de la Fortific. fig. 1.), dont le centre est O : tirez les rayons obliques OA, OB, & les lignes AC, BD, qui fassent avec ces rayons les angles OAC, OBD, chacun de 45 degrés : divisez l’un de ses angles, comme OAC, en deux parties égales, par la ligne droite AD, qui terminera la ligne de défense AD, au point D : prenez la grandeur de cette ligne BD, & portez-la sur AC : par les points C & D, tirez la courtine DC ; & enfin des points D & C, tirez les perpendiculaires DE, CF, sur les lignes de défense AC, BD, elles seront les flancs des demi-bastions du front AB. Faisant les mêmes opérations sur les autres côtés de l’exagone, il sera fortifié à la maniere d’Errard.

Comme il n’y a aucune ligne dont la quantité soit déterminée par cette construction, on peut supposer la ligne de défense BD de 120 toises : ainsi faisant une échelle de cette quantité de toises avec cette ligne,

on connoîtra par son moyen la valeur de toutes les autres lignes de cette fortification.

Errard ne prend point la ligne de défense pour l’échelle de sa construction, mais le flanc de chacun de ses polygones. Dans l’exagone il suppose son flanc de 16 toises, de 19 dans l’eptagone, & de 21 dans l’octogone. Il est plus commode de supposer tout-d’un-coup la ligne de défense de 120 toises, pour éviter ces différentes suppositions.

Pour décrire le fossé dans ce système, on prend la grandeur du flanc CF ; puis du point B & de l’inter valle CF, on menera également une parallele à la face du bastion BF ; on menera également une parallele à la face AE, & l’on aura le fossé tracé ; après lequel on construira le chemin-couvert & le glacis. Voyez Chemin-couvert.

Errard enseigne aussi à construire des orillons sur les flancs ; il leur en faisoit occuper les deux tiers, ce qui achevoit d’anéantir, pour ainsi dire, tout son flanc déjà trop petit & trop rentrant dans le bastion, pour s’opposer efficacement au passage du fossé.

Systeme de Marolois, appellé communément le système des Hollandois. Marolois a été fort célebre chez les Hollandois. Sa méthode a été regardée comme celle qu’ils avoient adoptée particulierement. On trouve dans cette méthode les flancs d’Errard corrigés. L’auteur, pour leur faire découvrir plus facilement le fossé, les fait perpendiculaires à la courtine. Il a pour principe de conserver du feu de courtine, c’est-à-dire de faire ses lignes de défense fichantes, & de former autour du rempart de la place & sur le bord intérieur du fossé, une basse enceinte appellée fausse braie. Voyez Fausse Braie.

Pour fortifier un exagone à sa maniere, on commencera par tirer une ligne indéfinie AB (Plan. II. de la Fortification, fig. 2.) ; on fera au point A l’angle BAO égal à la moitié de j’angle de la circonférence de l’exagone, c’est-à-dire de 60 degrés ; & comme, suivant Marolois, l’angle flanqué de l’exagone doit avoir 80 degrés, le demi-angle flanque en aura 40 : on fera donc l’angle diminué BAD de 20 degrés. On prendra sur AD, AE, de 48 toises ou de 24 verges, la verge valant 12 piés ou deux toises. Du point E, on menera sur AB la perpendiculaire EN ; on portera, si l’on veut avoir une fausse braie à la place, 64 toises de N en I, & 72, si l’on ne veut point de cette basse-enceinte, pour la longueur de la courtine. On prendra après cela IB égale à AN ; on élevera au point I la perpendiculaire IL, égale à NE ; & menant la ligne LB, elle fera la face du demi-bastion opposé à AE. On tirera ensuite OB, qui fasse avec AB l’angle ABO de 60 degrés. Au point E & sur NE prolongée, on fera l’angle BEF de 55 degrés ; le côté EF de cet angle coupera OA dans un point F, duquel on menera FM parallele à AB. On prolongera les perpendiculaires NE, II, jusqu’à la ligne FM, & l’on aura EG & LH pour les flancs des demi-bastions construits sur le côté extérieur AB, GH, en sera la courtine. On achevera ensuite le principal trait de la fortification proposée, en décrivant un cercle du centre O & du rayon OA ou AB, dans lequel on inscrira l’exagone ; on en fortifiera chaque côté de la même maniere que le côté AB ; ou si l’on veut plus facilement, en se servant de toutes les mesures déterminées sur le front AB.

La ligne magistrale de cet auteur étant ainsi tracée, on lui menera en-dedans & à la distance de 20 piés, une parallele pour terminer la largeur du parapet. On menera aussi une parallele à la même du tance, mais en-dehors du polygone ; elle donnera la largeur du terre-plein de la fausse braie. Et enfin une autre parallele à cette ligne & en-dehors à la même