Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vres, &c. il s’engage dans le cordon, coule entre les deux arteres en conservant encore la forme du canal, quitte le cordon pour s’étendre à droite & à gauche, & former de chaque côté un grand sac qui occupe toute une corne de la matrice à laquelle il est attaché par une petite appendice, & qui a la figure d’un gros boudin ; ainsi on ne peut pas douter qu’il ne soit le réservoir de l’urine du fœtus, & on le nomme en conséquence membrane allantoïde. Voyez Cordon, Ouraque & Allantoide.

Quant à l’eau que renferme l’amnios, & dans laquelle le fœtus nage, quelle en est la source ? s’y renouvelle-t-elle ? y a-t-il dans les membranes qui la contiennent des organes propres à la séparer ? distille-t-elle des vaisseaux exhalans, & est-elle reprise par des vaisseaux absorbans de toute la surface qu’elle touche ? sert-elle de nourriture au fœtus ? Ce sont de ces questions qui, après bien des discussions, n’ont pas encore acquis toute la clarté nécessaire pour n’y plus laisser aucun doute. Nous nous contenterons donc de dire que le fœtus se meut facilement de côté & d’autre, & que ce bain naturel le met à couvert des injures extérieures, en éludant la violence des coups que la femme grosse peut recevoir sur le ventre ; & il défend aussi, par la même raison, la matrice des secousses & des frotemens causés par les mouvemens du fœtus ; enfin ces eaux servent à faciliter la sortie de l’enfant dans le tems de l’accouchement, en rendant les passages plus souples.

Ainsi le fœtus croît dans sa prison jusqu’au tems où, semblable à une espece de fruit parvenu à sa maturité, les membranes qui l’environnent se rompent, les eaux coulent, & il enfile la route qui le conduit à la lumiere ; & s’il sortoit de la matrice sans que ces membranes se rompissent, il ne laisseroit pas de vivre en le plongeant dans l’eau, ou au-moins en faisant ensorte qu’il pût se conserver comme il étoit dans la matrice ; si bien que s’il étoit placé dans un milieu d’où les racines du placenta pussent tirer un suc propre à les nourrir, il vivroit dans cet état hors de la matrice, comme il y vivoit renfermé, sans respirer : mais il n’en est pas de même une fois qu’il a respiré ; car je ne crois pas que malgré la disposition de ses organes intérieurs, il pût s’y soûtenir long-tems. Voyez Respiration.

Il y a donc dans le fœtus quelque construction particuliere convenable à la vie qu’il mene dans le sein de sa mere. Il a un canal qui communique de la veine-porte à la veine-cave inférieure : on y trouve un trou de communication de l’oreillette droite du cœur à l’oreillette gauche, garni d’une soupape qui permet bien au sang de cette oreillette de passer dans la gauche, mais qui empêche, ou au-moins ne permet pas avec autant d’aisance, au sang de l’oreillette gauche de passer dans la droite ; ce trou est nommé trou ovale. On voit encore un canal qui communique de l’artere du poumon à l’aorte descendante, sous le nom de conduit artériel. Voyez Aorte, Cœur, &c.

Pour bien entendre les usages de ces parties, il faut remarquer, dit M. Duverney, que le sang de la veine-porte du fœtus coule fort lentement : premierement, parce qu’il n’est point battu ni comprimé par les mouvemens de la respiration ; deuxiemement, parce qu’il va d’un petit canal dans un grand ; troisiemement, parce qu’à chaque respiration de la mere, le placenta est comprimé de maniere que le mouvement des liqueurs qu’il contient en est augmenté, & par conséquent celui du sang de la veine ombilicale ; quatriemement, parce que ce sang est très-vif & très-fluide, tant parce qu’il se mêle immédiatement avec celui des arteres ombilicales qu’avec celui de la mere, qui doit être en quelque sorte comparé au sang de la veine du poumon des adultes, c’est à-dire qu’il est impregné de toutes les particules

d’air destinées pour vivifier le sang du fœtus, & chargé de tous les sucs qui peuvent être employés pour sa nourriture & pour son accroissement.

Cela posé, il est aisé de concevoir que le sang de la veine ombilicale étant plus vif, plus fluide, & poussé avec plus de force que celui qui coule dans celui de la veine-porte, il en doit passer une portion considérable au-travers de ce sinus, dans l’embouchure du conduit veineux qui est fort court, sans aucun rameau, & qui se présente presque directement pour le recevoir. Il y a lieu de croire que le sang de la veine-porte ne peut pas beaucoup se détourner de sa route, parce que deux liqueurs, qui sont poussées par un canal commun avec des vîtesses inégales & des directions différentes, ne se mêlent pas parfaitement, & celle qui va plus vîte s’éloigne moins de sa premiere direction.

Il y a lieu de croire que la portion de ce sang qui se mêle avec celui de la veine-porte, sert à la rendre plus propre à la filtration de la bile.

Voilà par quelle adresse la nature fait passer les sucs nourriciers de la mere dans la veine-cave inférieure du fœtus, & de-là dans le cœur, qui est tout proche de l’insertion de ce conduit ; ce qui nous donne lieu de remarquer que comme tout ce qu’il y a de plus nécessaire à la vie & à la nourriture du fœtus, est renfermé dans le sang de la veine ombilicale, ainsi qu’il a été dit, la nature lui a frayé un chemin le plus court & le plus facile qui lui étoit possible pour le faire entrer dans le cœur, qui distribue ensuite cette liqueur si importante à toutes les parties du fœtus : car en faisant passer ce sang par ce conduit veineux qui, quoique très-court, prolonge, pour ainsi dire, la veine ombilicale jusqu’à l’entrée du cœur ; elle évite l’embarras d’une très-longue & très-pénible circulation, qui se feroit au-travers de la substance du foie. Examinons à-présent quel est l’usage du trou ovale.

On vient de faire voir qu’une portion considérable du sang de la veine ombilicale se jette dans la veine-cave inférieure, où il se mêle encore avec celui qui revient par cette veine-cave. Ce sang s’avance vers le cœur ; & là, rencontrant le trou ovale dont on vient de parler, il oblige sa soupape par son poids & son impulsion à se tenir ouverte, & à le laisser passer pour la plus grande partie dans le tronc de la veine du poumon, de-là dans le ventricule gauche ; ce qui fait qu’il y passe avec facilité & autant que l’ouverture du trou peut le permettre, c’est que dans le fœtus humain, il y a un rebord membraneux, qui regnant transversalement le long de la partie supérieure du trou ovale, détermine une partie du sang de la veine-cave inférieure à passer par ce trou. Dans les animaux à quatre piés, la digue qui est entre les deux veines-caves, fait un rebord précisément au-dessus du même trou ; ce qui fait que le sang qui monte par la veine-cave inférieure, & qui va heurter contre cette digue, trouve une très-grande résistance qui le détermine à passer facilement par le trou ovale : car par ce choc, le sang venant à rencontrer celui qui remonte, pose plus long-tems sur la soupape qu’il fait baisser, non seulement par son poids, mais encore en revenant de la digue sur lui-même. Ce qui facilite encore le passage du sang de la veine-cave inférieure par le trou ovale, c’est que la soupape a une entiere liberté de se baisser, ne trouvant que peu de résistance de la part du sang qui revient dans le tronc de la veine du poumon ; tant à raison de la situation & de la direction de cette même soupape, qui est placée à la partie supérieure de ce tronc, c’est-à-dire dans l’endroit où le sang qui y coule fait le moins d’effort ; que parce qu’il en passe moins dans la vei-