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re y est traitée d’une maniere très-instructive, toutes les difficultés y sont éclaircies ; l’expérience & la théorie s’y prêtent un appui mutuel. (Y)

* FORCER, v. act. (Gramm.) ce mot pris au simple a un grand nombre d’acceptions différentes. C’est surmonter une résistance par un emploi violent des forces du corps : c’est ainsi qu’on force une porte, un retranchement, &c. Forcer un cerf, c’est l’épuiser par une longue poursuite, afin de le prendre vif. On force une clé ou une serrure, quand on en dérange par effort le méchanisme. On force de voiles, de rames, en les multipliant autant qu’il est possible pour augmenter la vîtesse d’un bâtiment. On force à la paume, au billard, à beaucoup de jeux de cette nature, en déployant à un coup toute sa force. On force à un jeu de cartes, en obligeant certaines cartes à paroître, ou un joüeur à joüer en certaines circonstances déterminées. Forcer se dit au figuré d’une détermination de la volonté par des motifs qui donnent quelque chagrin, & sans lesquels elle se seroit autrement déterminée. Il me forcera quelques jours, par le trouble qu’il me cause, à lui parler durement. Forcer son esprit, son génie, son talent, c’est s’appliquer à des choses pour lesquelles on n’étoit point né. Un style est forcé par une singularité de constructions ou d’expressions qui a peiné l’auteur, & qui peine le lecteur. Forcer la recette, c’est passer en recette plus qu’on n’a reçû. Voyez dans les articles suivans d’autres acceptions du même mot.

Forcer un Cheval, (Manége.) c’est en outrer l’exercice ; c’est le surmener ; c’est l’estrapasser ; c’est exiger de lui des actions au dessus de sa capacité & de ses forces ; c’est le solliciter encore durement & rigoureusement à des mouvemens dont l’exécution ne lui coûte ou ne lui est impossible, que parce que le moment où on l’y invite est précisément l’instant où ses membres ne sont en aucune maniere disposés à l’action à laquelle on voudroit le conduire. Voyez Tems. (c)

Forcer la main, (Manége.) c’est de la part de l’animal en fuir non-seulement l’obéissance, mais chercher à se soustraire entierement à ses effets, & en vaincre réellement la puissance.

Cette action peut être placée au rang des plus dangereuses défenses, sur-tout lorsque le cheval en a contracté l’habitude.

La trop grande sensibilité d’une bouche importunée & même offensée, une sujétion ou excessive ou trop constante, des entreprises peu réfléchies & au-dessus des forces & de la capacité de l’animal, un caractere & une nature rébelle, des sentimens rigoureux, mérités en apparence, mais plus propres à irriter & à révolter qu’à produire un changement qu’on ne devoit attendre que de la patience & de la douceur ; telles sont les causes ordinaires du vice dont il s’agit.

Tout cheval qui force la main, tire communément ou en s’encapuchonnant, ou en roidissant le cou & en portant au vent.

Celui qui s’arme peche le plus souvent par le défaut de legereté, par le défaut de bouche, par la mauvaise conformation de son devant presque toûjours foible, bas & chargé ; & celui qui porte au vent, par la trop grande délicatesse des parties exposées à l’impression du mors.

Ce n’est pas dans une allure extrèmement prompte & pressée que l’un & l’autre forceront la main : il est même assez rare que dans l’action du pas ils tâchent de se rédimer ainsi de toute contrainte ; mais le trot & le galop semblent leur en faciliter plus particulierement les moyens.

Toutes les leçons que j’ai prescrites en parlant du cheval qui fuit avec fougue & avec impétuosité, malgré les efforts que l’on fait pour le retenir, voyez

Emporter (s’) tous les principes que j’ai établis relativement à celui qui s’arme, voyez Encapuchonner (s’) & relativement à des bouches égarées (voyez Egarée) doivent être ici mis en usage pour corriger l’animal de cette défense.

Je ne conseillerai point de recourir, à l’exemple de quelques écuyers, à toutes les voies de rigueur, de solliciter des chevaux vifs & vigoureux à des courses longues & furieuses, de les pousser jusqu’à perte d’haleine, de les extrapasser entre des piliers ou vis-à-vis d’un mur quelconque, de leur lier les testicules avec un ruban de laine ou de soie auquel on a pratiqué un nœud coulant, & de tirer ce même ruban avec force au moindre mouvement qui annonce leur desobéissance, &c. de pareils préceptes, dont l’exécution est infiniment périlleuse, sont écrits, il est vrai, dans des ouvrages qui ont jour de la plus grande réputation, mais ils ne sauroient en imposer qu’à des hommes dépourvûs de toute lumiere, & ils confirment ceux qui sont éclairés dans la persuasion où ils sont que le plus beau nom n’est souvent dû qu’à la fortune de celui qui l’acquiert, & qu’à l’aveuglement d’une multitude d’ignorans qui décident.

Les seules ressources que se permet un véritable maître, sont celles qui émanent du fond de l’art, que le raisonnement suggere, & dont l’expérience garantit toûjours le succès.

Nul cheval ne peut forcer la main, si elle n’est dans une certaine opposition avec sa bouche : ainsi une main extrèmement legere, & qui à peine imprimera sur cette partie une sorte d’appui, ne fournira certainement à l’animal aucun prétexte à la résistance. Je conviendrai néanmoins que le vice dont il est question peut être tellement enraciné, que le cheval qui ne se sentira, pour ainsi dire, ni captive ni retenu, profitera peut-être de l’espece de liberté qu’on lui laisse pour se déplacer de l’une ou de l’autre maniere, & pour se dérober ou pour fuir ; mais si le cavalier d’ailleurs instruit de la justesse des proportions qui constituent la science & l’habileté de la main, est attentif à prévenir cette action, ou plûtôt s’il en saisit subtilement le moment précis, en élevant & en éloignant sa main de son corps dans le cas où le cheval voudra s’armer, ou en la mettant près de soi & en la baissant dans celui où il entreprendra de sortir de la ligne perpendiculaire en-avant, il rendra incontestablement la tentative de l’animal inutile.

Nous devons encore supposer que ce tems si nécessaire à rencontrer lui a échappé : le cheval s’encapuchonne, il fuit : alors on ne doit pas le renfermer sur le champ ; il importe au contraire de diminuer promptement le point d’appui leger que l’on tenoit, pour en revenir ensuite au mouvement de la main que je viens de prescrire, & pour rendre & reprendre de nouveau : car le passage subit de ce même point d’appui à un autre qui contraindroit davantage l’animal, lui présenteroit une occasion de faire effort contre la main, de la forcer, & d’en détruire les effets.

Il en est de même du cheval qui s’emporte en tendant le nez ; si le cavalier ne rend dans le moment, l’animal fuira toûjours, il résistera sans cesse & de plus en plus ; tandis que s’il n’est d’abord en aucune façon captivé, il se replacera de lui-même ; & si dans cet instant le cavalier renferme le cheval, cette action seule faite à propos suffira pour l’arrêter. Tout dépend donc ici du tems où l’on doit agir, & non d’une force d’autant plus mal-à-propos employée, qu’elle ne peut jamais être supérieure, & qu’elle ne sert qu’à accroître la défense, bien loin de la réprimer ; & c’est ainsi que l’homme de cheval en triomphe, sauf à châtier d’ailleurs l’animal cole-