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pecunia, est un prêt que l’on fait d’une somme d’argent à gros intérêt, comme au denier quatre, cinq, six, ou autres qui excede le taux de l’ordonnance, à quelqu’un qui va trafiquer au-delà des mers, à condition que si le vaisseau vient à périr, la dette sera perdue.

Ces contrats sont admis en France nonobstant le chapitre dernier aux décrétales de usuris, dont la décision n’a point été suivie par nos théologiens. Ils sont aussi autorisés par l’ordonnance de la Marine, liv. III. tit. v. La raison qui fait qu’on ne les regarde pas comme usuraires, est tant par rapport aux gains considérables, que peut faire celui qui emprunte pour le commerce maritime, qu’à cause du risque que court le créancier de perdre son argent : c’est d’ailleurs une espece de société dans laquelle le créancier entre avec celui auquel il prête.

Les contrats à grosse-avanture peuvent être faits devant notaire ou sous seing-privé.

L’argent peut être prêté sur le corps & quille du vaisseau, sur agrêts & apparaux, armement & victuailles, conjointement & séparément, & sur le tout ou partie de son chargement pour un voyage entier, ou pour un tems limité.

Il n’est pas permis d’emprunter sur le navire ou sur le chargement au-delà de leur valeur, à peine d’être contraint en cas de fraude au payement des sommes entieres, nonobstant la perte ou prise du vaisseau.

Il est aussi défendu sous même peine, de prendre des deniers sur le fret à faire par le vaisseau & sur le profit espéré des marchandises, même sur les loyers des matelots, si ce n’est en présence & du consentement du maitre, & au-dessous de la moitié du loyer.

On ne peut pareillement donner de l’argent à la grosse, aux matelots sur leurs loyers ou voyages, sinon en présence & du consentement du maître, à peine de confiscation du prêt & de 50 liv. d’amende.

Les maîtres sont responsables en leur nom du total des sommes prises de leur consentement par les matelots si elles excedent la moitié de leurs loyers, & ce nonobstant la perte ou prise du vaisseau.

Le navire, ses agrêts & apparaux, armement & victuailles, même le fret, sont affectés par privilége au principal & intérêt de l’argent prêté sur le corps & quille du vaisseau pour les nécessités un voyage, & le chargement au payement des deniers pris pour le faire.

Ceux qui prêteront à la grosse au maître dans le lieu de la demeure des propriétaires, sans leur consentement, n’auront hypotheque ni privilége que sur la portion que le maître pourra avoir au vaisseau & au fret, quoique les contrats fussent causés pour radoub ou victuailles de bâtiment.

Mais les parts & portions des portions des propriétaires qui auroient refusé de contribuer pour mettre le bâtiment en état, sont affectées aux deniers pris par les maîtres pour radoub & victuailles.

Les deniers laissés pour renouvellement ou continuation, n’entrent point en concurrence avec ceux qui sont actuellement fournis pour le même voyage.

Tous contrats à la grosse demeurent nuls par la perte entiere des effets sur lesquels on a prêté, pourvû qu’elle arrive par cas fortuit dans le tems & dans les lieux des risques.

Les prêteurs à la grosse contribuent à la décharge des preneurs aux grosses avaries, comme rachats, compositions, jets, mâts & cordages coupés pour le salut commun du navire & des marchandises, & non aux simples avaries ou dommages particuliers qui leur pourroient arriver, s’il n’y a convention contraire.

En cas de naufrage les contrats à la grosse sont réduits à la valeur des effets sauvés.

Lorsqu’il y a contrat à la grosse, & assûrance sur un même chargement, le donneur à la grosse est préféré aux assureurs sur les effets sauvés du naufrage pour son capital seûlement.

Il y a encore plusieurs regles pour ces contrats, que l’on peut voir dans l’ordonnance. Voyez aussi la loi 4. ff. de nautico fœnore, & la loi 1. cod. codem. (A)

GROSSESSE, s. f. (Econom. anim. Medec.) c’est le terme ordinaire que l’on employe pour désigner l’état d’une femme enceinte, c’est-à-dire d’une femme dans laquelle s’est opérée l’ouvrage de la conception, pour la production d’un homme, mâle ou femelle, quelquefois de deux, rarement d’un plus grand nombre.

On entend aussi par le terme de grossesse, le tems pendant lequel une femme qui a conçu, porte dans son sein l’effet de l’acte de la génération, le fruit de la fécondation ; depuis le moment où la faculté prolifique a été réduite en acte, & où toutes les conditions requises de la part de l’un & de l’autre sexe, concourent dans la femme, & commencent à y jetter les fondemens du fœtus, jusqu’à sa sortie.

Il suffit pour caractériser la grossesse, que ce qui est engendré prenne accroissement ou soit présumé pouvoir le prendre (dans les parties qui sont susceptibles de le contenir, mais ordinairement dans la matrice, rarement dans les trompes, & hors des parties de la génération), au point de procurer au bas-ventre une augmentation de volume, de le rendre plus renflé, plus grès, qu’il n’est ordinairement. Ainsi il n’y a pas moins grossesse, soit que le germe reste parfait, ou qu’il devienne imparfait dans sa formation, dans son développement, & dans celui de ses enveloppes : les cas où il ne se forme que des monstres, des moles, de faux-germes, qui prennent néanmoins un certain accroissement, constituent toûjours de vraies grossesses.

L’état où les germes restent enfermés, se nourrissent & croissent dans le sein des femelles de tous les animaux vivipares, comme dans l’espece humaine, a beaucoup de rapport avec l’incubation des ovipares ; il peut être regardé lui-même comme une véritable incubation qui se fait au-dedans du corps des femelles pour la même fin que celle des ovipares se fait au-dehors. Le fœtus humain, comme celui de tous les vivipares, prend son accroissement dans le ventre de sa mere pour acquérir des forces, qui lui donnent le moyen d’en sortir, & de pouvoir subsister hors d’elle, d’une maniere convenable aux dispositions qu’il a acquises ; de même que le poulet couvé dans l’œuf, s’y nourrit & y grossit, jusqu’à ce qu’il soit assez fort pour en sortir & pour travailler ultérieurement à sa nourriture & à son accroissement d’une maniere proportionnée à ses forces. Voyez Génération, Fœtus, Incubation.

L’exposition de ce qui se passe pendant la grossesse, n’étant donc que l’histoire de la formation du fœtus humain, de son développement, de la maniere particuliere dont il vit, dont il se nourrit, dont il croît dans le ventre de sa mere, & dont se font toutes ces différentes opérations de la nature à l’égard de l’un & de l’autre ; c’est proprement l’histoire du fœtus même qu’il s’agiroit de placer ici, si elle ne se trouvoit pas suffisamment détaillée en son lieu. Voyez Fœtus. Ainsi il ne reste à traiter dans cet article, que des généralités de la grossesse, & de ce qui y est relatif ; savoir, des signes qui l’annoncent, de sa durée, des causes qui en déterminent les différens termes naturels & contre-nature ; & ensuite du régime qu’il convient aux femmes d’observer pendant la grossesse, des maladies qui dépendent de cet état, & de la cure particuliere dont elles sont susceptibles. Cela posé, entrons en matiere, suivant l’ordre qui vient d’être établi.