MM. Stahl & Cramer, ont été embarrassés d’expliquer pourquoi une mine de fer étoit attirable par l’aimant après la calcination : ce phénomene cependant s’explique par celui qui précede ; mais le feu instrument & le feu principe sont-ils le même ? Le fer qui fait exception dans ce cas avec tous les corps connus, semble l’insinuer : sont-ils différens ? c’est ce qui paroît par la réduction des autres chaux métalliques. On a beau les tenir dans un creuset fermé toutes seules, elles ne prennent pas, comme le fer, la matiere du feu qui passe à-travers le creuset : il leur faut le contact d’un corps charbonneux ; & elles veulent être tenues dans les vaisseaux fermés. La considération de ces phénomenes porteroit à croire que le fer ne s’accommode que d’un phlogistique pur, tandis que les autres corps métalliques semblent demander un phlogistique uni à un autre corps, dont la présence ne peut être que soupçonnée. Mais si l’on admettoit cette conjecture, comment la concilier avec ce qui se passe dans la calcination du plomb ? La chaux de plomb pese plus qu’il ne pesoit auparavant ; & il n’y a pas d’apparence que le phlogistique qu’on soupçonne uni à un autre corps, pese moins que le phlogistique pur qui paroît chasser le premier, pour s’introduire à sa place sous une différente combinaison, & peut-être selon celle qui se fait dans le fer : car le fer converti en acier par lui-même augmente de poids ; il est vrai qu’il n’a pas été préalablement calciné. Parlons du feu comme instrument.
Nous avons placé le feu à la tête des fondans ; c’est en effet l’instrument qui divise les corps, les résout, & les rend par-là miscibles avec les autres. Tous les fondans sont des menstrues secs, c’est-à-dire des corps durs composés de parties liées entre elles, & formant un tout qui résiste à sa séparation : ils ne peuvent agir sur les autres, tant qu’ils resteront sous cette forme ; il leur faut donc un agent qui change cet état, & leur donne une division & une atténuation capables de leur faire pénétrer les pores de ceux qu’ils peuvent dissoudre ; cet agent c’est le feu : appliqué aux sels & aux métaux avec la force requise pour chacun d’eux en particulier, & selon l’art que nous détaillerons aux articles Fourneau & Vaisseau ; il s’insinue à-travers leurs pores, les dilate, desunit leurs molécules intégrantes, & souvent les principes constituant ces molécules, & les fait rouler les unes sur les autres, comme celles d’un fluide auquel ils ressemblent pour lors. En pareille circonstance, il faut le regarder comme un fluide actif qui se mêle intimement & uniformément avec les corps qu’il pénetre, & qui en est divisé mutuellement : on ne peut mieux comparer sa présence dans un corps qu’il rend fluide, qu’à celle d’un grain d’or qu’on a fondu avec cent mille grains d’argent pur. La Docimastique nous démontre que chaque grain de cet argent contient une quantité d’or proportionnelle, c’est-à-dire un cent-millieme de grain d’or : la division de cet or sera encore plus grande, si on le mele avec une plus grande quantité d’argent ; & l’on n’en connoît point les bornes : il faut que le feu réduise cet or à ses molécules intégrantes ; ces molécules doivent être d’une finesse extraordinaire, pour qu’elles puissent se distribuer uniformément dans toute la masse de l’argent. Quelle doit donc être la finesse du corps qui a eu la faculté de les desunir, & de les porter par toute la masse qu’il a parcourue, ébranlée & bouleversée ? Mais il n’est pas nécessaire, pour que cette distribution uniforme du feu dans le corps le plus dur, ait lieu, que ce corps en soit dissous, c’est-à-dire que ses élémens soient séparés les uns des autres, pour lui laisser le passage libre : il est aussi uniformément distribué dans celui qu’il ne commence qu’à échauffer au-dessus du degré de la glace. Quelle prodigieuse finesse ne suppose pas, à plus for-
les pores resserrés de ces corps ? Cette derniere considération porte à croire que rien n’échappe à son action.
Il est vrai que les molécules des métaux les plus durs résistent à leur desunion ; & la preuve en est tirée de la figure globuleuse qu’ils s’efforcent de garder, comme le mercure, dans le tems même que le feu produit l’action contraire : mais l’exercice de cette force est au moins diminué, pour ne pas dire absolument interrompu, tant que dure la même violence du feu. Il n’est pas possible de méler intimement deux ou plusieurs masses quelconques, qu’elles ne soient dissoutes en leurs molécules intégrantes. Que devient donc cette prétendue cohérence qu’on avoit soupçonnée résister à la séparation des élémens, quand un corps divisé & poussé par l’activité du feu, se glisse avec un autre entre des parties dans lesquelles on avoit soupçonné une résistance à leur séparation ?
C’est donc au feu, comme seul instrument de la division des corps, qu’on doit attribuer l’exercice de cette disposition qu’ils ont à se dissoudre les uns les autres : c’est à lui qu’on doit la production de ces phénomenes merveilleux qui naissent de la combinaison de plusieurs substances. Qui pourroit refuser le titre d’agent universel de la nature, à cet être qui en est le principe vivifiant ?
L’expérience a appris que tous ou presque tous les sels étoient des fondans : ainsi le borax, le nitre, le sel ammoniac, le sel gemme, ou le sel marin, les vitriols, le mercure sublimé corrosif, les deux alkalis fixes, le soufre & son foie, le sel de Glauber, le tartre vitriolé, le sel fusible de l’urine, & enfin la plûpart des sels composés d’acides devenus concrets par une base quelconque, sont des fondans. Voyez Sel. Les uns ne mettent en fonte que quelques substances connues jusqu’ici ; les autres y en mettent plusieurs : ceux-ci agissent par un de leurs principes seulement, ceux-là par tous les deux. Ils exercent leurs actions sur les terres, les pierres, les verres, les demi-métaux, les métaux, leurs chaux, leurs précipités, leurs verres, & toutes ces matieres sur elles-mêmes. De ce nombre prodigieux de substances il naît une foule de combinaisons dont on peut s’assûrer qu’on ne connoît encore que le plus petit nombre, quelque grand que soit celui qui a été tenté jusqu’ici. Mais si l’on ne connoît que la moindre partie des combinaisons qui peuvent être faites sur les substances connues, quelle espérance de parvenir à la connoissance de celles qui existent peut-être inconnues dans le sein de la nature, & de celles que l’art peut produire ? On trouve un grand nombre de ces combinaisons dans différens ouvrages, & particulierement dans la Lithogéognosie, si on les considere en elles-mêmes, & par le travail qu’elles ont dû coûter. Mais si on vient à les comparer avec ce qui reste à faire, la carriere est immense ; & ces ouvrages, & principalement celui de M. Pott, semblent n’exister que pour accuser la briéveté de la vie. Quelle foule de réflexions accablantes ne doit pas offrir l’exercice de plusieurs genres, si un seul suffit pour cela ?
Il y a des corps qui se fondent par eux-mêmes, & dont l’addition d’un autre corps ne fait qu’accélérer & faciliter la fusion : tels sont tous les métaux & demi-métaux, les métaux parfaits dont l’aggrégation seroit rompue en molécules, à-travers lesquelles il n’y auroit aucune impureté, la plûpart des sels, toutes les terres & les pierres vitrescibles ; bien entendu que cette addition change leur nature, si elle s’unit avec eux : on peut conséquemment s’en passer.
D’autres n’entrent en fonte que par un intermede absolument nécessaire : dans ce rang on place les métaux parfaits, dont l’aggrégation est rompue, & dont les molécules ne peuvent avoir de contact mu-