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fâcheux, souvent occasionnés par la négligence d’un cavalier, qui, en descendant de cheval, les laisse imprudemment dans la position où ils se trouvent. Il peut arriver en effet que l’animal tourmenté & inquiété par les mouches, & cherchant à s’en délivrer, engage l’un de ses piés de derriere dans l’étrier, & s’estropie dans les mouvemens qu’il fait pour le débarrasser. Quelques cavaliers les relevent sur la selle, dont ils ne craignent pas sans doute de gâter le siége ; d’autres les retroussent sur le cou du cheval. sans redouter les contusions qui résulteroient du frotement de l’animal à l’endroit sur lequel ils reposent. Mais outre ces inconvéniens, ils ne sont point assez assûrés, & peuvent en retombant donner lieu à celui dont j’ai d’abord parlé.

Il est des personnes qui, eu égard à l’usage des étrieres, les nomment trousse-étriers, porte-étriers. (e)

ETRILLE, s. f. (Manége, Maréchall.) instrument de fer emmanché de bois, un de ceux que le palefrenier employe pour panser un cheval.

L’étrille passée plusieurs fois à poil & à contre-poil avec vîtesse & legereté sur toutes les parties apparentes du corps du cheval, qui ne sont pas doüées d’une trop grande sensibilité, ou occupées par les racines des crins, détache la boue, la crasse, la poussiere, ou toutes autres malpropretés qui ternissent le poil de cet animal, & nuisent à sa santé. Elle livre à l’effet de la brosse, qu’elle précede dans le pansement, ce qu’elle ne peut enlever ; & elle sert à nettoyer ce second instrument, chaque fois qu’on a brossé quelque partie. Voyez Panser.

On donne en divers lieux divers formes aux étrilles. Celles que nombre d’éperonniers françois appellent du nom d’étrilles à la lyonnoise, semblent à tous égards mériter la préférence. Nous en donnerons une exacte description, après avoir détaillé les parties que l’on doit distinguer dans l’étrille en général, par comparaison à celle à laquelle je m’arrête : nous indiquerons les plus usitées entre celles qui sont connues.

Les parties de l’étrille sont le coffre & ses deux rebords, le manche, sa soie empatée, & sa virole ; les rangs, leurs dents, & leurs empatemens, le couteau de chaleur, les deux marteaux : enfin les rivets qui lient & unissent ces diverses pieces, pour en composer un tout solide.

Le coffre n’est autre chose qu’une espece de gouttiere résultante du relevement à l’équerre des deux extrémités opposées d’un plan quarré-long. Dans l’étrille à la lyonnoise il présente un quarré-long de tole médiocrement épaisse, dont la largeur est de six à sept pouces, & la longueur est huit à dix. Cette longueur se trouve diminuée par deux ourlets plats que fait l’ouvrier en repliant deux fois sur elles-mêmes les deux petites extrémités de ce quarré-long ; & ces ourlets larges de deux lignes, & dont l’épaisseur doit se trouver sur le dos de l’étrille, & non en-dedans, sont ce que l’on nomme les rebords du coffre. A l’égard des deux extrémités de ce parallélogramme bien applani, elles forment les deux côtés égaux & opposés de ce même coffre, lorsqu’elles ont été taillées en dents, & repliées à l’équerre sur le plan de l’étrille ; & ces côtés doivent avoir dix ou douze lignes de hauteur égale dans toute leur longueur.

Le manche est de boüis, d’un pouce six ou dix lignes de diametre, & long d’environ quatre ou cinq pouces. Il est tourné cylindriquement, & strié dans toute sa circonférence par de petites cannelures espacées très-près les unes des autres, pour en rendre la tenuë dans la main plus ferme & plus aisée, & il est ravalé à l’extrémité par laquelle la soie doit y pénétrer, à cinq ou six lignes de diametre, à l’effet d’y recevoir une virole qui en a deux ou trois de largeur, & qui n’y est posée que pour la défendre

contre l’effort de cette soie, qui tend toûjours à le fendre. Il est de plus placé à angle droit sur le milieu d’une des grandes extrémités, dans un plan qui feroit avec le dos du coffre un angle de vingt à vingt-cinq degrés. Il y est fixé au moyen de la patte, qui se termine en une soie assez longue pour l’enfiler dans le sens de sa longueur, & être rivé au-delà. Cette patte forgée avec sa soie, selon l’angle ci-dessus, & arrêtée sur le dos du coffre par cinq rivets au moins, ne sert pas moins à le fortifier qu’à l’emmancher : aussi est-elle refendue sur plat en deux lames d’égale largeur, c’est-à-dire de cinq ou six lignes chacune, qui s’étendent en demi S avec symmétrie, l’une à droite & l’autre à gauche. Leur union, d’où nait la soie, & qui doit recevoir le principal rivet, doit être longue & forte ; & leur épaisseur, suffisante à deux tiers de ligne par-tout ailleurs, doit augmenter insensiblement en approchant du manche, & se trouver de trois lignes au moins sur quatre de largeur à la naissance de la soie, qui peut être beaucoup plus mince, mais dont il est important de river exactement l’extrémité.

Les deux parois verticales du coffre, & quatre lames de fer également espacées & posées de champ sur son fond parallélement aux deux parois, composent ce que nous avons nommé les rangs. Trois de ces lames sont, ainsi que celles qui font partie du coffre, supérieurement dentées, & ajustées de maniere que toutes leurs dents toucheroient en même tems par leurs pointes, un plan sur lequel on reposeroit l’étrille. Celle qui ne l’est point, & qui constitue le troisieme rang, à compter dès le manche, est proprement ce que nous disons être le couteau de chaleur. Son tranchant bien dressé ne doit pas atteindre au plan sur lequel portent les dents ; mais il faut qu’il en approche également dans toute sa longueur : un intervalle égal à leur profondeur d’une ligne plus ou moins, suffit à cet effet. Chacun de ces rangs est fixé par deux rivets qui traversent le coffre, & deux empattemens qui ont été tirés de leurs angles inférieurs par le secours de la forge. Ces empattemens sont ronds ; ils ont six à sept lignes de diametre, & nous les comptons dans la longueur des lames, qui de l’un à l’autre bout est la même que celle du coffre. Il est bon d’observer que ces quatre lames ainsi appliquées, doivent être forgées de façon que tandis que leurs empattemens sont bien assis, il y ait un espace d’environ deux lignes entre leur bord inférieur & le fond du coffre, pour laisser un libre passage à la crasse & à la poussiere que le palefrenier tire du poil du cheval, & dont il cherche à dégager & à nettoyer son étrille, en frappant sur le pavé ou contre quelqu’autre corps dur.

C’est pour garantir ses rebords & ses carnes des impressions de ces coups, que l’on place à ses deux petits côtés, entre les deux rangs les plus distans du manche, un morceau de fer tiré sur quarré, de quatre ou cinq lignes, long de trois ou quatre pouces, refendu, selon sa longueur, jusqu’à cinq lignes près de ses extrémités, en deux lames d’une égale épaisseur, & assez séparées pour recevoir & pour admettre celle du coffre à son rebord. Ces morceaux de fer forment les marteaux : la lame supérieure en est coupée & raccourcie, pour qu’elle ne recouvre que ce même rebord ; & l’autre est couchée entre les deux rangs, & fermement unie au coffre par deux ou trois rivets. Les angles de ces marteaux sont abattus & arrondis comme toutes les carnes de l’instrument, sans exception, & afin de parer à tout ce qui pourroit blesser l’animal en l’étrillant. Par cette même raison les dents qui représentent le sommet d’un triangle isoscele assez allongé, ne sont pas aiguës jusqu’au point de piquer : nulle d’entr’elles ne s’éleve au-dessus des autres. Leur longueur doit être pro-