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pas sa dénomination de la forme quarrée de sa planche ; car elle pourroit être ronde ou ovale, & nous ne lui conserverions pas moins ce nom. Il ne differe des autres étriers dont nous avons parlé, que parce que sa planche est tirée du corps même, & non soudée à ce corps. Pour cet effet les bras se biffurquent à un pouce ou deux au-dessus de la planche, chacun dans un plan croisé, à celui du corps ; & les quatre verges qui résultent de ces deux biffurcations, équarries comme celles des planches ordinaires, sont repliées en-dedans pour imiter le collet de la planche soudée : à six lignes de-là elles sont encore repliées d’équerre en-dehors : à quinze ou seize lignes de ce second angle, elles sont encore repliées d’équerre pour être abouties par soudure. Tous ces plis sont dans le même plan. La traverse principale de la grille est aussi refendue en fourche par les deux bouts. Ses fourchons sont soudés aux faces intérieures des parties qui représentent les collets, c’est-à-dire qui sont comprises entre le premier & le second retour d’équerre depuis la biffurcation du corps. Les autres pieces de la grille sont assemblées par soudure avec la traverse & par mortaise dans la planche.

La largeur de l’étrier mesurée sur la grille entre les deux bras du corps, doit surpasser de quelques lignes seulement la plus grande largeur de la semelle de la botte. A l’égard de la hauteur entre le cintre & le milieu de la grille, il faut qu’elle soit telle qu’elle ne soit ni trop ni trop peu considérable. Dans le premier cas le pié pourroit passer tout entier au-travers, & le talon feroit alors l’office d’un crochet, qu’un cavalier desarçonné dans cette conjoncture ne pourroit désaisir sans secours ; & dans le second, le pié plus épais à la boucle du soulier qu’ailleurs, pourroit aussi s’engager. Cette mesure ne peut donc être déterminée avec justesse ; mais chacun peut aisément reconnoître si les étriers qu’on lui propose lui conviennent. Il ne s’agit que de les présenter à son pié chaussé de sa botte dans tous les sens possibles ; & si l’on se sent pris & engagé, on doit les rejetter comme des instrumens capables de causer les accidens les plus funestes.

L’étrier ébauché de près à la forge, doit être fini à la lime douce ; & ensuite s’il est de fer, étamé, argenté, ou doré, & enfin bruni. S’il est de quelque beau métal, il n’est question que de le mettre en couleur & de le brunir ; car après cette derniere opération, il donnera moins de prise à la boue, & sera plus facilement maintenu dans l’état de netteté qui doit en faire le principal ornement.

Dans quelques pays, comme en Italie & principalement en Espagne, quelques personnes se servent d’étriers figurés en espece de sabot, & formés par l’assemblage de six bouts de planche de quelque bois fort & leger. Les deux latérales sont profilées pour en recevoir une troisieme, qui compose la traverse par laquelle le tout est suspendu. Une quatrieme recouvre le dessus du pié. La cinquieme termine le sabot en-avant ; & le pié tout entier trouve sur l’inférieure ou sur la sixieme, une assiette commode. On peut doubler de fourrure ces sortes d’étriers, qui peuvent avoir leur utilité malgré le peu d’élégance de leur forme.

Les Selliers appellent étriers garnis, ceux dont la planche est rembourrée. Cette précaution a sans doute été suggérée par l’envie de flater la délicatesse des personnes du sexe.

Dans nos manéges nous comprenons sous le nom seul de chapelet, les étrivieres & les étriers. Voyez Etrivieres.

Ajuster les étriers, ou les mettre à son point, c’est donner à l’étriviere une longueur telle que l’étrier soit à une hauteur mesurée, & que le pié du cavalier puisse porter & s’appuyer horisontalement sur la grille. Voyez Ibid.

Retrousser les étriers, c’est les suspendre en-arriere

& les élever de maniere qu’il soit impossible à l’animal inquiet & tourmenté par les mouches, d’y engager un de ses piés lorsqu’il cherche à se débarrasser des insectes qui le piquent & qui le fatiguent. Voyez Etrieres.

Tenir l’étrier. Cette expression a deux sens : nous l’employons pour désigner l’action de tenir l’étrier, à l’effet d’aider à quelqu’un à monter en selle, & pour désigner l’adresse & la fermeté du cavalier qui ne laisse échapper ni l’un ni l’autre dans les mouvemens les plus rudes & les plus violens de l’animal. On tient dans le premier cas l’étriviere droite avec la main gauche, la main droite étant occupée à tenir le cheval par le montant de la têtiere de la bride. On doit faire attention de ne tirer & de ne peser sur l’étriviere, que lorsque le cavalier a mis le pié à l’étrier opposé. A mesure qu’il s’éleve sur ce même étrier gauche, on augmente insensiblement l’appui sur l’étriviere, de façon que les forces résultantes d’une part du poids du cavalier, & de l’autre de la puissance avec laquelle l’aide s’employe, soient tellement proportionnées que la selle ne tourne point. Nombre de palefreniers mal-adroits & incapables de connoitre les raisons de cet accord & de cette proportion nécessaires, devancent l’action du cavalier ; ils déplacent la selle au moyen de leur premier effort, & l’attirent à eux ; le cavalier par son poids la ramene ensuite à lui ; & de ce frotement sur le dos de l’animal, d’où résulte pour lui un sentiment souvent desagréable, naissent fréquemment les desordres d’un cheval devenu par cette seule raison difficile au montoir. Il arrive de plus que très souvent ces mêmes palefreniers, dans la main gauche desquels réside la grande force dont ils sont doüés, sont en quelque sorte contraints de roidir en même tems la main droite, tirent de leur côté ou en-arriere la tête de l’animal, & l’obligent naturellement eux-mêmes à tourner & à se défendre. Voyez Montoir. Lorsque le cavalier est en selle ; l’aide doit présenter l’étrier à son pié droit dans un sens où l’étriviere ne soit pas tordue.

L’adresse de tenir l’étrier ou les étriers, dans le second sens, dépend de la fermeté du cavalier, ses étriers étant parfaitement ajustés à son point ; & cette fermeté ne consiste point, ainsi que plusieurs ignorans l’imaginent, dans la force de l’appui sur ces mêmes étriers, & dans celle des cuisses & des jarrets, mais dans l’aisance avec laquelle le cavalier les laisse, pour ainsi parler, badiner à son pié sans un déplacement notable, & dans ce grand équilibre & cette justesse qui caractérisent toûjours l’homme de cheval.

Perdre les étriers, est une expression qui présente une idée directement contraire à celle que nous offre celle-ci. Lorsque les étriers ont échappé aux piés du cavalier, nous disons qu’il ne les a pas tenus, ou qu’il les a perdus ; ce qui signifie une seule & même chose. Le trop de longueur des étriers occasionne souvent cette perte, & plus souvent encore l’incertitude ; l’ébranlement du corps du cavalier, & son peu de tenue.

Faire perdre les étriers. Les sauts, les contre-tems d’un cheval peuvent faire perdre les étriers. Faire perdre les étriers à son adversaire : cette périphrase étoit usitée en parlant de ceux qui combattoient autrefois. Rien n’étoit plus glorieux dans un tournoi, lorsque d’un coup de lance on ébranloit si fort son ennemi, qu’il étoit forcé de perdre les étriers.

Peser sur les étriers : cet appui est la plus douce des aides confiées aux jambes du cavalier ; mais elle n’a d’efficacité qu’autant qu’elle est employée sur un cheval sensible : elle produit alors l’effet qui suit l’approche des gras de jambes sur un cheval moins fin : celle-ci se donne de la part du cavalier, en pliant insensiblement & par degré les genoux, jusqu’à ce que