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sont à ses extrémités. Voyez Défense. Chambers.

La défense directe est défectueuse, parce que l’épaisseur du parapet ne permet pas au soldat de découvrir le pié du mur qu’il défend, c’est-à-dire le côté extérieur du rempart ; ainsi il arriveroit, si une place n’avoit d’autre défense que la directe, que l’ennemi ayant gagné le pié du revêtement, ne seroit vû d’aucune partie de la fortification, & qu’il pourroit alors travailler tranquillement à la ruiner, soit par les mines ou autrement. Tous les obstacles qu’on pourroit faire, se réduiroient à faire tomber sur l’ennemi des bombes, des grenades, &c. mais il lui seroit airé d’en éviter l’effet, en appuyant obliquement de longs & forts madriers sur le mur du revêtement, lesquels écarteroient les bombes & les grenades ; ils donneroient une espece de couvert dessous, où l’ennemi seroit en sûreté : d’où l’on voit qu’une place de guerre doit avoir nécessairement son enceinte disposée de maniere qu’il y ait des parties plus avancées les unes que les autres, pour qu’elles puissent se flanquer mutuellement. Ces parties sont les bastions. Voyez Bastion. (Q)

FLASQUES, s. f. pl. en termes d’Artillerie, sont deux grosses pieces de bois assemblées par des entretoises qui composent l’affût d’une piece de canon ou d’un morrier, & entre lesquelles la piece ou le mortier sont placés, quand on veut s’en servir en campagne ou dans une place. Voyez Affut. (Q)

Flasque, branche flasque, (Manége.) nous nommons ainsi celles dont le touret se trouve à plus ou moins de distance en-arriere de la ligne droite, qui descendroit de l’œil du banquet par lequel le mors est suspendu, & toucheroit à la partie du canon qui appuye sur les barres. Voyez Mors. (e)

Flasque, (Blason.) c’est une piece de Blason, que l’on appelle plus proprement flanque. Voy. Flanque.

FLATER, voyez les articles Flaterie & Flateur.

Flater, v. act. On dit en Peinture qu’un portrait est flaté, lorsque le peintre l’a rendu plus beau que la personne d’après laquelle il est fait. Cette façon d’embellir est toûjours aux dépens de la ressemblance. Il est cependant des peintres qui savent choisir les côtés avantageux d’une tête, c’est-à-dire la tourner & l’éclairer de telle façon, que les défauts se trouvant dans les endroits les moins apparens, deviennent plus supportables. Portrait flaté. Ce peintre flate ses portraits. (R)

FLATERIE, s. f. (Morale.) c’est une profusion de loüanges, fausses ou exagérées, qu’inspire à celui qui les donne, son intérêt personnel. Elle est plus ou moins coupable, basse, puérile, selon ses motifs, son objet, & les circonstances. Elle a pris naissance parmi des hommes, dont les uns avoient besoin de tromper, & les autres d’être trompés. C’est à la cour que l’intérêt prodigue les loüanges les plus outrées aux dispensateurs sans mérite des emplois & des graces : on cherche à leur plaire, en les rassûrant sur des foiblesses dont on seroit desolé de les guérir ; plus ils en ont, plus on les loue, parce qu’on les respecte moins, & qu’on leur connoît plus le besoin d’être loüés. On renonce pour eux à ses propres sentimens, aux priviléges de son rang, à sa volonté, à ses mœurs.

Cette complaisance sans bornes est une flaterie d’action, plus séduisante que les éloges les mieux apprêtés. Il y a une autre flaterie plus fine encore, & souvent employée par des hommes sans force de caractere, qui ont des ames viles & des vûes ambitieuses.

C’est la flaterie d’imitation, qui répand dans une cour les vices & les travers de deux ou trois personnes, & les vices & les travers d’une cour sur

toute une nation. Les succès de ces différens genres de flaterie en ont fait un art qu’on cultive sous le nom d’art de plaire : il a ses difficultés, tout le monde n’est pas propre à les vaincre ; & on n’y réussit guere, quand on est né pour servir son prince & sa patrie.

Il s’en faut beaucoup que la flaterie ait toûjours des motifs de fortune, les hommes en place pour objet, & la cour pour asyle. Dans les pays où l’amour des distinctions, sous le nom d’honneur, remue du plus au moins tous les hommes (voy. Honneur), les loüanges sont l’aliment de l’amour-propre dans tous les ordres & dans tous les états : on y vit de l’opinion des autres ; tout le monde y est inquiet de sa place dans l’estime des hommes, & cette inquiétude augmente en proportion du peu de mérite & de l’excès de la vanité. On y poursuit la loüange avec fureur, on l’y sollicite avec bassesse ; elle y est donnée sans ménagement, & reçûe sans pudeur. Il y auroit quelquefois de la barbarie à la refuser à des hommes si remplis de leurs prétentions, & si tourmentés de la crainte d’être ridicules, ou de celle d’être ignorés.

Ils veulent paroître, c’est le desir de tous ; ils veulent couvrir d’un voile brillant leurs défauts ou leur nullité : les loüanges leur donnent une apparence passagere dont ils se contentent ; & la constance dans le travail, l’étude de leurs devoirs, l’humanité, ne leur donneroient que du mérite & de la vertu.

La galanterie, ce reste des mœurs de l’ancienne chevalerie, que maintiennent le goût du plaisir & la forme du gouvernement, rend la flaterie indispensable vis-à-vis les femmes ; une adulation continuelle & de feintes soûmissions, leur font oublier leur foiblesse, leur dépendance & leurs devoirs : elles leur deviennent nécessaires ; ce n’est que par la flaterie que nous les rendons contentes de nous & d’elles-mêmes, & que nous obtenons leur appui & leurs suffrages. Voyez Galanterie.

De cette multitude de besoins de vanité dans une nation legere ; de la nécessité de plaire par les loüanges, par la complaisance, par l’imitation ; de la petitesse des uns, de la lâcheté des autres, de la fausseté de tous, résulte une flaterie générale, insupportable au bon sens. Elle apprend à mettre une foule de différences dangereuses entre l’exercice des vertus & le savoir-vivre ; elle est un commerce puéril, dans lequel on rend fidelement mauvaise foi pour mauvaise foi, & où tout est bon, hors la vérité. Elle a sa langue, ses usages, ses devoirs même, dont on ne peut s’écarter sans danger, & auxquels on ne peut se soûmettre sans foiblesse.

Des philosophes qui par leur mérite étoient faits pour corriger, ou du moins pour modérer les travers de leurs concitoyens, ont trop souvent encouragé la flaterie par leur exemple ; & ce n’est que dans ce siecle que les premiers des hommes par leurs lumieres ne s’avilissent plus par l’adulation.

FLATEUR, s. m. (Morale.) Le flateur est un homme qui tient, selon Platon, un commerce de plaisir sans honneur ; & selon Théophraste, un commerce honteux qui n’est utile qu’à lui : j’ajoûte qu’il fait un outrage à la vérité ; & pour dire encore plus, qu’il se rend coupable d’une lâche & basse trahison.

L’homme vrai qui tient le milieu entre l’adulateur & le misantrope, est l’ami qui n’écoute avec nous que les principes de la droiture, la liberté du sentiment & du langage. Je sai trop que le flateur, pour mieux séduire, emprunte le nom d’ami, en imite la voix, en usurpe les fonctions, & le contrefait avec tant d’art, que vous le prendriez pour tel : mais ôtez le masque dont il couvre son visage, vous verrez que ce n’est qu’un courtisan fardé, sans pudeur, sans attachement, & qui ne cherche en vous que son propre intérêt.