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objet que la clarification des liqueurs, & la séparation des feces inutiles qui les troublent, & qu’il faut rejetter : mais ces filtres ont encore un autre avantage ; ils sont des instrumens propres à séparer des matieres non dissoutes, d’avec un liquide qui les délayoit & les tenoit suspendues, & dont on n’a pas besoin : lorsqu’on veut, par exemple, dessécher un précipité quelconque, qui a été exactement lavé & édulcoré, on le verse sur un filtre de papier, soûtenu d’un carrelet ou d’un entonnoir ; l’eau s’écoule, & la matiere précipitée reste sur le papier, s’y égoutte parfaitement, & s’y rassemble en une masse que l’on peut facilement diviser par petits morceaux, & faire sécher selon l’art. Voyez Dessication. Cette espece de filtration est presque toûjours préliminaire à la dessication des précipités vrais ou faux (voyez Précipité), des chaux métalliques, des terres, &c. qui ont eu besoin d’être lavées.

Quelques auteurs ont voulu mettre la filtration au nombre des distillations : Geber étoit de ce sentiment ; mais qui est-ce qui n’en sent pas la différence ? Voyez Distillation.

Filtration en grand. Dans les travaux de la Halothecnie (on appelle ainsi la partie de la Chimie qui traite les sels), où on a des quantités immenses de liqueurs à filtrer, on ne s’amuse pas à le faire avec les filtres, dont nous avons parlé ci-dessus, & qui ne conviennent que dans nos laboratoires, où nous n’avons jamais que des quantités médiocres de sels à clarifier : on a donc recours à une autre espece de filtre beaucoup plus commode, beaucoup plus solide, & qu’on peut charger tout-à-la-fois d’une grande quantité de matiere.

Tous ceux qui ont vû faire la lessive, ont vû cette filtration : en effet, celle que font les Salpêtriers pour clarifier leur lessive, les gens qui s’occupent à faire la potasse pour clarifier la dissolution du sel alkali fixe qu’ils tirent des cendres, ne differe point de la lexive ordinaire, qui est en usage pour le blanchissage du linge. Voyez Salpêtre & Potasse. Si l’on avoit, par exemple, une très grande quantité de cendres à lexiver, c’est-à-dire dont on voulût tirer le sel alkali fixe, il faudroit, d’une seule & même opération, faire la dissolution & la filtration de ce sel, & c’est ce que font les ouvriers dont nous parlions tout-à-l’heure. On prendra un tonneau plus ou moins grand, selon la quantité de cendre que l’on veut lexiver ; on fera à la partie inférieure de ce tonneau, un trou d’un pouce environ de diametre ; on remplira ce trou avec de la paille, que l’on assujettira avec une petite cheville de bois ; on placera ce tonneau sur un trépié ou autre machine, pour l’élever au point d’avoir l’aisance de mettre dessous un vase propre à recevoir la liqueur qui passera ; on emplira ce tonneau de cendre, ne laissant de vuide que ce qu’il en faut pour tenir une petite quantité d’eau, parce qu’on en remet de nouvelle à mesure qu’elle s’écoule : cette eau se charge du sel contenu dans les cendres, & vient couler claire le long de la paille qui est au bas du tonneau, dans le récipient ; on continue de remettre de nouvelle eau, si on s’apperçoit que celle qui est passée est saoulée de sel, sinon on la reverse elle-même sur les cendres, continuant cette manœuvre jusqu’à ce que les cendres soient épuisées de sel. Voyez Sel lexiviel. (b)

FILTRE, s. m. (Med. physiol.) c’est un terme employé quelquefois par rapport au méchanisme des secrétions animales, à l’égard desquelles on se représente les humeurs séparées de la masse du sang, comme filtrées à-travers les orifices des vaisseaux secrétoires. Voyez Secrétoire. (d)

Filtre, (Chimie & Pharmacie.) filtrum, appareil pour filtrer une liqueur qu’on veut clarifier. Voyez Filtration.

FILTRER, (Chimie & Pharm.) passer à-travers le filtre. Voyez Filtration.

Filtrer, (pierre à) Hist. nat. Econom. Ce sont des pierres dont le tissu est assez spongieux pour que l’eau puisse passer au-travers : les plus vantées sont celles qui viennent des îles Canaries ; on dit aussi qu’on en tire ou fond de la mer dans le golfe de Mexique, & quelques auteurs les ont regardées comme des concrétions tophacées ou des especes de champignons de mer, qui s’attachent à des rochers : on dit que les pierres de cette derniere espece sont tendres & molles au sortir de l’eau, mais qu’elles se durcissent après qu’elles ont été quelque tems exposées à l’air. Quoi qu’il en soit, on en compte de deux especes ; l’une est bleuâtre & comme de l’ardoise, l’autre est grise & ressemble à du grès grossier. Au reste il paroît que plusieurs pierres de différente nature, & sur-tout les grès, dont on fait les meules à repasser les couteaux, ont la propriété de donner passage à l’eau au-travers de leurs pores, & peuvent par ce moyen la dégager des saletés & ordures qu’elle peut avoir contractées. Quand on destine les pierres à filtrer à cet usage, on les taille pour leur donner la forme d’un mortier ou d’un vase proportionné à la quantité d’eau qui doit y être reçue ; à l’extérieur on leur donne la figure d’un œuf par son côté le plus pointu ; on laisse en haut des rebords, par lesquels le mortier peut être soûtenu au moyen d’une bâtisse de bois quarrée, sur laquelle on le place pour qu’il soit suspendu en l’air ; on met au-dessous un vaisseau de terre ; on verse l’eau de riviere ou de pluie qu’on veut filtrer dans le mortier ; elle passe au-travers de la pierre, & les gouttes d’eau qui se sont filtrées, viennent se réunir à la pointe de l’œuf, & tombent dans le vaisseau qu’on a placé au-dessous pour les recevoir. De cette maniere l’eau se trouve pure & dégagée des saletés dont elle étoit chargée avant que d’avoir été filtrée.

Les Japonois font, dit-on, un très-grand cas de ces sortes de pierres à filtrer, aussi s’en servent-ils très-fréquemment : ils croyent que c’est l’usage qu’ils en font, qui rend les incommodités de la pierre & de la gravelle si rares parmi eux. Quoi qu’il en soit, quelques personnes s’en servent aussi parmi nous, comme on fait des fontaines filtrantes ; mais il y a du choix dans les pierres que l’on achette pour cet effet, & si l’on n’en a pas fait l’essai, on court risque d’y être trompé ; d’ailleurs la filtration ne se fait que très-lentement. Il faut aussi avoir l’attention de faire nettoyer très-souvent ces pierres après qu’elles ont filtré, parce que sans cela il s’amasseroit des ordures & du limon dans leurs pores, qui empêcheroient à la fin l’eau de passer : on se sert pour cela d’une brosse, dont on frote fortement l’intérieur du vase ou mortier. Malgré ces précautions, il est rare qu’au bout d’un certain tems, les pores de ces pierres ne se bouchent, & pour lors elles prennent une odeur très-desagréable, qu’on ne peut guere leur ôter, & qu’elles communiquent à l’eau que l’on y laisse séjourner. (—)

* FIN, s. f. (Grammaire.) terme relatif à commencement ; le commencement est des parties d’une chose celle qui est ou qu’on regarde comme la premiere ; & la fin, celle qui est ou qu’on regarde comme la derniere. Ainsi on dit la fin d’un voyage, la fin d’un ouvrage, la fin de la vie, la fin d’une passion : cette passion tire à sa fin, cet ouvrage tire à sa fin. Une ouvriere diroit en devidant un peloton de fil, ou en travaillant, je touche à la fin de mon fil ; si elle en séparoit une petite portion, voilà un bout de fil ; si elle considéroit ce fil comme un continu, je le tiens par le bout ; si elle n’avoit égard qu’au bout qu’elle tient, & qu’il fût sur le point de lui échapper des doigts, tant la partie qu’elle en tiendroit encore seroit petite, je n’en tiens plus que l’extrémité.