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pour la premiere fois de Jesus-Christ pour obtenir leur guérison ; que le centurion romain qui vit mourir Jesus-Christ, en lui donnant le nom de Fils de Dieu, n’avoient pas toutes les idées que nous avons de cette qualité, & qui lui appartiennent.

3o . On pourroit appeller fils de Dieu, un pur homme qui auroit reçû immédiatement son existence hors des voies ordinaires de la génération, parce qu’en ce cas Dieu lui-même suppléeroit par sa puissance à l’union des deux sexes : c’est en ce sens qu’Adam est appellé fils de Dieu, qui fuit Dei.

Il y a eu des hérétiques qui niant la divinité de Jesus-Christ, & ne refusant pas de croire qu’il étoit né d’une Vierge, le regardoient comme Fils de Dieu dans ce même sens-là. Telle étoit l’opinion d’un certain Théodotus dont parle Tertullien, de præscript. versùs finem : Doctrinam introduxit, dit ce pere, quâ Christum hominem tantùm diceret, Deum autem illum negaret, ex Spiritu quidem sancto natum ex Virgine, sed hominem solitarium atque nudum nullo alio præ cæteris nisi solâ justitiæ authoritate.

Dans la doctrine de cet hérétique, & dans ce troisieme sens, Adam & Jesus-Christ sont fils de Dieu d’une maniere bien plus parfaite que dans les deux premieres acceptions : on pourroit même dire qu’ils sont fils de Dieu naturels, par opposition à l’adoption des saints ; mais cette acception du mot fils de Dieu entendue par exclusion des autres sens que nous allons rapporter, est tout-à-fait opposée à la doctrine catholique.

4o . Dans la doctrine catholique, le Verbe ou la seconde Personne de la Trinité, est Fils de Dieu, fils de la premiere Personne, par la voie d’une génération éternelle.

5o . Dans la doctrine catholique, J. C. homme-Dieu est Fils de Dieu, par l’union faite en lui de la nature humaine à la nature divine dans la seconde Personne de la Trinité, qui est elle-même Fils de Dieu, & Verbe engendré de toute éternité.

Nous verrons plus bas une sixieme signification de l’expression fils de Dieu ; mais nous allons faire encore quelques observations sur celles-ci, après que nous aurons remarqué deux autres sens plus généraux qu’elle peut recevoir.

Le nom de fils peut être pris dans le sens propre & naturel, ou dans un sens impropre & métaphorique : un enfant adopté n’est pas fils de celui qui l’adopte, dans le sens propre & naturel.

De-là naissent les contestations entre les hérétiques qui nient la divinité de Jesus-Christ, & les Catholiques : ceux-là prétendant que l’expression Fils de Dieu appliquée à Jesus-Christ, ou même appliquée au Verbe, ne sauroit être entendue que dans un sens impropre & métaphorique ; & ceux-ci soûtenant au contraire qu’elle doit être prise dans le sens propre & naturel.

Dans le dogme catholique, Jesus-Christ est Fils de Dieu au sens propre & naturel. Cette filiation naturelle ne peut pas être entendue de celle que nous avons remarquée à la troisieme signification. En effet, cette troisieme signification peut fonder une filiation naturelle, par opposition à la premiere & à la seconde, comme nous l’avons dit ; mais par comparaison à la quatrieme & à la cinquieme, elle ne sauroit être appellée propre & naturelle.

Ces deux dernieres significations de l’expression de Fils de Dieu appliquée à J. C. dans les Ecritures, ne peuvent être niées que par les hérétiques qui refuseroient de reconnoître la divinité du Verbe, comme les Ariens, les Sociniens ; ou par ceux qui nieroient l’union hypostatique de la nature humaine dans J. C. avec la personne du Verbe, comme les Nestoriens : voyez ces trois articles.

De-là il suit que les Théologiens catholiques, pour

établir la légitimité de ces deux explications qu’ils donnent à l’expression Fils de Dieu appliquée à J. C. sont obligés d’établir la divinité du Verbe & l’union hypostatique, &c. Voyez sur le premier de ces objets l’article Trinité, & sur le dernier, Incarnation.

Ces deux renvois que nous sommes obligés de faire pour traiter ces matieres en leur lieu, & pour éviter les redites, nous dispensent d’exposer ici & les raisons sur lesquelles se fondent les Théologiens catholiques dans leurs assertions, & les difficultés qu’y opposent les hétérodoxes.

J’ai parlé plus haut d’un sixieme sens que pouvoit recevoir l’expression de Fils de Dieu ; nous allons nous occuper de cet objet.

Dans ces derniers tems, le P. Berruyer, jésuite, dans des dissertations latines qu’il a placées à la fin de son histoire du peuple de Dieu, depuis la naissance du Messie, a soûtenu que l’expression fils de Dieu en beaucoup d’endroits du nouveau Testament, devoit être entendue dans un sixieme sens distingué de ceux dont nous avons fait mention. Comme son opinion a fait du bruit, & qu’elle tient bien directement à l’objet de cet article, nous croyons devoir nous y arrêter un peu. Nous allons donc faire un petit exposé du système de ce pere, que nous accompagnerons de quelques remarques.

Cet auteur commence par établir avec les Théologiens catholiques, que le Verbe est Fils de Dieu par la voie d’une génération éternelle, & que J. C. est Fils de Dieu en vertu de son union hypostatique avec le Verbe, c’est-à-dire qu’il reconnoît hautement la légitimité de ces deux sens que les Théologiens catholiques donnent à l’expression fils de Dieu, en combattant les Ariens, les Sociniens, les Nestoriens, &c. C’est la quatrieme & la cinquieme signification parmi celles que nous avons remarquées.

Mais il croit que dans les Ecritures la dénomination de Fils de Dieu appliquée à J. C. ne reçoit pas toûjours l’un ou l’autre de ces deux sens, & qu’elle signifie quelquefois l’union de la nature humaine à la nature divine faite dans la personne de J. C. par Dieu, considéré non plus comme pere, comme engendrant le Verbe de toute éternité, mais comme subsistant en trois personnes, agissant au dehors, ad extrà, & unissant l’humanité de J. C. avec une personne divine.

Ceci a besoin d’être éclairci ; & pour le faire, nous allons tâcher d’écarter autant que nous pourrons les termes de l’école que le P. Berruyer a prodigués, & qui ne présenteroient pas des idées assez nettes au commun de nos lecteurs. Mais il faudra qu’on nous permette de les employer quelquefois ; & nous nous excuserons avec Melchior Canus, sur ce que ipsæ scholasticæ res formas dicendi scholasticas trahunt, & quæ vocabula scholarum consuetudo diuturna trivit, ea latini nobis condonare debent.

Pour bien entendre le P. Berruyer, il suffira de saisir les différences de la signification qu’il donne à l’expression Fils de Dieu, d’avec la quatrieme & la cinquieme de celles que nous avons expliquées.

Dans le quatrieme sens, le Verbe est Fils de Dieu par sa génération éternelle ; dans le cinquieme, Jesus-Christ est Fils de Dieu par l’union faite en lui de la nature humaine avec la seconde Personne de la Trinité, avec le Fils de Dieu éternel ; dans le sixieme sens, Jesus-Christ est Fils de Dieu par l’union de la nature humaine avec une personne divine, considérée simplement comme divine, & non point précisément comme la seconde.

Dans le quatrieme sens, la génération est éternelle ; dans le cinquieme & dans le sixieme, elle s’opere dans le tems.

Dans le quatrieme & dans le cinquieme sens, en appellant le Verbe Fils de Dieu, & Jesus-Christ Fils