Les figures rendent le discours plus insinuant, plus agréable, plus vif, plus énergique, plus pathétique ; mais elles doivent être rares & bien amenées. Il faut laisser aux écoliers à faire des figures de commande. Les figures ne doivent être que l’effet du sentiment & des mouvemens naturels, & l’art n’y doit point paroître. Voyez Elocution.
Quand on a cultivé un heureux naturel, & qu’on s’est rempli de bons modeles, on sent ce qui est décent, ce qui est à-propos, & ce que le bon sens adopte ou rejette. C’est en ce point, dit Horace, que consiste l’art d’écrire ; c’est du bon sens que les ouvrages d’esprit doivent tirer tout leur prix. En effet pour bien écrire, il faut d’abord un sens droit :
Scribendi rectè, sapere est principium & fons.
. . . . .Laissons à l’Italie
De tous ces traits brillans l’éclatante folie :
Tout doit tendre au bon sens.. dit Boileau.
Les honnêtes gens sont blessés des figures affectées.
Offenduntur enim quibus est equus & pater & res,
Nec si quid fricti ciceris probat, aut nucis emtor
Æquis accipiunt animis, donant ve coronâ.
Aimez donc la raison, ajoûte Boileau ; que toûjours vos écrits
Empruntent d’elle seule & leur lustre & leur prix.
Figure est aussi un terme de Logique. Pour bien entendre ce mot, il faut se rappeller que tout syllogisme régulier est composé de trois termes. Faisons connoître par un exemple ce qu’on entend ici par terme. Supposons qu’il s’agisse de prouver cette proposition, un atome est divisible ; voilà déjà deux termes qui font la matiere du jugement, l’un est sujet, l’autre est attribut : atome est appellé le petit terme, parce qu’il est le moins étendu, il ne se dit que de l’atome ; au lieu que divisible est le grand terme, parce qu’il se dit d’un grand nombre d’objets, il a une plus grande étendue.
Si la personne à qui je veux prouver que tout atome est divisible n’apperçoit pas la connexion ou identité qu’il y a entre ces deux termes, & que divisible est un attribut inséparable de tout atome, j’ai recours à une troisieme idée qui me paroît propre à faire appercevoir cette connexion ou identité, & je dis à mon antagoniste : vous convenez que tout ce qui est étendu est divisible ; vous convenez aussi que tout atome est étendu ; vous devez donc convenir que tout atome est divisible, parce qu’une chose ne peut pas être & n’être pas ce qu’elle est. Ainsi l’idée d’étendu vous doit faire appercevoir la connexion ou rapport d’identité qu’il y a entre atome & divisible ; étendu est donc un troisieme terme qu’on appelle le medium ou moyen, par lequel on apperçoit la connexion des deux termes de la conclusion, c’est-à-dire que le moyen est le terme qui donne lieu à l’esprit d’appercevoir le rapport qu’il y a entre l’un & l’autre des termes de la conclusion : ainsi petit terme, grand terme, moyen terme, voilà les trois termes essentiels à tout syllogisme régulier.
Or la disposition du moyen terme avec les deux autres termes de la conclusion, est ce que les Logiciens appellent figure.
1°. Quand le moyen est sujet en la majeure & attribut en la mineure, c’est la premiere figure.
Tout ce qui est étendu est divisible,
Tout atome est étendu ;
Donc tout atome est divisible.
Voilà un syllogisme de la premiere figure ; étendu est le sujet de la majeure & l’attribut de la mineure.
2°. Si le moyen est attribut en la majeure & en la mineure, c’est la seconde figure.
3°. Si le moyen est sujet en l’une & en l’autre, cela fait la troisieme figure.
4°. Enfin si le moyen est attribut dans la majeure & sujet en la mineure, c’est la quatrieme figure.
Il n’y a point d’autre disposition du moyen terme avec les deux autres termes de la conclusion : ainsi il n’y a que quatre figures en Logique.
Outre les figures il y a encore les modes, qui sont les différens arrangemens des propositions ou prémisses par rapport à leur étendue & à leur qualité. L’étendue d’une proposition consiste à être ou universelle, ou particuliere, ou singuliere, & la qualité c’est d’être affirmative ou négative.
Au reste ces observations méchaniques sur les figures & sur les modes des syllogismes, peuvent avoir leur utilité ; mais ce n’est pas-là le droit chemin qui mene à la connoissance de la vérité. Il est bien plus utile de s’appliquer à appercevoir, 1°. la connexion ou identité de l’attribut avec le sujet : 2°. de voir si le sujet de la proposition qui est en question, est compris dans l’étendue de la proposition générale ; car alors l’attribut de cette proposition générale conviendra au sujet de la proposition en question, puisque ce sujet particulier est compris dans l’étendue de la proposition générale : par exemple, ce que je dis de tout homme, je le dis de Pierre & de tous les individus de l’espece humaine. Ainsi quand je dis que tout homme est sujet à l’erreur, je suis censé le dire de Pierre, de Paul, &c. c’est en cela que consiste toute la valeur du syllogisme. On ne sauroit refuser en détail ce qu’on a accordé expressément, quoiqu’en termes généraux.
Figure est encore un terme particulier de Grammaire fort usité par les grammairiens qui ont écrit en latin : c’est un accident qui arrive aux mots, & qui consiste à être simple, ou à être composé ; res est de la figure simple, publica est aussi de la figure simple, mais respublica est un mot de la figure composée. C’est ainsi que Despautere dit, que la figure est la différence qu’il y a dans les mots entre être simple ou être composé : figura est simplicis à composito discretio. Mais aujourd’hui nous nous contentons de dire qu’il y a des mots simples, & qu’il y en a de composés, & nous laissons au mot figure les autres acceptions dont nous avons parlé. (F)
Figure, dans la Fortification, c’est le plan d’une place fortifiée, ou le polygone intérieur. Voyez Polygone.
Quand les côtés & les angles sont égaux, on l’appelle figure réguliere ; quand ils sont inégaux, la figure est irréguliere. Voyez Régulier, &c. Chamb. (Q)
Figure, en Architecture & en Sculpture, signifie des représentations de quelque chose, faites sur des matieres solides, comme des statues, &c. Par exemple on dit des figures d’airain, de marbre, de stuc, de plâtre, &c. mais dans ce sens ce terme s’applique plus ordinairement aux représentations humaines, qu’aux autres choses, sur-tout lorsqu’elles sont représentées assises, comme les PP. de l’Église, les évangélistes, &c. ou à genoux, comme sur les tombeaux ; ou couchées, comme les fleuves : car lorsqu’elles sont debout, on les appelle statues. Voyez Figure, (Peint.)
Figure se dit aussi du trait qu’on fait de la forme d’un bâtiment pour en lever les mesures : ainsi faire la figure d’un plan, ou d’une élevation & d’un profil, c’est les dessiner à vûe, pour ensuite les mettre au net. (P)
Figures, Figules, Enflechures, (Marine.) Le terme de figures n’est guere en usage ; c’est enflechures qu’il faut dire : ce sont de petites cordes en maniere d’échelons en-travers des hautbans. (Z)
Figure, (Physiol.) se prend pour le visage. Cet homme a une belle ou une vilaine figure. Elle est le siége principal de la beauté. Mais quels traits, quels contours exige-t-elle ? En un mot, qu’est-ce que la beauté ?