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qu’un piston rentre avec force dans une pompe dont il a été tiré en partie ; c’est-à-dire, sans sortir du tuyau, sans cesser d’aspirer. La distractilité permet l’alongement des fibres, en faisant néanmoins continuellement effort pour retenir leurs parties dans la sphere de cohésion ; en empêchant qu’elles n’en sortent ; en conservant ainsi la continuité, ou au moins la contiguité entr’elles : ce qui prouve, pour l’observer en passant, que la force de cohésion dans les corps élastiques, ne consiste pas dans le contact immédiat, puisqu’il peut être diminué très-considérablement, sans que cette force perde son activité : d’où on peut tirer la conséquence, que c’est cette force unique qui opere pour la même fin dans la distractilité, dans l’élasticité & dans le repos des corps, c’est-à-dire qu’elle agit toûjours dans ces différens cas, pour conserver l’assemblage des parties qui forment les aggrégats.

Il suit donc de ce qui vient d’être dit concernant la distractilité, qu’elle doit avoir lieu dans la fibre, pour que celle-ci puisse exercer son élasticité : ce qui arrive toûjours, soit que la cause qui tend la fibre la tire selon sa longueur, soit que la fibre de droite qu’elle est entre deux points fixés, soit forcée à se courber, ou que de courbe qu’elle est, elle le devienne davantage ; soit qu’étant courbe sans avoir d’attache fixe, elle soit forcée à prendre une courbure plus étendue, quoique de la même modification (car ce sont-là les combinaisons générales selon lesquelles la fibre peut être alongée, tirée, forcée en différens sens) : mais puisque la fibre entiere se laisse ainsi distendre, & qu’il s’ensuit que les particules élémentaires dont elle est formée, se séparent alors les unes des autres selon sa longueur, sans que pour cela il y ait dissociation complette, attendu qu’il n’y a point de solution de continuité apparente ; comment cela peut-il se faire ? est-ce, selon l’idée de Bellini, parce que les élémens des fibres sont disposés de maniere que le milieu de leurs surfaces répond au joint de deux autres contiguës, selon ce que l’on observe dans la construction des murs de brique ou de pierre de taille, ce qui fait dépendre la propriété dont il s’agit, non des élémens de chaque fibre entr’eux, mais de la totalité des fibres entr’elles, en tant qu’elles concourent à former un organe quelconque ? est-ce par la raison, que les fibres ont des parties rameuses, qui s’entrelacent & se lient ensemble, selon l’idée de quelques autres physiologistes ? est-ce par la force d’attraction newtonienne, qui conserve la continuité, quoique le contact immédiat soit diminué jusqu’à un certain point ? Cette derniere opinion paroît la plus probable ; mais de quelque maniere que la chose se fasse, c’est tout un ; peu importe : cette recherche appartient absolument à la Physique générale, ainsi que ce qui regarde l’élasticité, la distractilité ; ce n’est donc pas ici le lieu d’examiner quelle peut être la cause de ces phénomenes : d’ailleurs, il vaudroit mieux les admettre eux-mêmes, comme des causes dont il n’est intéressant de savoir que les lois constantes, que de se rendre le joüet de l’imagination, en travaillant à donner des explications qui auroient le sort de toutes celles qui ont paru jusqu’à présent ; dont on peut dire qu’elles se sont détruites les unes les autres, au point de s’être presque fait oublier. Voyez Attraction, Cohésion, Elasticité, &c.

Ce sur quoi il importe le plus d’insister, est l’effet des deux propriétés dont il vient d’être question, bien avérées dans toutes les fibres animales ; d’où il résulte que tant qu’elles sont entieres, de quelque maniere qu’elles soient disposées dans le corps vivant, elles sont absolument dans un état de distension ; par conséquent elles ne sont jamais laissées à elles-mêmes ; elles sont toujours dans un état vio-

lent ; elles font continuellement effort pour se raccourcir

selon toute l’étendue de leur puissance élastique, & elles ne parviennent jamais entierement à l’état qu’elles affectent, même dans le plus grand relâchement que puissent produire les causes morbifiques.

C’est cette tendance, cet effort continuel des fibres, qui sont les principaux moyens par lesquels la vie se maintient : car étant toûjours distendues, elles sont dans une disposition continuelle à agir pour se raccourcir, dès que la force qui les alonge vient à diminuer ; elles résistent à être ultérieurement distendues, tant que leur force de ressort est supérieure ou même égale à celle qui tend à les alonger davantage. Il y a plusieurs raisons d’empêchement à ce que les fibres ne puissent pas se raccourcir autant que leur élasticité le comporteroit : les raisons particulieres à chaque aggrégé de fibres, sont tirées de leurs différentes positions méchaniques : ainsi p. e. dans celles qui sont antagonistes les unes des autres réciproquement, quoiqu’elles paroissent dans certains cas, comme le relâchement des muscles, n’être plus dans un état violent ; cependant si on vient à couper un des aggrégés antagonistes, il se fait toûjours un raccourcissement dans chacune des portions séparées ; elles s’écartent l’une de l’autre, se retirent vers leur point fixe ; & l’antagoniste, qui reste entier, se contracte tout autant à proportion que celui qui a été coupé se retire : ce qui prouve bien que toutes ces fibres de part & d’autre, n’étoient pas sans tension ; qu’elles faisoient encore effort pour se raccourcir davantage ; & par conséquent, qu’elles ne cessoient pas d’être en action, quoique sans effet sensible.

Quant à l’obstacle général au relâchement entier des fibres, la cause en est facile à trouver ; c’est la masse des fluides contenus dans les vaisseaux, qui tient les fibres dont ils sont composés, dans un état de distension continuelle, plus ou moins forte cependant, selon que le volume des fluides augmente ou diminue : dans le premier cas, les fibres sont tendues ultérieurement en quelque sens qu’elles soient posées : dans le second cas, elles se détendent de même en tous sens ; mais ce relâchement n’est jamais parfait, tant qu’il reste des fluides dans les parties contenantes ; il n’est que respectif ; il n’est qu’un état de moindre distension ; les fibres sont toûjours distendues en tous sens ; dans le premier cas, c’est la distractilité des fibres qui est exercée, & l’élasticité dans le second ; changemens qui ne cessent de se succéder tant que dure la vie, ensorte qu’elle semble dépendre d’un perpétuel inéquilibre.

Mais cet inéquilibre ne peut être connu que par rapport aux solides comparés aux fluides, & réciproquement ; car pour ce qui est des solides entr’eux & des fluides entr’eux respectivement, on peut au contraire se les représenter comme dans un perpétuel équilibre de forces, d’action, de réaction proportionnées, au moins dans l’état de santé, qui est la vie la plus parfaite ; équilibre dont les maladies ne sont que des lésions. Voyez Equilibre, (Econom. anim.) il se trouve sous ce mot bien des choses, qui ont rapport aux fibres en général ; voyez aussi Circulation du sang, Santé.

Une autre propriété des fibres, qui dérive bien naturellement de la force élastique, c’est la vibratilité ; ce seroit ici le lieu d’en traiter aussi ; mais elle appartient de trop près au méchanisme de l’oüie, pour en séparer ce qu’il y a à dire de cette propriété consectaire. Voyez Son, Ouie, Oreille.

Quant à l’irritabilité observée particulierement par M. Haller, dans quelques-unes des parties du corps humain, il suffit qu’elle ne soit pas une propriété commune à toutes les fibres, pour qu’il ne doive