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ce que quelques géographes rapportent de la ville de Fez, de sa position, de son étendue, de ses mosquées, des synagogues que les Juifs ont dans cette capitale, &c, lorsqu’on m’a communiqué copie d’une lettre des missionnaires de saint François établis en Barbarie. Cette lettre maintenant imprimée, raconte entr’autres détails des ravages causés en Afrique par le tremblement de terre du 1, 18 & 19 Novembre 1755, que la plus grande partie de la ville de Fez en a été renversée, qu’il y a péri trois mille personnes, que Miquenez a été entierement détruite, & qu’un corps de cavalerie de mille hommes a été englouti par ce même temblement.

Je ne prétends point révoquer en doute tous les effets extraordinaires qu’a pû produire ce singulier phénomene de la nature sur une partie de notre globe : comme il y a une sotte simplicité qui croit tout, il y a de même une sotte présomption, qui rejette tout ce qui ne frappe pas communément nos yeux ; mais je dis que plus le tremblement de terre dont il s’agit, est unique dans l’histoire du monde, plus on doit se défier de la fidélité des relations qu’on en a répandues de toutes parts, principalement de celles qui nous viennent des pays éloignés ; ces relations sont toujours suspectes par le petit nombre d’observateurs incapables de nous tromper, ou d’être trompés eux-mêmes. Si l’on fait mille faux rapports des évenemens les plus communs, que doit-ce être dans les cas affreux où tous les esprits sont glacés d’effroi ? Voyez donc Tremblement. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FI

FIACRE, s. m. (Police) c’est ainsi qu’on appelle tous les carrosses de place ; ce nom leur vient de l’image de saint Fiacre, enseigne d’un logis de la rue saint Antoine, où on loüa les premieres voitures publiques de cette espece. Elles ont toûjours été si mauvaises & si mal entretenues, qu’on a donné par mépris le nom de fiacre à tout mauvais équipage. Il seroit aisé de remédier à cet inconvénient, qui, à ce qu’on assûre, n’a pas lieu à Londres. En revanche, la police de nos fiacres est très-bien entendue ; il y a au derriere des numeros & des lettres, qui indiquent la voiture dont on s’est servi ; & l’on peut toûjours la retrouver, soit qu’on ait été insulté par le cocher de place, (ce qui n’arrive que trop souvent,) soit qu’on ait oublié quelque chose dans la voiture. Les fiacres sont même obligés de déclarer, sous peine afflictive, ce qu’ils y ont trouvé. On leur doit en course dans la ville, vingt-cinq sous pour la premiere heure, & vingt sous pour les autres.

FIANÇAILLES, s. f. pl. (Hist. anc. & mod.) Promesse réciproque de mariage futur qui se fait en face d’église. Mais en général ce mot désigne les cérémonies qui se pratiquent solennellement avant la célébration du mariage, & où les deux personnes qui doivent s’épouser, se promettent mutuellement de se prendre pour mari & pour femme.

Le terme de fiancer, despondere, est ancien ; il signifioit promettre, engager sa foi, comme dans le roman de la Rose : & promets, & fiance, & jure. Et dans l’histoire de Bertrand du Guesclin : « au partir, lui & ses gens prindrent quatre chevaliers anglois, qui fiancerent de la main, lesquels se rendirent tant seulement à Bertrand ». Enfin il est dit dans les grandes chroniques de France, que Clotilde ayant recommandé le secret à Aurélien, « il lui jura & fiança, que james onc ne le sçauroit ». Nous avons conservé ce terme fiancé, d’où nous avons fait fiançailles, pour exprimer l’engagement que l’on contracte avant que d’épouser. Les latins ont employé des mots spondeo, sponsalia, dans le même sens.

Plaute s’en est servi plusieurs fois : on lit dans l’Aululaire :

M. Quid nunc étiam despondes mihi filiam ? E. Illis legibus, cum illâ dote quam tibi dixi. M. Spondere ergo. E. Spondeo.

De même, Térence, dans sa premiere scène de l’Andrienne :

Hâc famâ impulsus Chremes
Ultrò ad me venit, unicam gnatam suam
Cum dote summâ filio uxorem at dares :
Placuit, despondi, hic nuptiis dictus est dies.

Les fiançailles sont presque aussi anciennes que le mariage ; elles ont été de tout tems des préliminaires d’une union si importante dans la société civile ; & quoiqu’il semble que M. Fleury ait crû que les mariages des Israélites n’étoient accompagnés d’aucune cérémonie de religion, il paroît par les exemples qu’il cite, que le mariage étoit précédé ou par des présens, ou par des démarches, que l’on peut regarder comme des fiançailles, dont la forme a changé dans la suite selon le génie des peuples ; en effet, l’écriture remarque dans le chap. xxjv. de la Genèse, que « Laban & Batuel ayant consenti au mariage de Rebecca avec Isaac, le serviteur d’Abraham se prosterna contre terre, & adora le Seigneur ; il tira ensuite des vases d’or & d’argent, & de riches vêtemens, dont il fit présent à Rebecca ; & il donna aussi des présens à ses freres, & à sa mere ; ils firent ensuite le festin ; ils mangerent & burent ce jour-là. » N’est-ce pas là ce que nous appellons fiançailles ?

Le mariage du jeune Tobie est encore une preuve de l’ancienneté des fiançailles ; on lit dans le chap. vij. que « Raguel prit la main droite de sa fille, la mit dans la main droite de Tobie, & lui dit : que le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, & le Dieu de Jacob soit avec vous ; que lui-même vous unisse, & qu’il accomplisse sa bénédiction en vous ; & ayant pris du papier, ils dresserent le contrat de mariage ; après cela ils firent le festin en bénissant Dieu. »

Nous pratiquons encore aujourd’hui la même chose ; l’on s’engage l’un à l’autre, en se donnant la main ; on écrit les conventions, & souvent la cérémonie finit par un festin : les successeurs des premiers hommes dont il est parlé, ont suivi leur exemple, par une tradition subsistante encore parmi ceux qui professent le Judaïsme.

Selden en a recueilli les preuves, & a même rapporté dans le ch. du deuxieme livre de son traité, intitulé, uxor hebraïca, la formule du contrat de fiançailles des Juifs ; l’on ne peut guere douter que les autres nations n’ayent fait précéder la solennité du mariage par des fiançailles ; plusieurs auteurs en ont publié des traités exprès, où l’on trouvera un détail historique des particularités observées dans cette premiere fête nuptiale.

Mais nous allons laisser les cérémonies des fiançailles du paganisme & du judaïsme, pour dire un mot de leur usage parmi les chrétiens.

L’église greque & l’église latine ont eu des sentimens différens sur la nature des fiançailles, & sur les effets qu’elles doivent produire. L’empereur Alexis Comnene fit une loi, par laquelle il donnoit aux fiançailles la même force qu’au mariage électif ; ensorte que sur ce principe, les peres du sixieme concile tenu in Trullo, l’an 98, déclarerent que celui qui épouseroit une fille fiancée à un autre, seroit puni comme adultere, si le fiancé vivoit dans le tems du mariage.

Cette décision du concile parut injuste à plusieurs personnes ; les uns disoient (au rapport de Balsamon) que la fille fiancée n’étant point sous la puis-