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soleil ne pénetre jamais plus de 10 piés en-avant dans terre, ils attribuoient à ce feu toutes les fermentations & productions qui sont hors de la portée de l’action de cet astre. Le feu central qu’ils appelloient le soleil de la terre, concouroit dans leur système avec le soleil du ciel, à la formation des végétaux. M. Gassendi a chassé ce feu du poste qu’on lui avoit assigné, en faisant voir qu’on l’avoit placé sans raison dans un lieu où l’air & l’aliment lui manquoient ; & que tout ce qu’on pouvoit conclure des feux qui se manifestent par diverses éruptions & autres signes, c’est qu’il y a effectivement des feux soûterreins renfermés dans diverses cavernes, où des matieres grasses, sulphureuses & oléagineuses les entretiennent. L’existence de ces feux est incontestable. 1°. Ils se font sentir dans les bains chauds & dans les fontaines qui brûlent.

2°. Ils se manifestent par une foule de volcans, qui sont répandus dans toutes les parties du monde ; on trouve près de cinq cents de ces volcans ou montagnes brûlantes, dans les relations des voyageurs. Voyez Volcans.

3°. Ils sont attestés par le témoignage de ceux qui travaillent aux mines métalliques. Les mineurs assûrent que plus on creuse avant en terre, plus on éprouve une chaleur très-incommode, & qui s’augmente toujoûrs à mesure qu’on descend, sur-tout au-dessous de 480 piés de profondeur. Les fourneaux soûterreins servent à fondre & purifier les métaux dans le sein des minieres, comme dans autant de creusets fabriqués par la terre. Ils distillent aussi dans les parties creuses de l’intérieur de la terre, comme dans autant d’alembics, les matieres minérales, afin d’élever vers la surface de la terre, des vapeurs chaudes & des esprits alumineux, sulphureux, salins, vitrioliques, nitreux, &c. pour communiquer des vertus medicinales aux plantes & aux eaux minérales. Quand l’air manque à ces feux renfermés, ils ouvrent le haut des montagnes, & déchirent les entrailles de la terre, qui en souffre une grande agitation. Voyez Volcan & Tremblement. Quelquefois quand le foyer est sous la mer, il en agite les eaux avec une violence qui fait remonter les fleuves, & qui cause des inondations. Voy. Inondations. C’est à cette cause qu’on doit attribuer les tremblemens de terre & une partie des inondations qu’on a essuyés dans plusieurs endroits de l’Europe en 1755 ; année qui sera tristement fameuse dans l’histoire. Voyez Lisbonne, &c. Il paroît par les historiens, que l’année 1531 ou 1530, selon d’autres manieres de compter, fut aussi funeste à l’Europe & à Lisbonne en particulier ; que les tremblemens de terre & les inondations y furent considérables. Des feux soûterreins, il y en a qui s’allument par l’effervescence fortuite de quelques mélanges propres à exciter du feu ; mais il est probable que d’autres ont été placés de tous tems dans les entrailles de la terre ; pourquoi n’y auroit-il pas des réservoirs de feu comme il y a des réservoirs d’eau ? Lisez le mémoire sur la théorie de la terre, inséré à la fin des lettres philosophiques sur la formation des sels & des crystaux, &c. par M. Bourguet. Cet auteur prétend, « que le feu consume actuellement la terre ; que l’effet de ce feu va insensiblement en augmentant, & qu’il continuera de même jusqu’à ce qu’il cause l’embrasement dont les anciens philosophes ont parlé, &c. » Cet article est tiré des papiers de M. Formey.

Feux follets. (Ambulones.) ce sont de petites flammes foibles, qui volent dans l’air à peu de distance de la terre, & qui paroissent aller çà & là à l’aventure. On en trouve ordinairement dans les lieux gras, marécageux, & dans ceux d’où l’on tire les tourbes. On en voit aussi dans les cimetieres, près

des gibets & des fumiers ; ils paroissent sur-tout en été & au commencement de l’autonne, & il s’en rencontre davantage dans les pays chauds que dans les pays froids. De-là vient qu’ils sont communs en Ethiopie & en Espagne, mais ils sont rares en Allemagne.

Ils paroissent suivre ceux qui les évitent, & fuir ceux qui les poursuivent. Voici pourquoi. Le moindre mouvement fait avancer ces petites flammes, de sorte que lorsqu’on vient à leur rencontre, on les chasse devant soi, à l’aide de l’air que l’on pousse en avant, ce qui donne lieu de croire qu’elles fuient ceux qui vont à leur rencontre. Lorsqu’on les a à-dos, on laisse comme un vuide derriere soi, de sorte que l’air qui se trouve derriere ce vuide, venant à s’y jetter dans l’instant & à le remplir, emporte en même tems ces petites flammes, qui paroissent suivre l’homme qui marche devant elles.

Lorsqu’on les saisit, on trouve que ce n’est autre chose qu’une matiere lumineuse, visqueuse & glaireuse, comme le frai de grenoüilles. Cette matiere n’est ni brûlante ni chaude. Il paroît que c’est une matiere comme le phosphore, laquelle doit son origine aux plantes pourries & aux cadavres, &c. comme elle vient à être ensuite élevée dans l’air par la chaleur du soleil, elle s’y épaissit & s’y condense par le froid qui survient le soir. Le soleil fait ici le même effet que le feu artificiel ; & la vapeur de l’eau ne produit dans l’air qu’une legere condensation. Tous les poissons pourris luisent la nuit, comme si c’étoit du feu, & on a aussi observé la même chose en été à l’égard de quelques cadavres. Le peuple de la campagne croit que ces petites flammes sont de malins esprits ou des ames damnées, qui vont roder par-tout, & qui étant mortes excommuniées, conservent toute leur malice. Il y a encore une autre espece de feu follet, appellé en latin ignis lambens. Ce n’est autre chose qu’une petite flamme ou lumiere, que l’on voit quelquefois sur la tête des enfans & sur les cheveux des hommes. On en remarque aussi de semblables sur la criniere des chevaux quand on la peigne. Ces petites flammes n’appartiennent point aux météores aériens, quoique les anciens philosophes les ayent mises dans cette classe. C’est une espece de phosphore produit par la nature du corps, & que l’on pourroit imiter. L’exhalaison onctueuse de la tête s’attache aux cheveux, & s’enflamme aussitôt qu’on les frote ou qu’on les peigne. Les anciens regardoient comme un feu sacré les petites flammes qui paroissoient sur la tête des enfans, & en tiroient d’heureux présages. Voy. ce que Ciceron, Tite-Live, Florus, & Valere-Maxime disent de Servius Tullius encore enfant. Joignez-y le récit de Virgile dans l’Enéïde, livre II. v. 680, &c. Les étincelles qui sortent dans l’obscurité du dos des chats en le frotant à contre-poil, sont de même nature que l’ignis lambens. Article de M. Formey, qui l’a tiré de l’Essai de Physique de M. Musschenbroek, tom. II. p. 855 & suiv.

Il est évident, par ce qui sera dit plus bas au mot Feu électrique, que la matiere des feux follets n’est autre chose que la matiere même de l’électricité.

Feu S. Elme. On appelle ainsi de petites flammes que l’on voit sur mer dans les tems d’orage aux pavillons, aux cordages, aux mâts, & à toutes les parties saillantes & supérieures du vaisseau. Ce feu qu’on a aussi nommé castor & pollux, n’est encore autre chose que le feu électrique. Voyez l’article suivant. On peut voir un plus long détail sur le feu S. Elme dans M. Mussch. Essai de Physique, §. 1684 & suivans. On y trouvera ses conjectures sur la cause de ce phénomene, & ce que les anciens en ont raconté. Plutarque, dit-il, rapporte dans la vie de Lysandre, que ces flammes se tenoient aux deux côtés de som